(Loi n° 2005-102 du 11 février 2005, J.O. du 12-02-05)
La jurisprudence Perruche a-t-elle servi de révélateur ? C'est à cette occasion en effet que, pour la première fois, l'opinion publique a pris conscience des difficultés de « milliers de familles d'enfants ou d'adultes handicapés, confrontéesà l'exclusion, faute de moyens d'existence décents, et acculées à demander à la justice une indemnisation que l'Etat ne semblait pas en mesure d'assurer » (Rap. Sén. n° 210, tome I, février 2004, Blanc). Dans cette affaire, la Cour de cassation avait décidéd'indemniser un enfant atteint d'un handicap congénital àla suite de la faute d'un professionnel de santé qui, sansêtre à l'origine de ce handicap, ne l'avait pas détecté et avait ainsi empêché la mère d'exercer son choix d'interrompre sa grossesse (1).
Pour répondre à cette situation, les parlementaires ont affirmé solennellement dans le cadre de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 le droit, pour chaque personne handicapée, « à la compensation des conséquences de son handicap quels que soient l'origine et la nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie, età la garantie d'un minimum de ressources lui permettant de couvrir la totalité des besoins essentiels de la vie courante » (2).
Cette avancée n'a toutefois pas clos le débat, laissant dans l'ombre la question de l'autorité responsable de la mise en œuvre de ce droit et ne lui donnant pas de traduction concrète. La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santéa alors apporté une seconde pierre à l'édifice (3). Elle a interdit, en premier lieu, qu'un enfant handicapé puisse demander réparation d'un préjudice subi du fait de sa naissance, même si celle-ci est la conséquence d'une erreur médicale ayant empêché sa mère d'exercer son droit àl'interruption médicale de grossesse. Elle a cherchénéanmoins à prendre en compte le droit àcompensation des personnes handicapées. « Plutôt que de laisser la mise en œuvre de ce droit au hasard d'une procédure judiciaire, députés et sénateurs ont choisi d'en confier la responsabilité à la solidarité nationale » (Rap. Sén. n° 210, tome I, février 2004, Blanc).
Mais, là encore, tout n'était pas réglé. Si la « solidarité nationale » était bien désignée comme garante de ce droit àcompensation, restait encore en suspens sa mise en œuvre effective. Tel est l'un des objectifs de la loi du 11 février 2005 (4) qui, dans ce dessein, crée notamment une prestation de compensation dont la finalité est de prendre en charge les surcoûts liés au handicap dans la vie quotidienne.
Au préalable, le législateur s'est attaché à définir le handicap lui-même en vue de cerner les bénéficiaires de ce droit à compensation (voir encadré). Puis, il a tracé les contours du droità compensation. Pour ne pas limiter ce droit à des composantes individuelles, la loi du 11 février 2005 donne une définition large de la compensation en mettant l'accent notamment sur ses aspects collectifs :accessibilité du cadre bâti, accès àl'école et à l'emploi, développement de l'offre de places en établissement spécialisé.
Ce cadre fixé, la loi instaure une prestation de compensation, qui constitue ainsi l'un des aspects du droit àcompensation et dont le but est de rompre avec le caractère partiel des allocations et des aides jusque-là accordées aux personnes handicapées. Car cette prestation ne part pas de rien. Des aides et des allocations en faveur des personnes handicapées concourent en effet déjà à la compensation des conséquences du handicap, mais elles ne compensent le plus souvent qu'un type particulier de désavantage (le recours à une aide humaine, des frais professionnels supplémentaires ou encore les contraintes liées à un logement autonome) ou ne s'adressent qu'àune catégorie de personnes handicapées (celles qui relèvent d'un régime d'invalidité de la sécurité sociale).
