La prestation de compensation du han- dicap (PCH) fera-t-elle exploser les budgets départementaux ? La question a agité les assises nationales des conseillers généraux, organisées du 5 au 7 avril à Nantes. Pour éclairer les débats sur leur avenir budgétaire à l'horizon 2010, l'Assemblée des départements de France (ADF) a commandé au cabinet Ernst & Young une étude sur l'impact financier de l'acte II de la décentralisation et des nouvelles lois pour la cohésion sociale et pour l'égalité des droits des personnes handicapées (1). Conclusion : à elle seule, la prestation de compensation du handicap pourrait coûter plus cher aux conseils généraux que l'ensemble des autres transferts ou charges nouvelles réunis.
A ce stade, il s'agit, bien sûr, d'une estimation, fondée sur les hypothèses suivantes. La PCH, mise en place à partir du 1er janvier 2006, bénéficierait à 150 000 personnes cette année-là, à 300 000 en 2007, à 400 000 en 2009 et les années suivantes. Le coût du dispositif atteindrait 750 millions d'euros en 2006 et 2 milliards en 2009, sur la base d'une dépense chiffrée par l'ADF à 5 000 € par personne et par an. Déduction faite des 550 millions apportés chaque année par la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), le « reste à charge » des départements évoluerait donc de 200 millions d'euros en 2006 à 1,45 milliard en 2009.
Ernst & Young indique être parti d'une étude de l'IGAS (non précisée) qui évalue les « bénéficiaires potentiels de la mesure à au moins 422 000 ». Le cabinet de Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, s'en étonne, estimant qu'il s'agit plutôt d'une extrapolation à partir de l'enquête « Handicap, incapacités, dépendance » (HID). Pour sa part, il indique que les bénéficiaires devraient être un peu plus nombreux que ceux de l'actuelle allocation compensatrice pour tierce personne (95 000) et donne la fourchette de 100 000 à 115 000 personnes tout au plus, 120 000 au maximum. Une précision qui n'avait pas filtré jusqu'ici (voir aussi l'interview du futur directeur de la CNSA). Il est vrai que les critères de handicaps ouvrant droit à la prestation (2), de même que les montants ou les plafonds de prise en charge, doivent encore être précisés par décret et qu'ils peuvent être plus ou moins restrictifs. Le gouvernement peut se fixer comme objectif de conditionner étroitement le nombre de bénéficiaires aux ressources de la CNSA...
Les départements, qui craignent qu'on leur fasse une deuxième fois « le coup de l'APA » (le gouvernement créant un nouveau droit dont le financement serait largement à leur charge), n'auraient alors rien à débourser de plus et pourraient se rassurer. Pas les associations de personnes handicapées, qui observent avec étonnement cette bataille de chiffres, alors que les outils d'évaluation des besoins n'existent pas encore et que la prestation est censée prendre en compte le projet de vie de chaque intéressé.
L'étude chiffre aussi les autres charges nouvelles des départements. Celles du revenu minimum d'insertion (RMI) tournent autour de 5 milliards d'euros. L'augmentation de 9 % du nombre de bénéficiaires en 2004 a laissé aux conseils généraux une « ardoise » qu'ils chiffrent à 456 millions. Le gouvernement s'est engagé à la compenser. Mais le problème se reposera pour 2005. Les contrats d'avenir créés par la loi pour la cohésion sociale auront aussi, quand ils seront proposés à un titulaire du RMI, un coût moyen supplémentaire de 155 € par mois pour le département.
Autres transferts sociaux : ceux du fonds de solidarité logement (FSL), du fonds d'aide aux jeunes, des centres locaux d'information et de coordination gérontologique et des comités départementaux des personnes âgées. Coût total : 130 millions d'euros, avec un manque à gagner possible pour les départements estimé à 20 millions. L'étude redoute une dérive du côté du FSL car le nombre de ménages aidés a crû plus rapidement que les crédits de l'Etat au cours des dernières années, à quoi s'ajoute la crainte du désengagement d'autres contributeurs.
En additionnant ces dépenses nouvelles du budget social à celles liées au transfert des techniciens et ouvriers de service de l'Education nationale et des routes nationales, l'étude arrive à 1,2 milliard de charges supplémentaires (hors PCH). En y ajoutant le 1,45 milliard de la PCH, elle conclut à une fourchette d'augmentation des impôts locaux de 4 à 6 % par an.
Ces projections, sans doute discutables, sont d'ailleurs déjà discutées, y compris parmi les élus. L'objectif des conseils généraux est d'obtenir le maximum de compensation de la part de l'Etat. Reste que la tendance risque de peser sur bien des responsables départementaux quand ils mettront en place, dans l'année qui vient, la prestation de compensation. Ou quand ils envisageront les autres besoins sociaux, notamment ceux, grandissants, de la prise en charge de la dépendance des personnes âgées.
M.-J.M.
(1) L'étude est disponible sur
(2) Pour la phase de démarrage, c'est un taux d'incapacité permanente au moins égal à 80 % qui a été retenu - Voir ASH n° 2397 du 4-03-05 et n° 2398 du 11-03-05.