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UNE NOUVELLE ÉQUATION SOCIALE POUR ÉRADIQUER LA PAUVRETÉ

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Suggestion phare du rapport sur la vulnérabilité des familles, la création d'un revenu de solidarité active pour rendre attractif le retour à l'emploi des personnes sous le seuil de pauvreté. Une proposition qui, parce qu'elle touche à quelques grands principes, est diversement appréciée.

Ce n'est pas sur son constat que le rapport de la commission « Familles, vulnérabilité, pauvreté » - installée par le ministre des Solidarités, de la Santé et de la Famille, Philippe Douste-Blazy, dans la perspective de la conférence de la famille (1) - est novateur. Le groupe de travail, présidé par Martin Hirsch, président d'Emmaüs France, et composé d'acteurs d'horizons divers (syndicats, associations, caisse nationale des allocations familiales, défenseur des enfants, parlementaires...), s'appuie en effet, dans ses conclusions rendues publiques le 21 avril (2), sur une donnée déjà dévoilée par le Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale (3)  : « un million d'enfants, dans notre pays, vivent dans la pauvreté ».

C'est bien plus sur la méthode que le rapport se démarque. Autour de 15 résolutions pour combattre la pauvreté des enfants, il prône une « démarche nouvelle en France », une « rupture », une évolution culturelle, en somme. Pour ce faire, la commission ne craint pas d'effectuer un détour par le domaine de la sécurité routière. Pourquoi, à l'image de cette politique, la France ne se doterait-elle pas d'objectifs de réduction de la pauvreté ? Car, dans ce secteur, « il n'y a pas eu de miracle, mais une volonté politique marquée, des moyens nouveaux mis en œuvre ». En substance : la commission Hirsch en appelle donc à la responsabilité des politiques, mais également à une «  mobilisation générale » des syndicats, des entreprises, des associations, des collectivités locales et de tout un chacun. Ne surtitre-t-elle pas, non sans emphase, son rapport « Au possible nous sommes tenus » ! Pour conforter sa démarche volontariste, elle s'appuie sur l'exemple du Royaume-Uni : le Premier ministre, Tony Blair, a décidé en 1998 d'éradiquer la pauvreté des enfants en une génération avec un double objectif- une cible de zéro enfants pauvres dans 20 ans et l'obtention du « meilleur » taux de pauvreté relative en Europe.

La fixation de tels objectifs de réduction de la pauvreté - principe auquel souscrit Philippe Douste-Blazy -aurait pour effet de «  redonner un sens aux dépenses sociales », plaide la commission Hirsch qui vise «  un objectif de réduction à zéro de la pauvreté des enfants » en 2020. Autrement dit, réduire de un million en 15 ans le nombre d'enfants pauvres en France (au seuil de 50 % du revenu médian (4) ). Cet objectif devrait être atteint par paliers : un tiers de l'objectif au bout de cinq ans, les deux tiers à l'horizon des 10 ans. Il devrait également se conjuguer avec un objectif de réduction de la pauvreté relative. La France pourrait « se fixer d'être, en matière de lutte contre la pauvreté des enfants, dans les trois premiers pays européens. Elle se trouver [ait] ainsi en saine "concurrence" avec des pays qui sont manifestement mieux placés qu'elle actuellement (pays scandinaves), ou qui se sont fixé une telle ambition (Royaume-Uni). »

Axe privilégié : rendre plus attractif l'entrée sur le marché du travail. De fait, «  pour une proportion de plus en plus importante des ménages, le travail ne permet pas de franchir le seuil de pauvreté ». Il s'agit alors «  de passer d'un système dans lequel on peut soit relever de prestations d'assistance, soit entrer dans le monde du travail, sans garantie de sortir de la pauvreté, à un système permettant de combiner revenus du travail et revenus de solidarité ».

Un revenu de solidarité active

C'est, à ce titre, qu'elle définit une «  nouvelle équation sociale »  : «  dans tous les cas, chaque heure travaillée doit se traduire par une diminution des prestations inférieure à ce que rapporte le travail ». L'idée est en fait de supprimer les effets de seuil, qualifiés de « trappes à inactivité », « à l'origine de situations absurdes et inacceptables où le travail fait perdre de l'argent et où les minima sociaux, devenus des maxima indépassables pour une partie de la population, sont retenus vers le bas pour créer un écart avec les salaires ». Par exemple, un titulaire du revenu minimum d'insertion qui reprend une activité à quart temps au SMIC a des gains faibles, « jamais supérieurs à 150par mois pendant la phase d'intéressement (5) et parfois très proches de zéro, une fois la période d'intéressement terminée : ces montants semblent insuffisants pour couvrir les éventuels frais associés à la reprise d'activité » (frais de garde, d'habillage...).

Cette nouvelle équation sociale (saluée par Philippe Douste-Blazy qui juge toutefois nécessaire des « expertises complémentaires » )repose sur la création d'une prestation : le revenu de solidarité active (RSA) qui intégrerait « toutes les sources de revenu qui ont un effet potentiel sur le lien entre revenus du travail et revenus de la solidarité » ; à savoir, le revenu minimum d'insertion (RMI), l'allocation de solidarité spécifique et l'allocation de parent isolé (API) ( « qu'il faut rebâtir afin qu'ils cessent d'être des allocations différentielles, se transformant en "maxima" sociaux pour toutes celles et tous ceux qui ne peuvent revenir à l'emploi » ), les aides fiscales, telles que la prime pour l'emploi, (« dont la conception et la mise en œuvre n'ont permis d'atteindre aucun des objectifs qui avaient présidé à sa création » ), voire les aides au logement, la commission ne tranchant pas la question de leur éventuelle intégration. Mais, la création de cette nouvelle prestation ne devra évidemment pas « déplacer ou recréer les effets de seuil » dans le cadre des aides facultatives extra-légales (action sociale des communes, des caisses d'allocations familiales...).

Ce revenu serait encadré par plusieurs principes. Au cœur du dispositif, une règle de base : tout revenu tiré du travail devrait déclencher une diminution des prestations inférieure d'environ 50 % au gain provenant du travail, qu'il s'agisse de quelques heures travaillées dans la semaine ou le mois, ou d'une activité professionnelle à temps plein. En outre, l'évolution de ce revenu devrait varier suivant les ressources des intéressés : une progression plus rapide pour les revenus les plus faibles jusqu'à un point d'inflexion situé autour de 0,7 SMIC pour une personne seule, suivie d'une réduction « légèrement plus accentuée » entre 0,7 et 1,4 SMIC pour une personne seule. Au-delà, le revenu ne serait plus perçu. Dans tous les cas, le niveau du RSA serait relevé en fonction de la situation familiale sur la base du barème actuel des minima sociaux.

Concrètement, cette prestation n'aurait pas de conséquence pour les ménages sans activité, même si un « mécanisme complémentaire devrait être mis en place pour favoriser une activité, même à temps très partiel, de personnes durablement éloignées de l'emploi ». Le RSA s'adresserait, en revanche, au million de travailleurs pauvres (6) - ceux qui, selon l'INSEE, se sont déclarés actifs (ayant un emploi ou au chômage) six mois ou plus dans l'année, dont au moins un mois en emploi, et qui vivent au sein d'un ménage pauvre. Dans ce cadre, les revenus des familles seraient constitués de ceux du travail, du revenu de solidarité active (dont le montant varierait en fonction du revenu mensuel travaillé, selon la configuration familiale), ainsi que des prestations familiales. Ces dernières continueraient à exister indépendamment mais seraient intégrées au moment du versement du revenu de solidarité active. Une telle « confusion » entre RMI, allocation chômage ou API, d'un côté, et les prestations familiales, de l'autre, suscite néanmoins l'inquiétude de la Confédération syndicale des familles. Laquelle dénonce « une politique de lutte contre la pauvreté en trompe l'œil ».