Ainsi, en matière d'aides humaines, répondent àce souci la majoration pour aide d'une tierce personne accordée dans le cadre d'une rente d'accidents du travail, d'une pension d'invalidité ou d'une pension de vieillesse pour inaptitude, et l'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) servie par le département aux personnes atteintes d'une incapacité d'au moins 80 % qui ne bénéficient pas d'un avantage analogue au titre d'un régime de sécurité sociale. De même, une allocation compensatrice pour frais professionnels peut être versée au travailleur handicapé atteint d'une incapacité d'au moins 80 % dont l'activité professionnelle est source de frais supplémentaires liés au handicap. Pour l'adaptation de leur logement, les personnes handicapées peuventégalement bénéficier d'une subvention de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH), si elles sont locataires, ou, si elles sont propriétaires, d'une prime pour l'amélioration de l'habitat attribuée par le préfet et, dans tous les cas, d'avantages fiscaux. Enfin, les appareillages et aides techniques inscrits sur la liste dite« des produits et prestations » sont pris en charge par l'assurance maladie dans la limite de leur tarif et du taux de remboursement applicable.
Ce panel de réponses aux besoins de compensation des personnes handicapées suscite toutefois la critique des associations. Outre leurs fondements juridiques variables -tantôt ces aides relèvent des organismes de sécurité sociale et sont ouvertes à tous les assurés sociaux, tantôt elles constituent des prestations d'aide sociale légale attribuées sous conditions de ressources, tantôt encore elles font appel à l'aide sociale facultative -, il leur est principalement reproché une insuffisante prise en charge des surcoûts liés au handicap. Les rapports parlementaires remarquent, par exemple, qu'en matière d'aides humaines, le montant des allocations -majoration pour tierce personne servie par les régimes de sécurité sociale ou ACTP - « reste très en deçà du coût réel de rémunération des auxiliaires de vie » (Rap. Sén. n° 210, tome I, février 2004, Blanc). En outre, est mis en cause le caractère forfaitaire de ces aides, parfois déconnecté des besoins réels, notamment dans le cas de personnes lourdement handicapées. Du côté des aides techniques, la subordination de leur prise en charge par la sécurité sociale à leur inscription sur la liste des produits et prestations - dont la mise à jour s'avère longue - constitue un frein. De plus, l'inscription d'une aide technique sur cette liste s'effectuant non pas par catégories de matériel, mais par produits, des appareillages ayant le même objet, mais mis sur le marché par des fabricants différents, peuvent ne pas être soumis au même régime de remboursement. Enfin, les aides susceptibles d'être prises en charge sont limitées aux dispositifs médicaux, à l'exclusion notamment des aides de type domotique. Quant aux aménagements du cadre de vie relevant de l'aide sociale facultative, ils supposent que la personne handicapée ou sa famille remplisse un dossier de demande de financement parfois complexe.
Souhaitant rompre avec cette logique, la loi du 11 février 2005 instaure la prestation de compensation qui repose sur une évaluation des besoins de compensation. La mise enœuvre de ce dispositif nécessite toutefois la publication de textes réglementaires. Sur ce point, le législateur donne au gouvernement jusqu'au 13 août 2005 pour publier ces décrets (art. 101 de la loi). D'ores et déjà, la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, Marie-Anne Monchamp, et le président de la République, Jacques Chirac, ont indiqué leur volonté que cette prestation entre en vigueur au 1er janvier 2006, voire en juillet 2005 pour les personnes les plus lourdement handicapées.
La mise en œuvre de cette prestation suppose également la création des maisons départementales des personnes handicapées et des commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées - également promise pour le 1er janvier 2006 -, chargées notamment de l'attribuer, ainsi que de la caisse nationale de solidaritépour l'autonomie qui doit apporter aux départements - auxquels est confié le versement de la prestation - un concours financier.
La loi du 11 février 2005 définit le contenu du droit à compensation, posé par la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 et celle sur les droits des malades et l'organisation du système de santé du 4 mars 2002 (5).
Elle confirme que « la personne handicapée a droit à la compensation des conséquences de son handicap quels que soient l'origine et la nature de sa déficience, sonâge ou son mode de vie » (code de l'action sociale et des familles [CASF], art. L. 114-1-1 nouveau).
