Malgré quelque 88 amendements déposés et un débat houleux, le consensus autour de la loi sur les droits des malades et la fin de vie a prévalu, les sénateurs de la majorité ayant adopté le 12 avril, sans aucune modification, la mouture votée par l'Assemblée nationale le 30 novembre. Il est vrai que le texte, récemment salué par la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (1), s'inspirait largement des préconisations d'une mission parlementaire chargée de réfléchir à cette question, mise en place au lendemain de l'affaire Humbert (2) et emmenée par le député UMP des Alpes-Maritimes, Jean Leonetti (3). Présentation de ses dispositions, sous réserve d'un éventuel recours devant le Conseil constitutionnel.
La loi affirme en premier lieu, de manière générale, le principe selon lequel les actes médicaux ne doivent pas être poursuivis avec une obstination déraisonnable. Elle définit également les cas dans lesquels ces derniers peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris : « lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n'ayant d'autres effets que le seul maintien artificiel de la vie ». Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en lui dispensant des soins palliatifs.
La loi cherche, par ailleurs, à mieux encadrer pour tous les malades, qu'ils soient conscients ou non, les procédures d'arrêt des traitements. Dans le premier cas, le code de la santé publique reconnaît déjà à tout malade un droit au refus ou à l'interruption d'un traitement. Toutefois, si ce choix met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en œuvre pour le convaincre d'accepter les soins indispensables. Le texte précise désormais que le médecin aura la possibilité de faire appel à un autre membre du corps médical pour mieux convaincre le malade. Qu'un autre praticien soit intervenu ou non, le malade devra réitérer sa décision après un « délai raisonnable » de réflexion et celle-ci sera inscrite au dossier médical. En ce qui concerne le malade inconscient, aucune limitation ou aucun arrêt de traitement « susceptible de mettre sa vie en danger » ne pourra être réalisé sans le respect d'une procédure collégiale définie par le code de déontologie médicale et sans la consultation de la personne de confiance (4), de la famille ou, à défaut, d'un de ses proches et, le cas échéant, des directives anticipées de l'intéressé. La décision motivée de limitation ou d'arrêt du traitement doit enfin être inscrite au dossier médical.
En effet, la loi prévoit également que toute personne majeure pourra rédiger des directives anticipées - qui indiquent ses souhaits en ce qui concerne sa fin de vie et sont révocables par elle à tout moment - pour le cas où elle serait un jour hors d'état d'exprimer sa volonté. Le médecin devra en tenir compte pour toute décision d'investigation, d'intervention ou de traitement la concernant, à condition qu'elles aient été établies moins de trois ans avant son état d'inconscience.
Un autre volet du texte reconnaît des droits spécifiques aux malades en fin de vie, c'est-à-dire à ceux « en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable quelle qu'en soit la cause ». Dans ce cadre, le médecin sera autorisé à limiter ou à arrêter tout traitement lorsque le patient conscient le décide. Le praticien devra alors respecter sa volonté, après l'avoir informé des conséquences de son choix, et sera tenu de dispenser des soins palliatifs. Si la personne en fin de vie est inconsciente, la personne de confiance voit son rôle renforcé : son avis prévaudra sur tout autre avis non médical, à l'exclusion des directives anticipées du malade, sauf urgence ou impossibilité. Le médecin pourra également décider « de limiter ou d'arrêter un traitement inutile, disproportionné ou n'ayant d'autre objet que la seule prolongation artificielle de la vie de cette personne » suivant une procédure encadrée : décision collégiale, consultation de la personne de confiance, ou à défaut, des proches, et le cas échéant des directives anticipées.
Le texte encadre enfin la pratique dite du « double effet ». Ainsi, si le médecin constate qu'il ne peut soulager la souffrance d'une personne, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable quelle qu'en soit la cause, qu'en lui appliquant un traitement (par exemple, la morphine) qui peut avoir pour effet secondaire d'abréger sa vie, il doit en informer le malade - sous réserve du droit de celui-ci à préférer être tenu dans l'ignorance -, la personne de confiance, la famille, ou, à défaut, un des proches. Mention de cette procédure est alors inscrite au dossier médical.
Tout un pan de la loi a pour objectif de promouvoir la démarche palliative. A cet effet, les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens obligatoirement conclus entre les agences régionales de l'hospitalisation et les établissements de santé devront à l'avenir identifier les services au sein desquels sont dispensés des soins palliatifs et désigner, dans chacun d'eux, des référents en soins palliatifs « qu'il convient de former » et des lits identifiés.
Pour développer cette « culture palliative », les établissements médico-sociaux devront par ailleurs intégrer cette préoccupation dans leur projet de service ou d'établissement ou dans les conventions tripartites passées par les établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes avec le préfet et le conseil général. En pratique, ce sont donc essentiellement ces structures qui seront concernées. Elles devront désigner des référents en la matière, recenser les services et pré-identifier des lits affectés aux soins palliatifs.
Enfin, une annexe générale jointe au projet de loi de finances de l'année devra présenter tous les deux ans la politique suivie en matière de soins palliatifs et d'accompagnement dans les établissements de santé et dans les établissements médico-sociaux.
(1) Voir ASH n° 2387 du 24-12-04.
(2) Reste que, au final, ce texte ne prend pas en compte les personnes devenues handicapées à 100 % mais non malades, au grand regret de l'Association « Faut qu'on s'active », soutenue par la mère de Vincent Humbert, qui dénonce la faiblesse des débats au Sénat.
(3) Voir ASH n° 2366 du 2-07-04.
(4) Désignée par le patient, cette personne est consultée lorsqu'il est hors d'état d'exprimer sa volonté - Voir ASH n° 2262-2263 du 17-05-02.