Recevoir la newsletter

« Je sais l'inquiétude des départements... »

Article réservé aux abonnés

Quel sera le rôle exact de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA)  ?Aura-t-elle des marges d'initiative au plan financier ?Comment accompagnera-t-elle la mise en place de la prestation de compensation ? A-t-elle une mission d'aiguillon, de contrôle, auprès des départements ? Autant de questions posées à Denis Piveteau, directeur de la mission de préfiguration de la CNSA depuis le 1erjanvier 2005 (1).

Actualités sociales hebdomadaires : Quand la CNSA verra-t-elle le jour ? Denis Piveteau : La caisse nationale de solidarité pour l'autonomie existe en tant que fonds de financement depuis juillet 2004. Elle a pris le relais du fonds de financement de l'APA et a déjà versé 1 300 millions d'euros aux départements, et cela continue. Notre mission prépare l'élargissement de la CNSA à l'ensemble de ses fonctions telles que la loi du 11 février 2005 les a définies (voir ce numéro). Le président de la Répu-blique a souhaité qu'elle soit mise en place dans des délais brefs, en fixant le mois de mai pour horizon. Nous sommes à J - 30. Quels seront ses effectifs ?

- Entre les agents qui travaillent déjà pour la CNSA et la mission de préfiguration, nous sommes actuellement 23. L'effectif devrait doubler d'ici à la fin 2005 et augmenter encore de 50 % courant 2006. Nous pensons en effet qu'il faudra environ 75 personnes pour fonctionner, réparties à parts à peu près égales sur quatre activités : le versement des fonds, la mise en place du système d'information, le suivi budgétaire des établissements et services médico-sociaux, enfin l'appui méthodologique et le suivi des maisons départementales des personnes handicapées.

Quant à notre future installation, nous nous devons d'être parfaitement accessibles à toutes les formes de handicap. Nous cherchons un emplacement dans Paris bien desservi par les transports en commun et un immeuble correctement équipé. L'offre de telles prestations est plus rare qu'on l'imagine, même parmi les constructions récentes.

Vous allez ventiler des fonds venant à la fois de la sécurité sociale, du budget de l'Etat et de vos ressources propres. Comment allez-vous les répartir ?

- La loi et les décrets fixent des cadres très précis pour la détermination des enveloppes qui seront versées aux départements. Pour la prestation de compensation, comme c'est déjà le cas pour l'APA, des critères de répartition sont retenus en fonction de la population visée, avec des correctifs et des mécanismes de péréquation pour assurer la plus grande équité possible. En l'occurrence, la CNSA a un simple rôle de payeur, ce n'est pas elle qui modulera les dotations à sa guise. Par la suite, elle sera consultée, pour avis, sur les critères de répartition chaque fois que les pouvoirs publics estimeront devoir les ajuster par décret.

Le produit de la contribution de solidarité est-il déjà totalement affecté ? Ou verra-t-on encore le gouvernement puiser dans les fonds de la CNSA pour faire face à tel ou tel besoin, comme récemment Catherine Vautrin pour la rénovation des maisons de retraite (2)  ?

- Les grandes masses sont affectées : 20 % à l'APA, 40 % aux établissements pour personnes âgées, 40 % aux personnes handicapées avec deux sous-enveloppes pour la prestation de compensation et pour les établissements et services. Et chaque année, la loi de financement de la sécurité sociale précisera le montant des dépenses. Les crédits de l'APA et de la prestation de compensation sont affectés d'avance à la hauteur des recettes de l'année. Reste à prévoir les investissements dans les établissements. Les engagements vont s'inscrire dans des programmations pluriannuelles, et seront progressifs, au rythme des créations de places réelles. Nous décaisserons moins au début, plus à la fin, l'important est que le plan « vieillissement et solidarités » soit globalement financé et que l'argent prévu aille intégralement et exclusivement à la prise en charge de la perte d'autonomie.

A cet égard, que des crédits soient utilisés pour la modernisation d'établissements déjà existants entre dans notre mission d'amélioration de la prise en charge. Celle-ci peut se traduire par des créations de places et des transformations, par une diversification des modes d'accueil, avec l'ouverture d'accueils de jour, d'hébergements temporaires ou encore par le développement des soins à domicile...

