« L'année 2004 a été globalement marquée par un considérable accroissement tant des faits antisémites que des autres faits racistes et xénophobes parmi lesquels le racisme anti-immigrés. » Tel est le constat que dresse la commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) dans son rapport annuel (1) remis le 21 mars au Premier ministre. Au total, 1 565 faits racistes et antisémites, violences et menaces confondues, ont été recensés, soit une progression de 132,5 % par rapport à 2003 (2). Un « accroissement spectaculaire » selon la commission, dépassant de 19,2 % le pic le plus haut atteint en 2002 (1 313 faits).
Quelques événements caractérisent tout particulièrement l'année passée. Tout d'abord, la CNCDH note la hausse du nombre de profanations des lieux de cultes et de cimetières juifs et musulmans (65 faits en 2004 contre 44 en 2003). En outre, les actes d'antisémitisme, qui étaient inférieurs aux autres formes de racisme, se sont accentués pour atteindre 61,4 % du total en 2004 (3). Ce qui inquiète la CNCDH, qui constate que « l'antisémitisme s'installe, à haut niveau, de manière continue et durable ». Quant aux faits de racisme et de xénophobie, ils sont deux fois et demi plus nombreux que l'année précédente, passant de 232 en 2003 à 595 en 2004. Et touchent principalement la communauté maghrébine - avec 169 faits en 2004 (soit + 83 % par rapport à 2003) -ou musulmane. L'instance relève ici une « confusion entre immigrés, Maghrébins, musulmans, islamistes, entre culture et religion ». Par ailleurs, la commission observe une « forte recrudescence des violences et menaces en milieu scolaire » , avec un total de 189 exactions (soit+ 20,4 % par rapport à 2003) sur 1 565.
En termes de poursuites judiciaires, un plus grand nombre d'auteurs de faits racistes (125) et antisémites (209) ont été interpellés. En matière d'antisémitisme, 95 % des affaires poursuivables ont donné lieu à une réponse pénale en 2004 (4), indique le ministère de la Justice. Cependant, regrette la CNCDH, « l'effectivité de la répression est [...] faible ». « Sur les 387 affaires recensées, il y a eu 92 interpellations, dont 71 mineurs, susceptibles de poursuites pénales. Sur celles-ci, il y a eu 68 affaires poursuivies, dont 12 ont donné lieu à condamnation » (5).
Signalons que, le même jour, un rapport de SOS-Racisme était remis à Louis Schweitzer, président de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (voir ce numéro), analysant les affaires récentes de discriminations à l'embauche suivies par l'association. Pour que davantage d'affaires de discriminations puissent faire l'objet d'enquêtes, de poursuites, de procès et de condamnations, son vice-président, Samuel Thomas, y préconise notamment une campagne d'information menée par l'Etat en direction des candidats à l'emploi victimes de discrimination, et une meilleure formation des inspecteurs du travail. Et demande la création, dans chaque département, de brigades d'officiers de police judiciaire spécialisés dans la lutte contre les discriminations, comme il en existe à Paris.
(1) 2004. La lutte contre le racisme et la xénophobie, rapport d'activité - Disponible sur
(2) A noter que ces statistiques ne prennent pas en compte les discriminations à l'emploi, au logement, dans les services notamment.
(3) Alors que la population juive ne constitue que 1 % de la population nationale.
(4) La chancellerie a recensé 387 affaires d'antisémitisme en 2004, chiffre différent de celui du ministère de l'Intérieur, dont les critères d'établissement des statistiques sont différentes.
(5) Les autres affaires n'ont pu être poursuivies, soit que l'auteur n'ait pas pu être identifié (295), soit qu'elles aient été classées (5 % des affaires poursuivables).