Cette compensation consiste à répondre à ses besoins, poursuit le texte, qui fixe les domaines dans lesquels ils peuvent apparaître. Il s'agit de l'accueil de la petite enfance, de la scolarité, de l'enseignement, de l'éducation, de l'insertion professionnelle, des aménagements du domicile ou du cadre de travail nécessaires au plein exercice de sa capacité d'autonomie. Sont aussi concernés les besoins relevant du développement ou de l'aménagement de l'offre de service, permettant notamment à l'entourage de la personne handicapée de bénéficier de temps de répit. Le droit à compensation pourra également répondre aux besoins de développement de groupes d'entraide mutuelle ou de places en établissement spécialisé. Il pourra aussi consister en des aides de toute nature à la personne ou aux institutions pour vivre en milieu ordinaire ou adapté, ou encore pour accéder aux procédures et aux institutions spécifiques au handicap ou aux moyens et prestations accompagnant la mise en œuvre de la protection juridique. Ces réponses adaptées prendront en compte l'accueil et l'accompagnement nécessaires aux personnes handicapées qui ne peuvent exprimer seules leurs besoins.
Ainsi, le champ de ce droit recouvre à la fois la participation à la vie économique, sociale et culturelle d'un pays et l'ensemble des besoins individuels. Pour le rapporteur au Sénat, Paul Blanc (UMP), « cette définition est particulièrement innovante dans la mesure où elle ne se limite pas aux composantes individuelles du droit à compensation que sont les aides techniques et humaines ou encore l'aménagement du cadre de vie de la personne elle-même » (Rap. Sén. n° 210, tome I, février 2004).
La loi prévoit également que ces besoins de compensation seront inscrits dans un plan élaboré en considération des besoins et des aspirations que la personne handicapée aura exprimés dans un projet de vie. Autrement dit, il s'agit d'un plan personnalisé. Si elle ne peut formuler elle-même ses souhaits, c'est son représentant légal qui y procédera, avec ou pour elle.
La prestation de compensation est un volet du droit àcompensation : elle représente l'aspect individuel de ce droit. Son champ est plus limité que celui du droit à compensation, qui comporte une dimension collective large. Elle vise à répondre à des besoins identifiés. C'est pourquoi tout un système d'évaluation est nécessaire.
Si la loi du 11 février 2005 ne fixe pas elle-même une date d'entrée en vigueur du dispositif, la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, Marie-Anne Montchamp, ainsi que le Président de la République, ont l'ambition de la faire entrer en vigueur au 1er janvier 2006. Pour les personnes les plus lourdement handicapées, la date du 1er juillet 2005 est retenue.
En tout état de cause, une logique sous-tend la mise en place de cette prestation. Sa création « ne saurait se traduire par un désengagement des acteurs qui, aujourd'hui, interviennent en faveur de la compensation du handicap » (J.O. Sén. n° 22 du 25-02-04).
Plusieurs conditions d'ouverture du droit à la prestation de compensation sont posées.
La prestation de compensation sera d'abord attribuée àtoute personne handicapée résidant « de façon stable et régulière » en France métropolitaine, dans les départements d'outre-mer ouà Saint-Pierre-et-Miquelon (CASF, art. L. 245-1, I nouveau).
Un décret doit venir préciser cette condition de résidence.
Des barrières d'âge sont également posées, même si le gouvernement envisage de les supprimer à court terme.
Selon l'article L. 245-1, I du code de l'action sociale et des familles, les intéressés doivent en principe avoir dépassé l'âge d'ouverture du droit àl'allocation d'éducation de l'enfant handicapé -appelée à remplacer l'allocation d'éducation spéciale (AES) -, soit 20 ans en principe.
Toutefois, rappelle le rapporteur au Sénat, Paul Blanc, « il est déjà possible pour un jeune adulte handicapé d'opter, à compter de 16 ans, pour le régime de l'allocation aux adultes handicapés et, par voie de conséquence, pour l'attribution de la prestation de compensation dès lors qu'il s'engage dans un processus professionnel » (J.O. Sén. [C.R.] n° 22 du 26-02-04). En clair, les jeunes handicapés pourront bénéficier de la prestation de compensation dès 16 ans s'ils ne remplissent plus les conditions pour ouvrir droit aux prestations familiales.
Cette limite d'âge de 20 ans ne s'est pas imposée d'elle-même. Si elle figurait dans le projet de loi du gouvernement, les débats au Sénat en première lecture avaient d'abord conduit à ouvrir la prestation de compensation aux bénéficiaires de l'AES assortie du sixième complément de cette allocation, qui correspondà la majoration pour tierce personne. Rappelons que ce complément vise les handicaps les plus lourds imposant une surveillance et des soins continus, le recours permanent à une tierce personne rémunérée et l'arrêt de toute activité professionnelle des parents. Selon les débats parlementaires, 10 000 enfants gravement handicapés devaient être concernés, la prestation de compensation venant s'ajouter à l'AES.
Puis, lors des débats à l'Assemblée nationale, les parlementaires sont revenus sur ce point après la promesse du gouvernement de supprimer les barrières d'âge àl'issue d'une période transitoire . « L'extension de la prestation de compensation [aux] titulaires [du sixième] complément de l'allocation d'éducation spéciale » créant, selon la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, « un seuil très important entre eux et les titulaires des autres compléments. » Aussi le gouvernement a-t-il préféré « permettre plutôt àtous les bénéficiaires de l'AES de recourir à la prestation de compensation pour les dépenses relatives au logement, souvent mal couvertes du fait du versement mensuel des compléments ». En effet, « les dépenses liées à l'aménagement du logement[...] sont souvent prises en charge par une mobilisation sur plusieurs mois des compléments d'AES [...], complétée par des aides perçues dans le cadre des sites pour la vie autonome, mais de manière non uniforme sur le territoire » (J.O.A.N. [C.R.] n° 55 du 4-06-04).
Ainsi, par exception, les bénéficiaires de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, lorsqu'ils seront exposés à des charges relevant de l'aménagement du logement et du véhicule du fait du handicap de leur enfant, pourront également prétendre au bénéfice du volet« aménagement du logement et du véhicule » de la prestation de compensation , dans des conditions qui seront prévues par décret (CASF, art. L. 245-1, III nouveau). Ces charges ne pourront alors plus être prises en compte au titre du complément de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé.
Une limite d'âge maximum est en outre posée. Elle devrait être fixée par décret à 60 ans (CASF, art. L. 245-1, I nouveau).
Toutefois, pourront également prétendre au bénéfice de la prestation de compensation les personnes de plus de 60 ans - âge qui devrait lui aussiêtre fixé par décret - dans deux cas de figure (CASF, art. L. 245-1, II nouveau) :
lorsque leur handicap répondait, avant cet âge limite, aux critères d'attribution de la prestation de compensation, sous réserve de solliciter cette prestation avant un âge fixé par décret (qui pourrait être de 65 ans) ;
lorsqu'elles exercent une activitéprofessionnelle au-delà de cet âge et que leur handicap répond aux critères d'attribution de la prestation de compensation. Il s'agit d'ouvrir « l'accès àla prestation de compensation aux personnes développant après 60 ans une pathologie invalidante ou victimes d'un accident entraînant un handicap quand elles exercent une activité professionnelle après cet âge » (J.O.A.N. [C.R.] n° 55 du 4-06-04).
En outre, relevons que tout bénéficiaire de la prestation de compensation avant 60 ans pourra opter, lorsqu'il atteindra cet âge et à chaque renouvellement de l'attribution de cette prestation, entre le maintien de celle-ci ou le bénéfice de l'allocation personnalisée d'autonomie s'il en remplit les conditions d'octroi (CASF, art. L. 245-9 nouveau). Si, à 60 ans, l'intéressén'exprime aucun choix, il sera présumé qu'il souhaite continuer à bénéficier de la prestation de compensation.
Par ailleurs, pour répondre aux récriminations des parlementaires qui souhaitaient que la prestation de compensation soit accordée sans condition d'âge, le gouvernement a introduit dans la loi une disposition prévoyant que, dans les 3 ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi, soit d'ici au 13 février 2008, la prestation de compensation sera étendue aux enfants handicapés. La secrétaire d'Etat aux personnes handicapées a expliqué, au cours des débats, que ce délai permettra de réformer l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (ex-AES) et a promis, en présentant la loi le 3 février dernier, qu'elle ferait en sorte que ce soit le cas dès le 1er janvier 2006.
De plus, dans un délai maximum de 5 ans (soit d'ici à2010), les dispositions de la loi opérant une distinction entre les personnes handicapées en fonction de critères d'âge pour la compensation du handicap et la prise en charge des frais d'hébergement dans les établissements sociaux et médico-sociaux seront supprimées.
Initialement, le projet de loi prévoyait d'accorder la prestation de compensation aux titulaires d'un taux d'incapacité permanente supérieur ou égal à 80%. Jugeant que ce critère essentiellement médical ne permettait pas de tenir compte des besoins réels de compensation du handicap, les parlementaires ont introduit la notion de besoins de compensation.
Ainsi, le handicap de l'intéressé devra répondreà des critères définis par décret prenant notamment en compte la nature et l'importance des besoins de compensation « au regard de son projet de vie » (CASF, art. L. 245-1, I nouveau). La prise en compte du projet de vie, proposée par la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées au cours des débats, a pour but d'affirmer le caractère individualisé de la nouvelle prestation de compensation. Et le sens du projet de vie, a-t-elle expliqué, « c'est permettre à ces personnes d'exprimer ce qu'elles entendent faire de leur vie » (J.O.A.N. [C.R.] n° 55 du 4-06-04).
Toutefois, conscient que la mise en place d'une grille d'analyse des besoins de compensation du handicap ne pourra, « compte tenu de la diversité des handicaps, être réalisée rapidement » (Rap. Sén. n° 210, Blanc, tome I, février 2004), le législateur a prévu que, à titre transitoire, « jusqu'à la parution du décret fixant [...]les critères relatifs au handicap susceptibles d'ouvrir droità la prestation de compensation, cette dernière est accordée à toute personne handicapée remplissant la condition d'âge [...] et présentant une incapacité permanente au moins égale »à 80 % (art. 95, III).
Relevons également que l'octroi du volet « aide humaine » de la prestation de compensation est en outre subordonné soit au fait que l'état de la personne handicapée nécessite l'aide effective d'une tierce personne pour les actes essentiels de l'existence ou requiert une surveillance régulière, soit au fait que l'exercice d'une activité professionnelle ou d'une fonction élective lui impose des frais supplémentaires (CASF, art. L. 245-4 nouveau).
La prestation de compensation peut être versée aux personnes vivant à leur domicile.
Elle peut également être accordée, précise la loi du 11 février 2005, aux personnes handicapées hébergées ou accompagnées dans unétablissement social ou médico-social ou hospitalisées dans un établissement de santé (CASF, art. L. 245-11 nouveau).
Toutefois, en cas d'hébergement, d'accompagnement ou d'hospitalisation, la loi pose le principe de modalités particulières d'ouverture du droit à la prestation de compensation. Dans la mesure où « l'accueil enétablissement est reconnu comme une modalité alternative de compensation, il est en effet naturel que le versement de la prestation de compensation aux personnes accueillies soit adapté, sauf à assurer en réalité une double compensation du handicap » (Rap. Sén. n° 210, tome I, février 2004, Paul Blanc). Dans ces cas, il est donc prévu qu'un décret fixe les conditions de son attribution et précise, le cas échéant, en fonction de la situation de l'intéressé, la réduction qui peut lui être appliquée pendant la durée de l'hospitalisation, de l'accompagnement ou de l'hébergement, ou les modalités de sa suspension.
