L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a enregistré 65 600 demandes d'asile en 2004, contre 62 000 en 2003, soit une augmentation de 5,8 % selon le dernier rapport d'activité de l'instance (1). Une hausse à mettre toutefois en perspective avec le fait qu'en 2003, la demande d'asile territorial gérée par le ministère de l'Intérieur était d'environ 28 000 demandes. « L'instauration du guichet unique de l'OFPRA, compte tenu des chiffres de 2003, pouvait donc laisser présager un total d'environ 90 000 demandes pour l'année 2004 », note le document. Sans que l'on connaisse néanmoins la proportion de ceux qui, parmi les 28 000 demandeurs qui s'étaient adressés aux préfectures, avaient aussi déposé parallèlement une demande d'asile devant l'office...
Quoi qu'il en soit, l'OFPRA note que la France reste le premier pays destinataire de demandeurs d'asile devant les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l'Allemagne. Et qu'une baisse générale est observée chez nos voisins européens.
En fait, si l'on ne considère que les premières demandes stricto sensu, la demande d'asile en France est en voie de diminution : - 2 % par rapport à 2003, mineurs inclus. Comment s'explique alors la hausse de 5,8 % de la demande présentée devant l'OFPRA ?Première raison : le triplement du nombre des demandes de réexamen, passé de 2 225 en 2003 à 7 069 en 2004. Une hausse spectaculaire liée, selon l'office, à plusieurs facteurs :
le nombre important de décisions de rejet qu'il a prononcé au cours de la période 2002-2004, qui a entraîné de façon mécanique le nombre de déboutés candidats au réexamen ;
les nouvelles dispositions législatives qui, en élargissant le champ d'application de la convention de Genève et en instituant la protection subsidiaire, « ont incité les déboutés de l'asile à solliciter le réexamen de leur demande en vue de bénéficier de ces dispositions plus favorables en termes de protection » ;
les nouveaux objectifs fixés aux préfectures en termes d'éloignement des clandestins, qui « ont pu pousser certains déboutés, par crainte d'une exécution imminente d'une mesure de reconduite à la frontière, à déposer une demande de réexamen ».
Au-delà des réexamens, l'augmentation des demandes de mineurs accompagnants explique également la hausse globale de la demande d'asile devant l'OFPRA. 1 221 demandes ont ainsi été enregistrées en 2004, contre 845 en 2003. Pour la grande majorité d'entre eux, ces mineurs proviennent du continent africain (61 %) et sont originaires essentiellement de la République démocratique du Congo et de l'Angola.
Avec un total de plus de 68 100 décisions d'accord et de rejet - « auxquelles il faut ajouter environ 10 700 décisions portant sur des dossiers de mineurs accompagnants » -, l'office aura été en mesure de traiter « l'équivalent de la demande de l'année (57 600 dossiers) et de résorber 10 500 à 11 000 dossiers de stock ». Et il aura admis sous protection 11 292 demandeurs, soit un taux global d'admission (décisions de la commission des recours comprises) de 16,6 %, contre 14,8 % en 2003.
Le rapport dresse par ailleurs un bilan des nouvelles procédures entrées en vigueur dans le cadre de la réforme du droit d'asile (2). Il note ainsi que l'application de la protection subsidiaire demeure limitée, avec seulement 83 admissions, ce qui représente 1,3 % du total des admissions de l'année. « Cela s'explique en partie par le fait que l'élargissement de l'application de la convention de Genève a restreint de fait les motifs d'octroi » de ce régime de protection. Pour l'essentiel, ces décisions auront été prises sur la base de « menaces avérées de tortures ou de peines ou traitements inhumains et dégradants » et plus de la moitié des bénéficiaires sont des ressortissants algériens (les autres se répartissant sur une quinzaine de nationalité).
La notion d'asile interne n'a, quant à elle, pratiquement pas été utilisée en 2004 ni par l'office, ni par la commission des recours des réfugiés, et cela en raison, explique le rapport, « des restrictions significatives à l'application de ce principe » qu'a posées le Conseil constitutionnel, « notamment sur les conditions dans lesquelles le demandeur d'asile pourrait effectivement s'établir sur une autre partie du territoire » (3).
Enfin, quid de l'application du décret du 19 août 2004, selon lequel une demande d'asile qui n'a pu être présentée complète et motivée en français dans un délai de 21 jours ne peut être enregistrée (4) ?Au cours des premiers mois de 2004, le taux de non-enregistrement -dossiers hors délai ou incomplets - était proche de 10 %. A la fin de l'année, il a été rapporté à 5 %, note l'OFPRA.
(1) Rapport disponible sur le site ofpra. gouv. fr.
(2) Voir ASH n° 2340 du 2-01-04.
(3) Pour mémoire, la notion d'asile interne permet à l'OFPRA de rejeter la demande d'asile d'une personne qui aurait accès à une protection sur une partie du territoire de son pays d'origine. Mais, exigence posée par les neuf sages, l'office doit s'assurer au préalable que la zone géographique en cause constitue une « partie substantielle » du pays d'origine du demandeur, que celui-ci peut y accéder, s'y établir en toute sûreté et y mener une existence normale.
(4) Voir ASH n° 2370 du 27-08-04.