Le Comité européen des droits sociaux, organe dépendant du Conseil de l'Europe à Strasbourg (1), a décidé de rendre publique, le 4 mars, sa décision reconnaissant le bien-fondé de la réclamation déposée par la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (2) contre la réforme de l'aide médicale de l'Etat (AME), visant à exclure les étrangers en situation irrégulière et leurs enfants de ce dispositif.
Par sept voix contre six, le comité a ainsi estimé que les dispositions françaises violent l'article 17 de la charte sociale européenne sur le droit aux soins des enfants et adolescents, pour deux raisons essentielles. Tout d'abord, les enfants d'immigrants en situation irrégulière n'ont « droit à l'assistance médicale qu'en cas de situation mettant en jeu le pronostic vital. De plus, [ils] ne sont admis au bénéfice du système d'assistance médicale qu'après une certaine durée de présence sur le territoire. »
Par neuf voix contre quatre il a considéré, en revanche, qu'il n'y avait pas violation de l'article 13 § 4 de la charte sociale relatif au droit à l'assistance sociale et médicale des plus démunis. Certes, il a reconnu certaines lacunes à la loi française. Ainsi, « le concept d'urgence mettant en cause le pronostic vital » - qui ouvre droit à une prise en charge immédiate - « n'est pas suffisamment précis et il n'apparaît pas clairement quelle autorité est compétente pour en décider ». En outre, poursuit-il, « il existe nombre de difficultés dans la mise en œuvre pratique des dispositions relatives aux étrangers en situation irrégulière qui se trouvent en France depuis plus de trois mois ». Enfin, selon lui, les coûts pris en charge par l'Etat sont définis « de manière étroite ». De sérieux « doutes » qui n'ont pas empêché le comité de conclure que « la législation ne prive pas les étrangers en situation irrégulière de tout droit à l'assistance médicale ».
A noter que six membres du Comité ont exprimé publiquement - comme l'autorise la procédure - une « opinion dissidente ». Quatre estimaient que la France ne devait pas être condamnée, argumentant que la charte sociale ne s'appliquait qu'aux « ressortissants en situation légale ». Deux autres - dont le représentant français, Jean-Michel Belorgey, conseiller d'Etat - ont déclaré, au contraire, que la condamnation de la France devait être plus complète et englober le droit à l'assistance médicale.
Cette décision a une valeur essentiellement morale et politique. Le comité des ministres du Conseil de l'Europe peut désormais s'en saisir et recommander à la France de se mettre en conformité avec la charte sociale.
(1) Composé de 13 membres nommés par le Conseil des ministres du Conseil de l'Europe, ce comité a pour tâche essentielle de vérifier le respect des engagements des Etats signataires de la charte sociale du Conseil de l'Europe. Il n'a aucun rapport avec la Commission européenne et l'Union européenne dont le siège est à Bruxelles. Site Internet :
(2) Voir ASH n° 2302 du 14-03-03.