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Le délicat travail d'insertion des jeunes du pays de Redon

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Depuis sa création en 1984, la mission locale du pays de Redon et de Vilaine tente de développer une politique d'accompagnement et d'insertion des jeunes sur un territoire à cheval sur trois départements et deux régions. Une situation particulière, à laquelle les professionnels ont adapté leur culture de travail.

« Dans la ville, rien qu'en passant un pont vous pouvez changer de département, voire de région », aime à faire remarquer Jean-Christophe Chaurin. Une façon pour le directeur de l'association intermédiaire Aide emploi service de mettre le doigt sur la situation atypique de la ville de Redon. Cette sous-préfecture tranquille d'une dizaine de milliers d'habitants, située en Ille-et-Vilaine, se trouve aux confins du Morbihan et de la Loire-Atlantique. A l'extrémité sud de la région Bretagne, elle jouxte sa voisine, la région des Pays-de-la-Loire. En raison de l'éloignement des grands pôles urbains que sont Rennes, Nantes, Saint-Nazaire ou même Vannes, elle est devenue depuis longtemps le cœur du pays de Redon et de Vilaine, une zone socio-économique homogène comptant une dizaine de cantons.

Lorsqu'elle est créée, en décembre 1984, la mission locale du pays de Redon et de Vilaine (1) est une des premières structures rurales de l'Hexagone et, surtout, la seule à calquer son champ d'intervention sur un « pays » traversant plusieurs régions et départements. En ce milieu des années 80, la situation économique locale (le taux de chômage grimpe à 21,5 % à la fin de l'année 1983) plaide en effet pour des actions d'accompagnement et d'insertion des jeunes, affranchies des découpages administratifs traditionnels. « Tous ceux qui travaillaient à l'époque dans des entreprises qui ont fermé venaient des trois départements et les initiateurs de la mission locale ont dès le départ pris en compte ce concept de pays », se souvient Jean-Christophe Chaurin.

Alors que la mission locale du pays de Redon et de Vilaine vient de fêter ses 20 ans d'existence, plus personne ici ne semble douter du bien-fondé de ce positionnement particulier, qui permet de mener des actions plus cohérentes et en prise avec les spécificités locales. Il a fallu, par exemple, tenir compte de la surreprésentation d'un secteur industriel soumis à d'importants effets de cycles (notamment du côté des sous-traitants automobiles), ce qui a provoqué l'explosion du travail en intérim sur le pays.

Avec une proportion de 64 % de contrats d'intérim chez les jeunes de moins de 25 ans en 2004, les équipes de la mission locale ont dû ainsi imaginer de nouveaux partenariats avec les agences de travail temporaire. « C'est vrai que l'intérim peut être un piège. Des jeunes vont parfois jusqu'à quitter l'école pour se tourner vers cette forme de travail quand tout va bien et ils sont les premiers à se retrouver sans emploi lorsque le cycle est moins favorable, souligne le président de la mission locale, Vincent Bourguet . Il a donc fallu trouver des dispositifs pour permettre à ces jeunes de se projeter au-delà de deux ou trois mois et de préparer leur avenir à plus long terme. » Outre les actions de parrainage engagées avec certaines agences locales d'intérim pour accompagner des jeunes dans leur recherche d'emploi, les conseillers du pôle emploi/formation ont initié une démarche de validation des acquis de l'expérience (VAE). « J'ai été agréablement surpris par l'ouverture de la mission locale sur le monde de l'entreprise et l'organisation en partenariat de réunions d'information sur la VAE auprès de jeunes intérimaires du pays de Redon et de Vilaine. S'ils sont peu ou pas diplômés, ils possèdent en revanche une véritable expérience et un savoir-faire qui pourraient être valorisés par le biais de la VAE », explique Pascal Aubierge, directeur de l'agence Manpower de Redon.

De la même manière, la mission locale a voulu prendre en compte la situation particulière des jeunes femmes, très touchées par le chômage dans ce bassin d'emploi encore peu tourné vers le secteur tertiaire. D'où la mise en place d'actions (films représentant des portraits de femmes au travail, journées d'information...) destinées à sensibiliser les jeunes filles à la diversification des emplois féminins.

Développer la mobilité

Autre difficulté : l'absence de mobilité d'une population jeune vivant dans un pays essentiellement rural et mal desservi par les transports en commun. « Je me souviens d'un jeune homme de 19 ans venu participer à une action de prévention santé et qui n'était jamais venu à Redon. Il avait toujours vécu sur sa petite commune », raconte Catherine Durand, directrice du GRETA de Redon. En montant dès 1995 un atelier de mise à disposition de cyclomoteurs avec l'association Aide emploi service, la mission locale a permis à des jeunes sans grands moyens d'assurer des missions d'intérim, de participer à des stages ou de se rendre à des entretiens d'embauche. Enfin, il a fallu prendre en compte les conséquences de cet isolement sur la santé des jeunes du pays de Redon et de Vilaine : certaines études mettaient en avant le danger des conduites addictives chez une partie de cette population. « Face au nombre croissant de jeunes en situation de souffrance psychique, nous avons créé, il y a six ans, un poste de psychologue au sein même de la mission locale. En 2003, un soutien psychologique a été apporté à plus d'une cinquantaine de jeunes via des entretiens individuels », explique Sylvie Lefebvre, la directrice de la mission locale.

