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Bientôt une « charte qualité » pour les hôtels meublés franciliens

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« Mieux connaître le processus de logement en hôtel des familles de demandeurs d'asile ou de déboutés du droit d'asile » ainsi que la logique économique de ces établissements, pour améliorer l' « action des services déconcentrés de l'Etat dans ce domaine ». Tel était l'objet de la mission confiée en février 2004 par le préfet d'Ile-de-France à la direction régionale des affaires sanitaires et sociales et à la direction régionale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Alors que, le 15 avril, l'incendie de l'hôtel Paris-Opéra a provoqué la mort de 24 personnes hébergées au titre de l'urgence, le rapport des inspecteurs (1), présenté en septembre dernier au gouvernement, fait la lumière sur des pratiques dénoncées de longue date. «  L'importance physique de ce parc hôtelier et les moyens financiers mobilisés - près de 50 millions d'euros pour Paris - amènent à s'interroger sur les conditions d'hébergement et de fonctionnement de ce dispositif qui repose sur un secteur marchand », soulignent les auteurs.

Le document décrypte le marché juteux que représente, pour un certain type d'hôtellerie, l'accueil des populations précarisées. De 7 000 à 8 000 personnes sont, chaque jour, hébergées par les associations dans ce parc, qui représente 36 % du dispositif d'hébergement en Ile-de-France. La Coordination d'accueil des familles de demandeurs d'asile (CAFDA) et le SAMU social, qui « gèrent » environ 90 % de la demande dans la région, mobilisent à eux seuls quelque 250 hôtels, généralement non homologués, échappant «  à toute norme de qualité ». Comme l'a déjà pointé la Fondation Abbé-Pierre en 2003 (2), nombre de ces hôtels «  se caractérisent par leur vétusté et leur mauvais entretien », avec un équipement le plus souvent inadapté. Les chambres, dans lesquelles les résidents logent depuis plus d'un an, voire dix ans dans certains cas, sont généralement sur-occupées. Même si les associations ont mis en place des procédures de contrôle (la CAFDA emploie un « contrôleur-médiateur » affecté à cette mission à temps plein), elles ne peuvent souvent, face aux besoins, qu'assister impuissantes à ces dysfonctionnements.

Des prix excessivement élevés

Pis, les hôteliers profitent de ce marché captif pour pratiquer des prix excessivement élevés :de 15 à 20 € par nuitée et par personne, bébés compris. L'hébergement d'une famille de cinq personnes dans une même chambre, à raison de 17 € par personne, revient à 2 550 € par mois !Pas étonnant, avec ces paramètres, que les marges atteignent en moyenne 42,3 % en 2003, contre 16 % dans l'hôtellerie classique... Certains prestataires spécialisés profitent même de ce créneau en prospectant pour les associations et en se rémunérant sur le différentiel du prix négocié.

Même s'ils mettent en cause l'insuffisance des places dans les structures collectives d'accueil, les rapporteurs estiment que le recours aux hôtels répond à des impératifs «  de souplesse de gestion utile en cas de crise et d'augmentation de la population concernée ». Mais ils concluent que la pratique ne peut être en l'état pérennisée. Ils recommandent en premier lieu de poursuivre «  le développement de modes de prise en charge adaptés », mais aussi de mieux formaliser les relations entre les directions départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS) et les associations. Ce qui suppose que leurs conventions prévoient «  des dispositions précises sur ce que doivent mettre en œuvre les associations pour garantir au public dont elles assurent la prise en charge un hébergement dans des conditions satisfaisantes ». Les pratiques financières (manque de prospective, délégation de crédit tardive, paiement par nuitée) ne favorisant pas la transparence, les auteurs de l'étude souhaitent aussi que les conventions fixent «  des modalités de contrôle sur l'utilisation des fonds attribués par l'Etat ».

Pour mieux « encadrer » le recours à l'hôtellerie, le rapport propose de renforcer et de former davantage les personnels qui, dans les associations, sont chargés de la négociation tarifaire et du suivi de l'hébergement, notamment en valorisant le savoir-faire acquis par le SAMU social et la CAFDA. L'achat des prestations hôtelières par les opérateurs sociaux devrait, selon la mission, être soumis aux règles des marchés publics.

Le rapport soutient par ailleurs le «  projet de plate-forme commune entre la CAFDA et le SAMU, destiné à centraliser et harmoniser la demande hôtelière », qui devrait se traduire par la mutualisation des moyens des deux structures pour prospecter, négocier et suivre les prestations, sans avoir à passer par des intermédiaires. Des conventions entre les associations et les hôteliers devraient également être signées, ajoute-t-il, et inclure «  un socle minimum de prestations à réaliser et la possibilité d'effectuer sur place un contrôle de l'effectivité des prestations ». Une «  fiche d'accueil » sur les modalités d'hébergement et les services sociaux disponibles devrait, selon les inspecteurs, être formalisée et remise aux familles par l'hôtelier.

Toutes ces préconisations sont, sous l'égide de la préfecture de région, étudiées par la direction des affaires sanitaires et sociales de Paris (DASS) et les services déconcentrés de plusieurs ministères, dont ceux chargés des affaires sociales, de la ville et de l'équipement. «  Nous avons décidé de mettre en œuvre les principales recommandations du rapport : la mutualisation, le contrôle des achats et la restructuration de l'offre d'hébergement », explique Jean-Philippe Horreard, chef du service « urgence sociale et intégration » à la DASS. Une « charte qualité » liant les associations et les hôtels devrait être finalisée avant l'été. Conçue avec la DRASS, en accord avec les DDASS de la région, elle devrait être applicable dans toute l'Ile-de-France.

Rappelant que Paris concentre, avec 4 500 places, la moitié des capacités d'hébergement d'urgence d'Ile-de-France, Gisèle Stievenard, adjointe au maire de Paris chargée de la solidarité et des affaires sociales, a quant à elle appelé, lors du Conseil de Paris du 18 avril, à des «  solutions nationales et régionales ». Elle a réclamé «  la convocation en urgence, sous l'autorité de l'Etat, d'une conférence régionale sur l'hébergement d'urgence et hôtelier associant les services de l'Etat, les collectivités locales, les associations et des représentants du secteur hôtelier ».

M. LB.

Notes

(1)  Disponible sur www.paris.pref.gouv.fr.

(2)  Voir ASH n° 2337 du 12-12-03.

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