La création du droit à compensation du handicap risque d'induire une forte demande. Les départements, qui ne toucheront de la CNSA qu'une enveloppe fermée, sont inquiets, ne sachant même pas l'amplitude du public concerné. Celui des 100 000 bénéficiaires de l'ACTP ? des 750 000 titulaires de l'AAH ?

- Je sais l'inquiétude des départements. Le droit à compensation est une prestation d'un type tout à fait nouveau, qui prend en compte le projet de la personne, et les points de repère ne vont se dégager qu'au fur et à mesure de sa mise en place.

Quant au périmètre des bénéficiaires, l'enquête HID montre que le nombre de personnes qui ont besoin d'une aide dans la vie courante est loin de recouper celui des titulaires d'une reconnaissance administrative d'un handicap ou d'une invalidité. Dans les premières années, nous allons accompagner les départements dans la mise en place des nouveaux dispositifs, no-tamment pour les aider à repérer et à mesurer les besoins. Quelles sont les personnes qui auront droit à la compensation ? Nous ne pouvons le dire avec exactitude pour l'instant, mais il me semble que le public potentiel sera plus proche des bénéficiaires de l'ACTP que de l'AAH (voir ce numéro).

Si l'enveloppe disponible se révèle insuffisante, les départements serviront-ils, comme ils le craignent, de variable d'ajustement ?

- Nous n'en sommes pas du tout là. Nous pouvons faire face aux années de démarrage. Notre problème pour 2006, c'est de bien employer les sommes considérables mises à disposition, qui doublent pratiquement les crédits consacrés actuellement à l'ACTP. Une polarisation sur un éventuel manque d'argent serait stérile. Elle ne repose en tout cas sur aucune donnée chiffrée. En gérant bien le démarrage, nous nous donnerons collectivement les moyens d'un débat éclairé sur les besoins à moyen et long terme. Mais commençons par mobiliser nos énergies pour bien dépenser les sommes dont nous disposons déjà pour la compensation. Nous avons par ailleurs 50 millions d'euros pour aider au démarrage des maisons départementales des personnes handicapées en 2006, puis 30 millions chaque année, ce qui permet de financer six ou sept postes en moyenne par département.

Et puis, tout n'est pas qu'une question d'argent. La création des maisons départementales du handicap, c'est aussi une autre manière d'accueillir, d'informer, d'orienter. La qualité de l'accueil et de l'écoute fait partie des questions que la CNSA va suivre de près, étalonner, évaluer.

Allez-vous édicter des normes en la matière ?

- La CNSA fait le pari que la méthode la plus efficace et la plus stimulante est de permettre aux acteurs de faire preuve d'initiative. Nous ne fixerons pas de normes quant aux moyens à mettre en place, nous évaluerons des résultats. Et cela, en fonction d'objectifs qui auront été contractualisés avec chaque collectivité. Nous ne serons pas une agence de contrôle du fonctionnement interne des maisons départementales des personnes handicapées. Ce que nous devrons observer et comparer, c'est la satisfaction finale des usagers, quant aux réponses apportées mais aussi quant à la qualité de l'accompagnement. Nous devrons donc élaborer des critères d'évaluation avec les responsables départementaux et avec les usagers.

Les équipements pour personnes handicapées et pour personnes âgées sont très inégalement répartis sur le territoire. Comment allez-vous assembler le puzzle des schémas départementaux, arbitrer entre les besoins ? Les DRASS et DDASS ont un grand rôle à jouer. En ont-elles les moyens ?

- En la matière, le point essentiel de la loi du 11 février 2005 est la réforme du fonctionnement de l'Etat, la mission confiée à la CNSA n'étant qu'un élément second. L'analyse des besoins sera faite au travers des schémas départementaux et consolidée au plan régional. Cette évaluation devra être rapprochée de celle des besoins sanitaires, car il y a beaucoup de sujets tangents, no-tamment en matière de gériatrie et de psychiatrie. C'est l'Etat qui devra définir les priorités. La CNSA n'interviendra que pour garantir la ri-gueur et l'uniformité des méthodes d'évaluation et pour gérer la répartition des enveloppes fermées dans une optique de correction des inégalités.