Une démarche d'ensemble

Pour la commission, la définition de cette nouvelle équation sociale doit toutefois aller de pair avec une démarche d'ensemble. Le combat contre la pauvreté des familles concerne « toutes les grandes politiques publiques : la politique fiscale, la politique économique et sociale, la politique familiale, la politique de l'emploi, la politique de santé, la politique de l'éducation, la politique du logement ». Au premier chef, « cette réforme qui peut rendre le travail plus rémunérateur [...] ne dispense pas d'une politique de l'emploi qui rende le travail plus accessible ».

Au-delà, la commission Hirsch met en garde : cette nouvelle prestation ne doit pas conduire à destructurer l'emploi par la promotion d'un temps partiel mal maîtrisé. Prenant acte du risque que certains employeurs intègrent, « au moins implicitement, le maintien d'une partie des revenus issus de la solidarité pour limiter les évolutions du salaire ou privilégier le temps partiel, même quand cela ne correspond pas aux souhaits du salarié », elle invite le gouvernement à étudier des modalités de pénalisation du temps partiel à très petite durée. Elle propose une contribution des entreprises, ou un moindre allégement de charges, quand la part de temps partiel ou le taux de précarité augmente. La CFDT se réjouit de la prise en compte de cette préoccupation et promet d'être vigilante sur ce point, afin de ne pas « multiplier les temps partiels contraints ».

Outre ces questions d'emploi, le logement représente, selon le rapport, le second problème majeur des familles en situation de pauvreté. Or, l'intervention des aides au logement a « conduit à cette situation paradoxale que le loyer moyen des personnes les plus pauvres est aujourd'hui plus élevé que celui des personnes disposant du revenu médian ». De fait, les propriétaires ont parfois répercuté sur le prix des loyers le montant des aides au logement. Aussi la commission Hirsch appelle-t-elle les pouvoirs publics à peser sur les loyers en inversant la tendance à la hausse des loyers « par une politique de conventionnement plus ambitieuse et une politique fiscale cohérente avec les objectifs sociaux ».

C'est l'idée d'un New Deal locatif : les propriétaires qui accepteraient de réaligner les loyers sur un niveau de référence et de caler l'évolution de ce loyer sur un taux conventionnel se verraient proposer des avantages fiscaux plus avantageux que les mécanismes actuels et l'adhésion à un système de garantie des impayés de loyers. Parallèlement, l'incitation fiscale pourrait être, au moins en partie, financée par un alourdissement de la fiscalité pour les propriétaires demeurant « hors secteur conventionné », ainsi que par une augmentation des pénalités prévues par la loi de solidarité et de renouvellement urbains. Ce New Deal locatif consisterait « à récupérer au profit des familles une partie des avantages dont les bailleurs ont bénéficié au cours des dernières années, à moins qu'ils ne s'engagent dans un mécanisme de modération ». En outre, le rapport Hirsch reprend les interrogations des associations sur le droit au logement. Doit-il demeurer un droit théorique, qui ne crée pas d'obligation opposable (à l'instar du droit au travail ou du droit à la santé), ou un droit qui peut être effectivement exercé, à l'image du droit du travail ou du droit aux soins ?

Autre « point central dans la réduction de la pauvreté des enfants » : la conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale. Huit enfants de familles bénéficiaires d'un minimum social sur dix, qui ne sont pas en âge d'être scolarisés, sont gardés par leurs parents. La commission plaide dès lors pour le développement de l'offre des modes d'accueil. Elle rejoint sur ce point en partie les souhaits du ministre de la Famille au travers du projet de loi sur les assistants maternels et les assistants familiaux, en cours de discussion au Parlement (7).

