Certains des professionnels qui utilisent le modèle AGGIR (autonomie gérontologique, groupes iso-ressources) ont émis des critiques à son égard, jugeant qu'il ne prend pas suffisamment en compte les troubles psychiques et que ses résultats fluctuent selon les cotateurs. Nous-mêmes, praticiens conseils, qui validons au moins 10 %des dossiers d'évaluation, avons constaté des dysfonctionnements aboutissant, dans environ un cas sur dix, à une sous-évaluation de la dépendance. La loi créant l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) avait d'ailleurs prévu un comité scientifique pour tirer un bilan de l'utilisation de la grille AGGIR et proposer d'éventuelles évolutions (1). Ce comité a suggéré de garder l'outil comme un indicateur commode, mais en le remettant à sa juste place dans le processus d'évaluation, et a formulé des recommandations (2). Dans cette logique, la CNAM a constitué, début 2004, un groupe de travail chargé - sans toucher à la grille elle-même -de remédier aux imprécisions ou aux erreurs de compréhension et de méthode constatées.
Un nouveau guide d'utilisation rappelle d'abord ce qu'est le modèle AGGIR et ce qu'il n'est pas. C'est un outil qui permet, à domicile comme en institution, de définir les activités de la vie courante que la personne fait seule- ou ne fait pas - dans le champ domestique, social, corporel, mental. Il ne porte pas sur les pathologies et les soins, qui relèvent d'une autre évaluation, possible notamment avec l'outil Pathos, dont l'utilisation doit être encouragée. Le Dr Freddy Falez, un chercheur belge qui a évalué les outils d'évaluation de plusieurs pays, a d'ailleurs confirmé qu'AGGIR « mesure bien ce qu'il prétend mesurer ». Simplement, il ne faut pas vouloir lui en faire dire plus. A domicile comme en institution, d'autres informations doivent être collectées sur les plaintes et les désirs de la personne, ses habitudes culturelles de vie, les contraintes liées à son état de santé, son environnement matériel et humain, les soutiens dont elle dispose... C'est tout cela qui doit être pris en compte pour déterminer le plan d'aide.
Nous rappelons aussi que l'outil doit être utilisé dans un contexte d'observation et de discussion avec la personne concernée et avec son entourage familial et professionnel. L'évaluateur doit prendre rendez-vous, expliquer les objectifs de sa visite, rencontrer d'abord la personne âgée en tête à tête avant de solliciter les tiers... Autant de consignes pas toujours respectées.
Nous avons également inversé l'ordre des 17 variables examinées, de façon à ce que celles qui ont trait à l'orientation et à la cohérence (les plus délicates) viennent non plus au début mais en fin d'observation, éclairées par l'évaluation préalable des activités corporelles, domestiques et sociales.
Enfin, pour chaque variable, nous avons explicité les quatre adverbes qui servent à la cotation. Par exemple : la personne s'habille-t-elle seule spontanément - sans avoir à lui dire, à lui rappeler, à lui expliquer, à lui montrer -, totalement - en choisissant et en préparant les vêtements, en les mettant et en les enlevant -, correctement- dans le bon ordre, conformément aux usages, à la météo, à l'activité prévue - et habituellement - régulièrement et chaque fois que nécessaire ? Dans la réalité, certains évaluateurs négligent les rubriques « spontanément » et « habituellement », ce qui aboutit aux sous-évaluations du besoin d'aide.
Le guide d'utilisation a été soumis à une lecture critique de professionnels intervenant à domicile et en institution et testé en situation réelle d'évaluation. Le guide va maintenant être diffusé aux utilisateurs à brève échéance (3). Avec les médecins des conseils généraux, le service médical de la CNAM est mobilisé pour suivre son utilisation à grande échelle et dans le temps, contrôler la cohérence dans les cotations, notamment entre les variables rendant compte des comportements dans la vie quotidienne et celles qui ont trait aux fonctions supérieures. Le point d'ici à un an.
Propos recueillis par Marie-Jo Maerel
(1) Voir ASH n° 2238 du 23-11-01.
(2) Voir ASH n° 2304 du 28-03-03.
(3) Le document devrait être bientôt disponible sur le site de la CNAM :