Les régions viennent de recevoir le premier versement de la fraction de la taxe intérieure sur les produits pétroliers au titre de la compensation du transfert de charges relatif aux formations sanitaires et sociales. Or, selon leurs estimations, il y a 30 % d'écart entre les sommes transférées pour ces formations et les coûts réels. L'Etat répond qu'il ne s'agit que de montants provisionnels. Nous sommes prêts à attendre, mais d'autres facteurs nous préoccupent. La loi indique par exemple que les régions « pourront » financer les locaux et les fournitures pédagogiques. Les centres de formation se tourneront tout naturellement vers les régions et cela entraînera forcément à terme une charge importante. Autre sujet d'inquiétude :la montée en charge de la demande. Le transfert s'effectue sur la base de la moyenne des trois dernières années, sans prendre en compte l'augmentation des effectifs. Aucune mesure d'ajustement n'est prévue. Le secteur sanitaire pose encore plus de problèmes car la plupart de ses écoles sont rattachées à des hôpitaux, qui sont dans l'incapacité de dire combien coûtent les formations. Autre point important : les bourses aux étudiants en travail social. L'Etat envisage, dans un décret qui n'est pas encore paru, d'aligner ces aides sur les bourses de l'enseignement supérieur, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui (2) ! Tout cela a évidemment un coût, et personne ne nous dit comment il sera compensé.
Nous ne sommes pas contre la régionalisation des formations sociales, qui correspondent assez bien aux compétences régionales, et nous sommes prêts à assumer nos responsabilités politiques dès lors qu'elles nous sont confiées selon des modalités techniques et financières claires. Le ministère de l'Intérieur a estimé le coût des formations sociales à 122,56 millions d'euros. Mais le problème, c'est que le Premier ministre a refusé catégoriquement une évaluation contradictoire ! La plupart des régions ont engagé, ou vont le faire, un audit pour être en position de faire valoir leurs arguments. La sous-commission de l'Association des régions de France sur les formations sociales et paramédicales, pilotée par Monique Iborra, vice-présidente du conseil régional de Midi-Pyrénées, a prévu d'étudier les résultats en avril. Mais, quoi qu'il en soit, c'est la commission consultative sur l'évaluation des charges, placée sous l'autorité du ministère de l'Intérieur, qui tranchera (3). Nos avocats réfléchissent par ailleurs à l'opportunité d'engager un recours juridique sur cette question.
Il est vrai que beaucoup d'établissements sont inquiets. Toutes les régions n'ont pas la même stratégie, mais certaines ont déjà décidé, comme celle que je préside, d'accorder aux écoles 20 % de leur dotation, pour ne pas les obliger à recourir à l'emprunt. Autre point compliqué : il n'est pas imaginable de prendre des décisions en matière de formations sociales sans les départements, concernés au premier chef en tant qu'employeurs ! Nous réfléchissons actuellement avec l'Assemblée des départements de France aux moyens de les associer aux procédures. Cette concertation se fera dans le cadre des plans régionaux de développement de la formation, qui devront désormais comporter un volet social. Quant aux agréments, nous prenons le train en marche puisque des dispositions transitoires seront prévues par décret.
En la matière, on se moque du monde ! Dans le Limousin, qui comprend 20 écoles, on nous propose 0,97 équivalent temps plein pour gérer les bourses et les subventions aux établissements ! Dans ces conditions, si nous n'obtenons pas de réponse à nos demandes d'éclaircissement, les régions refuseront de signer les conventions de transfert avec les DRASS, qui doivent être conclues avant le 15 avril. Il faut d'ailleurs souligner qu'elles ont déjà dû recruter du personnel. Dans le Limousin, nous avons embauché trois personnes supplémentaires au service chargé de la formation.
Propos recueillis par Maryannick Le Bris
(1) ARF : 282, boulevard Saint-Germain - 75007 Paris - Tél. 01 45 55 82 48.
(2) Les bourses aux étudiants en travail social sont traditionnellement versées en deux fois, à l'automne et au printemps. Les premiers versements au titre de l'année 2004-2005 ont été effectués par l'Etat à la fin de l'année. La DGAS indique que seuls les étudiants inscrits après le 1er septembre 2005 bénéficieront des nouveaux taux.
(3) La commission doit achever ses travaux d'ici à l'été - Voir ASH n° 2399 du 18-03-05.