Mais cette inscription de la mission locale dans les contours du pays a un prix. Si elle permet de déployer des actions plus adaptées aux besoins des 16-25 ans disséminés sur huit cantons, elle complique en revanche la tâche des conseillers. « A chaque fois que vous voulez faire quelque chose, vous devez monter trois dossiers et trois conventions destinés aux trois départements qui coupent le pays de Redon et de Vilaine. C'est très difficile à gérer sur le plan administratif », note Vincent Bourguet. Chaque année la structure établit ainsi plus d'une cinquantaine de conventions financières. Lourd, très lourd... Surtout, précisent les responsables, lorsqu'il faut monter des dossiers pour des sommes avoisinant 600 €, comme ce fut le cas par exemple pour l'atelier « cyclomoteurs ».

Et pas question de faire l'impasse sur un partenaire, explique Sylvie Lefebvre : « Nous nous sommes fixé des règles, car on sait bien que si on ne demande pas un financement à un département, les autres nous donneront moins estimant qu'ils n'ont pas à supporter la totalité de la charge. En outre, nous devons toujours être présents sur les trois départements et les deux régions, sinon nous sommes oubliés, rayés de la carte. » De même, la convergence de plusieurs départements et régions dans un périmètre aussi restreint ne facilite pas le travail des conseillers ou de certains partenaires obligés de jongler en permanence avec les dispositifs spécifiques mis en place par chacune des collectivités territoriales. « La grosse difficulté, c'est que parfois, à un kilomètre près, la réponse à une demande de financement de formation pour un jeune n'est pas la même », explique Cécile Houé, conseillère ANPE, mise à disposition de la mission locale. « Bourse emploi » prévue pour les jeunes résidant depuis un an en Ille-et-Vilaine, mais « contrat de soutien à l'autonomie des jeunes » en Loire-Atlantique..., il faut développer une véritable « gymnastique intellectuelle et ressortir systématiquement la boîte à outils pour vérifier que tel dispositif local marche pour telle situation », confirme Sylvie Lefebvre. La mission locale a d'ailleurs adapté son organisation interne, comme le montre l'installation de deux logiciels distincts pour établir un suivi des jeunes région par région.

Au fil des ans, une culture de travail particulière s'est instaurée, assurent les professionnels. « Dans l'action sociale, les mondes sont séparés et il est difficile de faire travailler les gens ensemble, observe Vincent Bourguet . Pour survivre dans un pays comme celui de Redon, il faut impérativement s'ouvrir sur l'extérieur et entrer en dialogue avec les acteurs des trois départements et des deux régions. » Outre la signature d'une charte de partenariat avec les communes, les interventions des conseillers au sein des établissements publics de coopération intercommunale et la publication d'une lettre d'information destinée à rendre plus lisibles les actions en faveur des jeunes du pays, la mission locale multiplie ses participations dans les structures ou réseaux de travail, afin de favoriser la collaboration entre les différents professionnels. Les équipes de la mission locale sont ainsi impliquées au sein d'une coordination partenariale d'action sociale regroupant différents partenaires sociaux et associations caritatives et organisent des séminaires avec d'autres acteurs locaux (ANPE, comité de bassin d'emploi, etc.) pour traiter des problèmes de l'insertion professionnelle et du développement économique. « Nous nous retrouvons les uns et les autres dans ces réseaux pour faire avancer ensemble des projets concernant l'animation culturelle, la mobilité ou la santé. Ces croisements réguliers permettent d'aplanir les tensions, d'éviter, comme cela se passe parfois ailleurs, que des divergences portant sur certaines options d'hébergement ne prennent des proportions démesurées », affirme Laurent Maubech, directeur de la maison d'accueil du pays de Redon. « Ce qui a été tenté et réussi par la mission locale de Redon, c'est cette façon de se servir du pays comme d'un fédérateur, d'un "booster ", pour mener des actions interdépartementales et interrégionales », estime Yves Combrisson, responsable du centre d'action éducative de Redon.

Reste que certaines difficultés se profilent, comme la remise en cause du caractère interdépartemental du Fonds d'aide aux jeunes avec l'acte II de la décentralisation. Une réponse a été élaborée à travers la mise en place d'un projet de règlement interdépartemental qui pourrait entrer en vigueur au 1er janvier 2006. Mais les conseillers devront également reprendre leur bâton de pèlerin pour convaincre les régions et les branches professionnelles de créer des sections d'apprentissage sur le territoire. Aujourd'hui, les jeunes apprentis du pays doivent parcourir en moyenne 45 km pour rejoindre les centres de formation les plus proches...

Henri Cormier

DES ACTIONS DE DÉVELOPPEMENT LOCAL

En 2004, la mission locale du pays de Redon et de Vilaine fonctionnait avec un budget de près de 675 000 € (un tiers provenant de l'Etat, 29 % des régions, 20 % des collectivités locales et 17 % du Fonds social européen) et comptait 17 salariés. Depuis sa création, elle a accueilli plus de 12 000 jeunes, dont 528 nouveaux inscrits en 2003. Parmi ces derniers, plus de la moitié (51,9 %) avaient un niveau inférieur au baccalauréat, 59 % habitaient chez leurs parents et 30 % ne possédaient aucun moyen de locomotion. Outre ses missions traditionnelles d'accompagnement social et d'insertion professionnelle des 16-25 ans, la structure participe à des actions de développement local : « Nous avons été à l'origine d'un certain nombre d'initiatives innovantes dans ce domaine, à l'exemple de l'étude que nous pilotons actuellement sur les emplois de proximité », souligne Sylvie Lefebvre, la directrice.

Notes

(1)  Mission locale du pays de Redon et de Vilaine : 1, rue du Tribunal - 35602 Redon cedex - Tél. 02 99 72 19 50 - E-mail : mission.locale.redon@wanadoo.fr.

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