Le véritable enjeu, c'est la méthode. Plus les besoins sont importants et plus il faut faire preuve de rigueur et de transparence pour mesurer leur intensité et leur urgence. La CNSA sera une sorte d'agence technique et budgétaire, mais aussi une agence de méthode. Nous avons un immense retard en termes d'outils de pilotage. Actuellement beaucoup de données sont recueillies, mais dans des conditions qui ne permettent ni leur consolidation ni leur analyse. Nous devons établir des tableaux de bord performants et réactifs et les mettre à disposition de tous ceux qui sont concernés, et d'abord l'Etat et les départements. Nous devrons aussi concevoir des outils fins de programmation pluriannuelle à destination des échelons régionaux de l'Etat, auxquels revient le travail d'analyse et de prospective.

Dans un rapport remis en juillet 2003, vous préconisiez la création d'une agence nationale des handicaps, avec un rôle pilote en matière de méthodes et d'outils d'évaluation des personnes (3). Retrouvez-vous cette fonction dans la CNSA ?

- La CNSA reprend la plupart des missions préconisées, mais elle va beaucoup plus loin. A l'époque, la création d'un « cinquième risque » de protection sociale n'était pas à l'ordre du jour. L'intérêt de la CNSA, c'est qu'elle regroupe à la fois des fonctions d'analyse et de mesure des besoins, de soutien technique aux intervenants de terrain et d'allocation de moyens financiers. Le législateur lui a donné les capacités d'une approche globale.

La CNSA a aussi pour mission de veiller à l'égalité de traitement des personnes sur tout le territoire. Comment s'y prendra-t-elle ?

- Nous disposons de trois moyens pour faire progresser l'égalité de traitement. Nous devrons d'abord faire preuve de la plus grande équité possible dans la répartition des dotations départementales, en fonction des vrais besoins. Nous devrons aussi contribuer à homogénéiser la qualité des méthodes d'évaluation des personnes. Les barèmes et les grilles sont perfectibles. Ils doivent faire l'objet d'une élaboration, d'un suivi et d'une amélioration continue. Même si nous savons que les grilles et barèmes n'enfermeront jamais complètement l'évaluation, ce qui n'est pas souhaitable d'ailleurs. Enfin, nous devrons mettre en place une mesure des disparités, pour rendre le paysage le plus transparent et le plus lisible possible.

Comment allez-vous contrôler le bon usage des fonds distribués ?

- Nous ne sommes pas un outil de régulation ni de contrôle au sens où nous n'avons pas un rôle de tutelle sur l'action des collectivités. Nous pouvons servir de révélateur des éventuelles difficultés. Nous ne serons pas là pour pour exercer des contraintes mais pour éclairer le débat.

Le projet de décret sur la composition du conseil de la CNSA laisse trois places aux représentants des personnes handicapées et autant pour les personnes âgées. Sur 37 membres, c'est peu...

- Les textes qui circulent ne sont pas définitifs. Nous sommes dans une phase de concertation. Les équilibres au sein du conseil sont en discussion. J'imagine que le gouvernement ne manquera pas de tenir compte des différentes réactions (4).

Mais la place des usagers ne se limite pas à leur nombre de sièges au conseil. Ils devront aussi jouer un rôle très actif dans les maisons départementales du handicap. Au-delà de leur présence institutionnelle, nous devrons être à l'écoute de leurs attentes et c'est avec eux qu'il faudra mesurer les besoins et construire des indicateurs de satisfaction.

Leur reconnaissez-vous une capacité à défendre l'intérêt général ?

- Je crois profondément que la bataille des associations pour aider les personnes handicapées et âgées à occuper toute leur place dans la société rejoint directement l'intérêt général.

Propos recueillis par Marie-Jo Maerel

Notes

(1)  Denis Piveteau, 45 ans, est maître des requêtes au Conseil d'Etat. Il a été directeur délégué de la caisse nationale de l'assurance maladie de 1997 à 2000.

(2)  Voir ASH n° 2394 du 11-02-04.

(3)  Voir ASH n° 2319 du 11-07-03.

(4)  Une nouvelle version du décret circule. Elle accorde six sièges aux représentants des personnes handicapées et autant à ceux des personnes âgées, sur 47 membres du conseil au total.

LES ACTEURS

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur