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Le rapport Hermange prône la prévention et la coordination pour la sécurité des mineurs

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La sénatrice de Paris (UMP) Marie-Thérèse Hermange (1) et Luc Rudolph, inspecteur général de la police nationale, ont remis le 23 mars au Premier ministre et à Dominique de Villepin leur rapport sur «  la sécurité des mineurs », l'un des six chantiers prioritaires du ministre de l'Intérieur. Le document commandé il y a cinq mois, a rappelé Jean-Pierre Raffarin, s'inscrit «  dans le cadre de la préparation du projet de loi de prévention de la délinquance préparé par le gouvernement », dont le calendrier n'a toutefois pas encore été précisé.

Résultat des consultations menées au sein d'un groupe de travail ad hoc et des conclusions de travaux précédents dans le champ de la protection de l'enfance, le rapport, à l'inverse de celui du député Jacques-Alain Bénisti (2), évite de tomber dans une logique purement sécuritaire et reprend nombre de propositions déjà émises par les professionnels du champ social. Avec une certaine lucidité, les auteurs évoquent d'ailleurs le lot de contributions jamais suivies d'effet qui « remplissent les placards des ministères ». Il ressort de cette synthèse de constats et de propositions une volonté de s'attaquer à tous les types de risque - accidents, maltraitance, délinquance..., que les jeunes soient victimes ou auteurs -, en proposant «  une politique ambitieuse et inscrite dans la durée » fondée sur une « prévention précoce toujours plus conséquente », dans un esprit «  d'anticipation des situations de vulnérabilité ». Partant du constat que l'insécurité des mineurs est aggravée par une forme de «  maltraitance institutionnelle » engendrée par la complexité du dispositif de protection de l'enfance , ils plaident également pour une approche pluridisciplinaire et la coordination des interventions, en faisant tomber « les résistances institutionnelles entre les différents acteurs chargés de la sécurité des mineurs ». Pour y parvenir, les deux chargés de mission ne prétendent pas «  se lancer dans de coûteuses novations, mais plutôt, à moyens globalement constants - sauf dans quelques champs limités -de les mettre en complémentarité pour en démultiplier l'impact ». En découle une liste très fournie de recommandations tous azimuts, déclinées en 18 objectifs et six axes prioritaires : «  statistique, préventif, institutionnel, éducatif, stratégique et politique ».

Améliorer la connaissance du phénomène

Le rapport émet d'abord une première série de recommandations d'ordre «  statistique ». Il suggère ainsi de construire «  un instrument d'interpartenariat pour la connaissance du phénomène ». Une réunion interministérielle, ajoute-t-il, pourrait décider d'une saisine de l'INSEE en la matière. Egalement préconisée : la mise en place de référentiels dans un objectif d'évaluation et de contrôle des politiques conduites, comme l'a déjà recommandé l'inspecteur général des affaires sociales Pierre Naves dans son rapport de synthèse sur la protection de l'enfance (3). L'effectivité des dispositifs, par ailleurs, devrait être renforcée par «  une culture de reliance entre institutions [issue d'une] modification des méthodes de travail actuelles » supposant la mise en réseau des professionnels mais aussi - sujet sensible - le «  partage d'information au profit des jeunes concernés ». Une telle politique, précisent aussitôt les auteurs, devrait être fondée sur deux principes : la « considération de l'ensemble de ces professionnels de la part des décideurs » et « la confiance et l'estime entre professionnels ».

Développer la prévention

Une deuxième série de propositions - dont certaines pourraient d'ailleurs être développées dans les rapports sur la protection de l'enfance commandés par Marie-Josée Roig (4), dont la publication est imminente - porte sur le volet «  préventif ». Pour soutenir les parents en difficulté dès la naissance de leur enfant, le rapport recommande d'installer des consultations de PMI dans chaque maternité et d'y développer des consultations d'alcoologie, de toxicomanie et de tabacologie par des conventions passées entre les départements et les centres hospitaliers. De façon plus globale, il suggère, comme l'avait déjà fait la défenseure des enfants, d'étendre la compétence de la PMI jusqu'à la fin de l'école primaire . Le rapport préconise également d'instaurer des «  instances d'intervention et de prévention précoce » dans toutes les structures dédiées à la petite enfance, l'enfance et l'adolescence. Elles réuniraient tous les acteurs concernés, y compris hors de l'institution, pour «  évaluer une situation potentielle de danger et proposer une orientation adaptée ».

Outre le développement de la pédopsychiatrie, le document prône la création de nouveaux lieux d'accueil de la petite enfance, qui pourraient notamment être ouverts aux enfants et à leur famille 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, leur offrant, «  lorsqu'une situation familiale grave peut advenir, la possibilité d'un accueil, évitant ainsi un placement familial ». Autre mesure, mais dont le coût n'a pas été évalué, comme celui de nombreuses autres propositions : le développement de la médiation familiale par l'augmentation du nombre de médiateurs. Marie-Thérèse Hermange et Luc Rudolph appellent également à mieux prendre en compte le travail avec les familles. L'action éducative en milieu ouvert (AEMO), rappellent-ils, devrait pouvoir être modulée en fonction de l'évolution de la situation de la famille et de l'enfant, s'il le faut en organisant des visites à domicile fréquentes, voire des «  AEMO de week-end » .

Les parents, soulignent-ils par ailleurs, devraient être confortés «  dans leur mission d'autorité et de transmission ». Aussi préconisent-ils le développement de «  lieux d'écoute parents/enfants/professionnels au sein des services de l'aide sociale à l'enfance », mais aussi, volet nettement plus répressif, la poursuite systématique pour abandon moral et matériel des parents qui compromettent gravement la santé, la sécurité ou l'éducation de leurs enfants, ou qui les incitent à des actes de délinquance, en application de l'article 227-17 du code pénal. Quant à l'Education nationale, elle devrait renforcer son combat contre l'illettrisme et créer des «  staffs de diagnostics, d'orientation et de soutien aux apprentissages fondamentaux ». Autre piste, inscrite dans la lignée du plan de cohésion sociale, sur ce point d'ailleurs critiqué notamment par les assistants sociaux scolaires : adapter l'école aux enfants en difficulté «  par le développement d'internats dès le collège » et de la formation professionnelle. De même, le signalement à la caisse des allocations familiales des cas d'absentéisme scolaire, « qui pourrait relever du chef d'établissement et non de l'inspecteur d'académie », fera certainement débat.

Concernant les mineurs étrangers isolés, les auteurs demandent à nouveau, comme l'avait fait le préfet Bernard Landrieu en juin 2003 (5) dans un rapport resté lettre morte, de créer une structure d'accueil nationale spécifique qui assurerait la prise en charge des jeunes dès leur arrivée, ce qui «  éviterait l'engorgement des services de l'ASE mais n'exonérerait pas à terme l'intervention sociale ». Les rapporteurs n'omettent pas, sur le même sujet, de rappeler le caractère contesté de l'examen osseux pour définir l'âge des jeunes migrants et de réclamer une amélioration des méthodes (6).

Améliorer la lisibilité des services publics

« Les services publics doivent s'organiser pour coordonner leur action et en améliorer la lisibilité », préconisent-ils dans un troisième volet «  institutionnel ». lls appellent à l'amplification de l'action des services de police en charge des mineurs, qui devraient créer un «  pôle prévention », et au développement de « pôles ressources » autour du maire. Côté social, ils réclament le renforcement des missions de la prévention spécialisée et la mise en place d'un référent au niveau départemental : «  dans le cadre des commissions départementales enfance/famille, l'acteur social le plus en lien avec une situation devient le référent de l'ensemble des intervenants sociaux dans le cadre d'un secret partagé ». Dans le souci de coordonner les dispositifs, les rapporteurs proposent encore de transformer le GPIEM (Groupe permanent interministériel de l'enfance maltraité) en GPIER (enfance en risque), de préciser les modalités de coopération entre l'Etat, les conseils généraux et les communes. Autre recommandation : généraliser la présence de travailleurs sociaux dans les commissariats (7) et dans les unités de gendarmerie par des conventions entre les partenaires concernés. Un fonds interministériel pour la prévention de la délinquance devrait selon eux aussi être instauré par voie réglementaire. »

Education et contrainte

Dans un quatrième volet «  éducatif », les rapporteurs souhaitent «  redéfinir l'aspect éducatif de la réparation et de la sanction » et «  harmoniser les réponses à l'égard des mineurs par la mise en place des parcours éducatifs reposant à la fois sur l'éducation et la contrainte ». La finalisation du programme de création des centres éducatifs fermés est d'ailleurs clairement encouragée. Afin de lutter contre la récidive des auteurs de crime, tous les services - sociaux, hospitaliers, municipaux, de police - devraient selon eux être informés des sorties de prison « pour assurer l'assistance aux détenus et la sécurité des victimes de façon optimale ».

Une «  grande cause nationale »

Une «  action internationale et européenne au profit de la sécurité des mineurs » est aussi recommandée dans un volet « stratégique », notamment par le renforcement de la coopération judiciaire et policière. Dernier axe enfin, d'ordre « politique » : « faire de la sécurité des mineurs une grande cause nationale » qui se traduirait par un projet de loi de protection de la jeunesse, élaboré après un débat public associant les associations, les responsables administratifs locaux et nationaux, les spécialistes de l'enfance et les travailleurs sociaux.

M. LB.

Notes

(1)  Déjà auteure, en 2001, du rapport Les enfants d'abord : 100 propositions pour une nouvelle politique de l'enfance - Voir ASH n° 2228 du 14-09-01.

(2)  Voir ASH n° 2392 du 28-01-05.

(3)  Voir ASH n° 2316 du 20-06-03.

(4)  Voir ASH n° 2384 du 3-12-04.

(5)  Voir ASH n° 2317 du 27-06-03.

(6)  Sur la question des mineurs étrangers isolés, voir ce numéro.

(7)  L'Association des travailleurs sociaux en commissariat et en brigade, présidée par Luc Rudolph, rassemble aujourd'hui une vingtaine de professionnels - Voir ASH n° 2393 du 4-02-05.

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