Là encore, la commission assortit cette résolution d'objectifs chiffrés : le taux de couverture de la population devrait atteindre 50 % des enfants de 0 à 3 ans dans cinq ans, soit un accueil de 400 000 enfants de plus qu'aujourd'hui, 60 % dans dix ans et 70 % dans 15 ans (en se fondant sur une base de 31,8 % aujourd'hui). Pour aboutir, à terme, à la reconnaissance d'un droit au mode d'accueil des jeunes enfants. Le coût de cette mesure varierait, selon le rapport, à l'horizon des cinq ans, entre 3,4 milliards d'euros (en cas de création uniquement de places d'accueil collectif), 1,8 milliards d'euros (création de places seulement auprès d'assistantes maternelles) et 2,6 milliards d'euros (création à égalité de ces deux catégories de places). Et pourquoi ne pas redéployer les moyens alloués au complément de libre choix d'activité de la prestation d'accueil du jeune enfant - 2,7 milliards d'euros - pour financer ce service public de la petite enfance ?, suggère le rapport. Mais sa proposition n'a pas reçu l'assentiment de tous les membres du groupe de travail. En témoigne le refus catégorique tant de l'Union nationale des associations familiales que de la caisse nationale des allocations familiales. Un point de vue également partagé par Philippe Douste-Blazy. Toujours dans ce cadre, mais plus spécifiquement, elle propose d'affirmer le droit à un mode d'accueil collectif (ou individuel dans les zones rurales) pour les familles les plus pauvres, voire pour les familles monoparentales en retour à l'emploi ou à la formation.

Dans le secteur de l'éducation, dans la lignée du plan de cohésion sociale (2), que la commission signale avoir pris en compte, le rapport préconise d'investir massivement dans les zones d'éducation prioritaires en leur accordant des moyens supérieurs de plus de 20 % (contre 11 %aujourd'hui) à ceux des quartiers favorisés. Parmi ses propositions figurent également celle de favoriser la réussite scolaire en réduisant les taux de redoublement au primaire, celle d'expérimenter un dispositif d'aide accordée aux parents pour qu'ils maintiennent leur enfant de plus de 16 ans dans le système scolaire ou encore celle de rendre plus attractifs pour l'employeur les contrats d'apprentissage des jeunes majeurs.

Trois pistes de financement

Quel sera le coût de l'ensemble de ces propositions ?La commission en donne une estimation. La création du revenu de solidarité active, entraînera, selon elle, un surcoût net, à plein régime, compris entre 4 et 8 milliards d'euros. A la limite même, se référant à des exemples étrangers, « le pari d'une prestation telle que le RSA peut quasiment s'autofinancer ».

Toutefois, elle évoque trois possibilités de financement. Le premier consiste en des redéploiements d'autres dépenses publiques. Deuxième piste envisagée : celle de la redistribution par la modification du plafond du quotient familial ou l'imposition des prestations familiales qui ne le sont pas. Une voie qui suscite d'ores et déjà « les extrêmes réserves » de l'Union nationale des association familiales, qui craint d'ailleurs plus globalement, comme la Confédération syndicale des familles, que « la volonté sous-entendue [...] de modifier le périmètre de la politique familiale » ne crée « un amalgame entre politiques sociales et politiques familiales au détriment des familles modestes ». Même réaction de la caisse nationale des allocations familiales : si elle salue les «  approches ambitieuses » de ce rapport, elle voit dans cette option «  une remise en cause du principe d'universalité des allocations familiales ».

Dernier mode de financement qui a la préférence de la commission : articuler ce revenu avec le financement des mesures en faveur de l'emploi ; la création d'un revenu de solidarité active est considérée, dans ce système, comme une dépense pour l'emploi, au même titre que d'autres dépenses, tels que les allégements de charges sociales. La commission préconise ainsi de lier le financement de cette prestation à des allégements de charges sociales sur les salaires accordés en fonction de la diminution de la proportion d'emplois à temps partiel ou d'emplois précaires.

Le rapport va même jusqu'à proposer l'idée de lier les plus hautes rémunérations, c'est-à-dire les salariés qui ont des responsabilités dans l'évolution du niveau de l'emploi, aux performances de la France dans le domaine de la lutte contre la pauvreté et de la création d'emplois. Ainsi leurs revenus pourraient varier, d'une part, en fonction des résultats spécifiques à l'entreprise, d'autre part, en fonction des performances sociales (taux d'activité, taux de précarité, taux de pauvreté) du pays.

