Des inquiétudes sérieuses sur la tuberculose « remettent en cause les perspectives de progrès pour cette maladie fortement liée au statut social », constate l'Institut de veille sanitaire dans une étude diffusée le 3 mai (1). Entre 1964, année depuis laquelle la tuberculose fait l'objet d'une déclaration obligatoire, et 1997, le taux d'incidence de la maladie a été divisé par six. Depuis 1997, il reste stable, avec environ dix nouveaux cas pour 100 000 ha- bitants et par an. Mais ce chiffre cache plusieurs inégalités, dont la première est sociale : « la situation est particulièrement dégradée parmi les populations les plus à risque », au premier rang desquelles les migrants, notamment originaires d'Afrique subsaharienne, les sans domicile fixe et les personnes incarcérées.
La tuberculose est en effet 13 fois plus présente chez les personnes migrantes, un taux qui n'a jamais été aussi élevé et augmente, au sein de cette population, de 8 % par an. Bien que limitée (1,4 %), la multirésistance a doublé chez les migrants en deux ans. 13,6 % des personnes touchées en France en 2003 vivaient en collectivité, principalement en foyer d'hébergement. L'incidence de la tuberculose en milieu carcéral, où la promiscuité, l'usage des drogues et l'infection par le VIH sont plus importants qu'ailleurs, est par ailleurs 12 fois plus élevée que la moyenne nationale.
La tuberculose frappe aussi inégalement les territoires. Sur les 6 098 cas de tuberculose déclarés en France métropolitaine en 2003,950 l'ont été à Paris et 450 dans la Seine-Saint-Denis, ces deux départements étant les plus touchés. En 2003 à Paris, où les actions de dépistage ont été renforcées, 104 patients ont commencé un traitement dans les centres médico-sociaux. 87 % des malades étaient des hommes -84 % nés à l'étranger - et 36 % ne disposaient d'aucune couverture maladie. L'équipe mobile de lutte contre la tuberculose destinée aux sans domicile fixe, mise en place par le département à la fin de l'année 2000 avec le SAMU social, a permis de suivre en deux ans 78 patients en file active. Des malades pour lesquels « une offre de soins complémentaire, proposant entre autres un hébergement adapté durant la période de traitement », devrait pouvoir être développée, selon l'étude.
Immigration récente de patients infectés ?Plus grande circulation du bacille tuberculeux, ce qui expliquerait l'augmentation également constatée de l'incidence chez les moins de 15 ans ? Ce sont les hypothèses avancées par les épidémiologistes pour expliquer cette dégradation de la situation. Ils rappellent que les autorités sanitaires ont entrepris différentes actions - amélioration des enquêtes épidémiologiques, des suivis de traitement, de la lutte anti-tuberculose en direction des migrants -, qui doivent plus que jamais être mises en œuvre et renforcées, puis évaluées. « Sans volonté politique forte, sans mobilisation des acteurs, sans organisation décentralisée performante avec des moyens adaptés à la situation sociale locale, l'évolution ne pourra pas être favorable dans les groupes touchés », préviennent-ils.
(1) Bulletin épidémiologique hebdomadaire n° 17 - 18/2005 - 3 mai 2005 - Disponible sur