Les associations spécialisées dans le placement extérieur comme alternative à l'incarcération ou aménagement de fin de peine ont alerté, fin mars, le ministre de la Justice, les parlementaires et l'administration sur l' « érosion » de cette mesure, pourtant adaptée à l'accompagnement sous contrainte des publics en situation d'exclusion (1). Un « paradoxe », soulignent les sept associations signataires de cet appel (2), alors qu'il est établi que le chômage, la fragilité psychologique et l'absence de logement sont facteurs de récidive. « Un contresens de la politique pénale » même, face aux orientations ministérielles, qui encouragent par la loi du 9 mars 2004 un recours systématique aux aménagements de peine.
Déjà, en novembre 2004, le Groupe national de concertation prison s'étonnait que seules 295 personnes bénéficient à cette date d'une mesure de placement extérieur, alors que l'administration pénitentiaire en prononçait environ 3 000 par an il y a quelques années (3). En quelques mois, l'association Esperer (Espace social pour l'éducation, la réinsertion et la réflexion), dans le Val-d'Oise, a vu chuter son taux « d'occupation » de 100 à 30 %. « La seule mesure d'aménagement de peine qui progresse est le placement sous surveillance électronique », constate Yves Lechopier, directeur de l'APRES (Association pour la prévention de la récidive par l'évolution des sanctions), dans la Somme. Selon les statistiques du service pénitentiaire d'insertion et de probation d'Amiens, 28 mesures de placement extérieur ont été accordées en 2004 sur le département, contre 115 en 2000. Les libérations conditionnelles et les mesures de semi-liberté sont également en chute libre, mais 53 placements sous surveillance électronique (PSE) ont été acceptés. Peut-on pourtant parler d'une concurrence entre les deux mesures ? « Elles ne ciblent pas les mêmes personnes, remarque Yves Lechopier, le placement sous surveillance électronique étant destiné aux personnes sans difficulté d'insertion. Une autre hypothèse serait financière, sachant que le PSE n'engendre pas les mêmes coûts. »
Quelles qu'en soient les explications, cette évolution tombe mal pour les associations de placement extérieur, qui se considèrent déjà comme les parents pauvres de l'insertion. Peu nombreuses, elles peinent à faire valoir le travail qu'elles accomplissent auprès des détenus en fin de peine, de la préparation du projet de sortie à l'accompagnement vers l'accès au droit, aux soins, à l'emploi, au logement...
Elles dénoncent aujourd'hui la précarité de leurs budgets. Une partie seulement provient de l'administration pénitentiaire. L'autre est liée à des financements plus aléatoires, comme ceux de la politique de la ville. « Nous facturons un prix de journée de moins de 30 € en moyenne, ce qui est largement moins que celui d'un centre d'hébergement et de réinsertion sociale, remarque Yves Lechopier. Il faudrait multiplier ce montant par deux pour assurer nos missions. Bon nombre d'associations risquent de mettre la clé sous la porte. »
Pour sortir de pratiques financières qu'elles jugent « ancestrales », les associations souhaitent engager des concertations avec le ministère de la Justice sur un cahier des charges national, qui permettrait de remettre à plat le contenu de leurs missions, le cadre de leur intervention et de déterminer un mode de financement par un budget global. « Le ministère s'est engagé sur des réponses à l'horizon 2006, indique Christian Fournier, directeur de l'association Esperer. En attendant, il faut continuer à nous battre pour assurer notre survie. »
(1) Les associations de placement extérieur, conventionnées par l'administration pénitentiaire, offrent un parcours individualisé d'insertion (hébergement en foyer ou en appartement, insertion professionnelle, accompagnement psycho-socio-éducatif, prise en charge sanitaire...) de un à trois ans aux détenus en fin de peine ou dans le cadre de leur libération conditionnelle.
(2) ANNE (Nancy) ; Esperer 95 (Pontoise), APRES (Amiens), AREPI (Grenoble), Arapej 93 (Aulnay-sous-Bois), LE MARS (Reims), DUNE (Cergy). Contacts : Yves Lechopier (APRES) - Tél. 03 22 66 46 40 ; Christian Fournier (Esperer) - Tél. 01 30 38 86 66.
(3) Voir ASH n° 2382 du 19-11-04.