Pour les autres résolutions, la commission estime que certaines sont susceptibles d'être financées par redéploiement ou par mobilisation de moyens existants (comme l'abondement d'une allocation au maintien dans le système scolaire par redéploiement des bourses existantes), l'investissement dans les zones d'éducation prioritaire (en réduisant le volume des redoublements). Pour le reste, elle propose une montée en charge progressive sur la base de programmes expérimentaux lancés pour cinq ans auxquels l'Etat pourrait consacrer un fonds de l'ordre de 500 millions d'euros par an. Sachant que ce dernier pourrait également être abondé par les crédits affectés au plan de cohésion sociale pour l'année 2005 et non dépensés.

Ce rapport a-t-il un avenir ? Si Philippe Douste-Blazy y souscrit globalement, Jean-Louis Borloo estime, pour sa part, que ce document conforte, pour l'essentiel, les mesures de son plan de cohésion sociale. « La réalité commande de dire, explique le ministre de l'Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale dans un communiqué, qu'une large part des mesures préconisées sont d'ores et déjà mises en œuvre en partenariat avec l'ensemble des collectivités locales » dans le cadre de ce plan. Une opinion également partagée par le vice-président (UMP) de l'Assemblée des départements de France, Louis de Broissia. Philippe Douste-Blazy a appelé, de son côté, à l'ouverture d'une concertation interministérielle. Il faudra attendre la conférence de la famille, en juin prochain, pour juger quelles suites le gouvernement entend donner à ces propositions.

Sophie André

En finir avec les restrictions aux droits des étrangers

La commission souhaite balayer certains jugements qu'elle estime erronés : les restrictions aux droits des étrangers en matière d'accès aux soins et au marché du travail ne sont pas forcément rentables en termes de lutte contre la pauvreté et la crainte d'un appel d'air ou d'une augmentation de la pression migratoire pas nécessairement vérifiée. « A-t-on vu une augmentation des migrations dans les pays qui ont autorisé les demandeurs d'asile à travailler ?A-t-on constaté un afflux d'étrangers à la suite de la mise en place de l'aide médicale de l'Etat (AME)  ? », interroge-t-elle. Sur ce dernier point, elle estime d'ailleurs que les hésitations dans la réforme de l'AME « n'ont que trop duré ». Elle privilégie donc la voie de l'intégration pure et simple de l'AME à la couverture maladie universelle (CMU), en supprimant l'exigence de présenter un titre de séjour pour bénéficier de la CMU. Pour conforter sa position, elle fait appel aux données de l'inspection générale des affaires sociales : le coût annuel moyen d'un bénéficiaire de l'AME serait aujourd'hui supérieur à celui d'un bénéficiaire de la CMU. Dès lors, évaluant à 250 000 le nombre de personnes déboutées du droit d'asile sur le territoire et supposant que toutes s'inscrivent à la CMU (ce qui lui paraît peu probable), l'intégration de l'AME à la CMU générerait, selon la commission, un surcoût de l'ordre de 240 millions d'euros. « Ces sommes ne sont ni hors de portée ni gaspillées :elles devraient être conçues comme un investissement du système de santé qui gagnera à rembourser des soins curatifs plutôt que des hospitalisations en urgence. » Pour les auteurs, cette réforme ne mettrait pas fin à la question du traitement des étrangers résidant sur le territoire depuis moins de trois mois, cette condition de durée de résidence de trois mois, commune aux régimes actuels de l'AME et de la CMU, leur paraissant nécessaire « pour éviter que le bénéfice de la CMU ne soit accordé aux simples titulaires de visas touristiques ». Toujours dans cet esprit, le rapport préconise de revenir sur la circulaire de 1991 qui a fermé l'accès au marché du travail des demandeurs d'asile afin de réduire fortement le travail clandestin et de désengorger les dispositifs d'urgence. Elle souhaite également élargir l'accès aux formations par l'apprentissage à tous les mineurs étrangers présents sur le territoire, et pas seulement à ceux pris en charge par l'aide sociale à l'enfance avant 16 ans en vertu de la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005 (7).

Une nouvelle relation avec les services sociaux

Ce n'est pas seulement en infléchissant les différentes politiques en faveur de la lutte contre la pauvreté des enfants que l'objectif « zéro pauvreté » peut être atteint, estime la commission. Cette action repose aussi sur la mise en place d' « une nouvelle relation des familles avec les services sociaux ». Car « rendre "abordable financièrement" un service n'est pas nécessairement le rendre "accessible" pratiquement pour les familles en difficulté ». L'exemple de la couverture maladie universelle est révélatrice à cet égard : « l'information et l'offre -même gratuite - de soins ne suffisent pas à rendre effectif l'accès aux soins ». Pour la commission Hirsch, « chaque famille doit avoir un très faible nombre d'interlocuteurs pour un accompagnement personnalisé, stable dans le temps, [...] par une personne ou une équipe disposant de véritables moyens d'action et non pas simplement du pouvoir de renvoyer vers un autre service ». Mais les rapporteurs ne sont pas dupes. Corrélativement, les intervenants sociaux (auxquels Philippe Douste-Blazy a rendu hommage en recevant le rapport) doivent avoir un nombre raisonnable de personnes à suivre pour pouvoir nouer une relation continue et personnalisée. Néanmoins, ajoute le document, ce n'est pas aux familles de connaître ou de subir la complexité de l'organisation de l'action sociale, « ce sont aux services sociaux d'organiser une interface simple entre deux univers complexes : complexité des administrations et complexité de la pauvreté ». Pour cela, doivent se développer une logique de confiance et une culture de l'audit des pratiques et des temps d'accompagnement. Plutôt que de se crisper sur la justification de la dépense publique, au risque de bloquer la consommation des crédits et d'empiler des dispositifs inadaptés aux situations, la commission propose d'élargir la marge d'appréciation et d'action des intervenants sociaux institutionnels ou associatifs, en leur donnant les moyens d'évaluer a posteriori leur efficacité. Des intervenants qui devront avoir à cœur d'exercer un véritable accompagnement social, souligne la commission, qui suggère, à cet effet, la tenue d'assises nationales de l'accompagnement social « pour libérer cette parole collective et envisager des modalités d'organisation plus professionnalisées du travail social ». Et, parce qu' « il serait vain de se fixer des objectifs ambitieux de réduction de la pauvreté sans donner la parole aux personnes qui sont quotidiennement au contact des plus démunis ». Ces assises pourraient notamment être l'occasion de repenser les formations initiales et continues en travail social pour les orienter davantage sur les pratiques de communication et de savoir-être (a contrario du savoir et du savoir-faire), ou encore de soutenir systématiquement les équipes de terrain en définissant des principes d'encadrement et de supervision. Toutefois, cette marge de manœuvre accrue devrait avoir pour contrepartie une plus grande valorisation des emplois d'accompagnant et un effort de qualification et de formation.

Notes

(1)  Voir ASH n° 2387 du 24-12-04.

(2)   « La nouvelle équation sociale » - Disponible sur le site www.sante.gouv.fr.

(3)  Voir ASH n° 2355 du 16-04-04.

(4)  A noter que le rapport demande au gouvernement d'abandonner sa particularité consistant à mesurer la pauvreté avec un seuil de 50 % du revenu médian et de s'aligner sur les autres pratiques majoritaires en Europe (seuil de 60 %).

(5)  La réglementation prévoit, en effet, que pendant un temps limité, les titulaires du revenu minimum d'insertion peuvent intégralement cumuler les revenus tirés d'une activité professionnelle avec leur allocation. - Voir ASH n° 2390 du 14-01-05.

(6)  Au seuil de 60 % du revenu médian, ils sont un peu plus de 2 millions de travailleurs pauvres.

(7)  Voir ASH n° 2395 du 18-02-05.

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