Le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a rendu, le 28 avril, un avis très attendu sur la prise en charge des affections de longue durée (ALD) (1), qui, en raison de leur poids financier dans les dépenses de santé, font depuis cette année l'objet de contrôles renforcés par la caisse nationale d'assurance maladie (2). La dépense moyenne annuelle pour les personnes atteintes d'une ALD s'élève en effet à 7 450 € et est sept fois supérieure à celles des personnes en dehors de ce régime (1 050 €), explique le Haut Conseil.
Si, pour ces raisons, certains ont émis l'idée d'une éventuelle suppression du régime spécifique de prise en charge des ALD (exonération du ticket modérateur pour les soins et traitements en rapport avec l'affection), le Haut Conseil, lui, ne retient pas cette hypothèse. Il constate en effet que cela impliquerait un transfert de charges d'environ 8 milliards d'euros des régimes de base vers les complémentaires, ce qui se traduirait par une hausse équivalente des primes d'assurance de 340 € par ménage et par an. En outre, cet effort ne serait pas « distribué uniformément sur l'ensemble des ménages », provoquant ainsi « un effet d'éviction de la couverture complémentaire pour les bas revenus avec, en corollaire, des problèmes d'accès aux soins primaires ». « La suppression de l'exonération [du ticket modérateur] pour ALD, [...] emporte donc à l'analyse des conséquences négatives en termes d'équité et de solidarité » , conclut l'instance, pour qui cette solution ne peut être retenue.
Si le Haut Conseil ne remet pas en cause le dispositif des ALD, il attire toutefois l'attention sur « l'urgence d'une meilleure gestion des dépenses d'assurance maladie qui sont engagées dans ce cadre » . Urgence justifiée, selon lui, par les mêmes raisons qui motivent la pérennité du dispositif, à savoir son poids financier et la gravité des pathologies qu'il couvre. L'instance insiste également sur « l'accroissement » des publics couverts, qui s'explique par « le vieillissement de la population, l'amélioration des dépistages, ou encore l'accroissement de la durée des prises en charge liées à la chronicité ». L'effectif des assurés sociaux en ALD, actuellement de 7,5 millions, pourrait dépasser les 10 millions en 2010, estime le Haut Conseil, qui s'étonne, dans ces conditions, de « l'absence de toute modélisation prévisionnelle sérieuse de ces dépenses pour les années à venir ».
Par ailleurs, l'instance se demande si le régime de prise en charge par les régimes de base « ne devrait pas couvrir de façon plus cohérente, efficace et équitable les ménages ». Malgré un taux de prise en charge de 95 % par les régimes obligatoires, le reste à charge (ticket modérateur et forfait hospitalier), hors dépassements, était en moyenne en 2002 d'environ 400 € pour une dépense reconnue de 8 000 € par consommant ALD (3). Et pour le quart des assurés en ALD dont le recours en soins est le plus important (2 millions de personnes), il était d'environ 810 € pour une dépense reconnue de 24 200 €, soit un taux de prise en charge moyen de 96,7 %. Le Haut Conseil recommande donc qu'une « étude détaillée soit menée sur le profil de dépenses et les facteurs de dispersion des dépenses -notamment de soins de ville - des assurés supportant un reste à charge important, qu'ils soient ou non en ALD ». Dans le cas où des aménagements seraient nécessaires, l'avis suggère que les pistes de réforme pourraient notamment se porter sur « une approche plus fine de l'exonération » ou « un recours plus marqué à des mécanismes de franchise ou de plafonnement du ticket modérateur » .
Mais au-delà du mécanisme de prise en charge, le Haut Conseil note également que les critères d'accès au régime d'ALD « ne semblent pas appliqués de manière satisfaisante » et que « l'exonération s'applique, de façon irrégulière, à des soins sans rapport avec la maladie exonérante » . « Une définition plus rigoureuse des durées d'octroi du régime ALD, des procédures de révision mieux assurées devraient [ainsi] freiner l'évolution des dépenses » (4), souligne-t-il.
(1) Avis du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie du 28 avril 2005 - « Pour une prise en charge efficiente des maladies dites : "affections de longue durée " » - Disponible sur
(2) Voir ASH n° 2394 du 11-02-05.
(3) Un reste à charge dont le niveau a, depuis, augmenté de 10 % du fait notamment de la hausse du forfait hospitalier journalier et de la contribution forfaitaire de 1 €.
(4) La CNAM estime à environ 500 millions d'euros l'économie potentielle associée à la bonne utilisation de l'ordonnancier bi-zone, qui permet de différencier les soins et traitements en rapport avec l'ALD et ceux qui ne le sont pas.