Dans ces hypothèses, la prestation de compensation pourra donc être suspendue ou réduite. Cette seconde possibilité vise à tenir compte du fait que le champ de cette prestation est plus large que la seule prise en compte des aides humaines. « Or, si une suspension du versement de l'élément "aide humaine" de la prestation est compréhensible, dès lors que celle-ci est fournie par l'établissement, il n'en va pas forcément de même pour les autres éléments de la prestation » (Rap. Sén. n° 210, tome I, février 2004, Blanc) (aides techniques...).
Avec cette prestation de compensation, il s'agit de prendre en compte, dans des conditions qui doivent être définies par décret, différentes charges (CASF, art. L. 245-3 nouveau). Celles-ci seront définies à partir du projet de vie de la personne. Ce qui constitue, selon la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, l'une des principales innovations du texte.
Notons que si la protection juridique fait partie du droità compensation, le financement de cet aspect particulier passe par le dispositif spécifique des tutelles. « Les services rendus grâce à de telles mesures, parce qu'ils ne concernent pas uniquement les personnes reconnues handicapées, doivent être assurés par des financements spécifiques. Ils ne peuvent relever de la prestation individualisée » (J.O. Sén.[C.R.]n° 88 du 21-10-04).
Sont tout d'abord visés les besoins en aides humaines, y compris, le cas échéant, celles apportées par les aidants familiaux (CASF, art. L. 245-3, 1° nouveau). Elles devraient constituer le noyau dur de la prestation de compensation.
Concrètement, ce volet « aides humaines » sera ouvert à toute personne handicapée soit lorsque son état nécessite l'aide effective d'une tierce personne pour les actes essentiels de l'existence ou requiert une surveillance régulière, soit lorsque l'exercice d'une activité professionnelle ou d'une fonction élective lui impose des frais supplémentaires (CASF, art. L. 245-4 nouveau).
Le montant attribué à la personne handicapée seraévalué en fonction du nombre d'heures de présence requis par sa situation et fixé en équivalent temps plein, en tenant compte du coût réel de rémunération des aides humaines en application de la législation du travail et de la convention collective en vigueur.
Ce volet « aides humaines » pourra être employé à rémunérer, selon le choix de la personne handicapée, directement un ou plusieurs salariés, notamment un membre de la famille àcertaines conditions, ou un service prestataire d'aide àdomicile agréé au titre de l'article L. 129-1 du code du travail, ainsi qu'à dédommager un aidant familial qui n'a pas de lien de subordination avec la personne handicapée (CASF, art. L. 245-12 nouveau).
Ainsi la loi reconnaît -elle la possibilitéde rémunérer un membre de la famille, ce qui s'effectuait jusqu'ici sans base légale avec pour conséquence que les aidants familiaux ne pouvaient se constituer des droits propres à la sécurité sociale. Avec la loi du 11 février 2005, la personne handicapée remplissant certaines conditions fixées par voie réglementaire pourra employer un ou plusieurs membres de sa famille, y compris son conjoint, son concubin ou la personne avec qui elle a conclu un pacte civil de solidarité dans des conditions fixées par décret.
Plus généralement, lorsqu'elle choisira de rémunérer directement un ou plusieurs salariés, la personne handicapée pourra désigner un organisme mandataire agréé en vertu de l'article L. 129-1 du code du travail ou un centre communal d'action sociale comme mandataire d'une aide humaine. L'organisme agrééassurera alors, pour le compte du bénéficiaire, l'accomplissement des formalités administratives et des déclarations sociales liées à l'emploi de ses aidesà domicile. La personne handicapée restera l'employeur légal.
Les aides techniques entrent également dans le champ de la prestation de compensation (CASF, art. L. 245-3, 2°nouveau). Selon la norme internationale ISO 9999, les aides techniques sont définies comme « tout produit, instrument, équipement ou système technique utilisépar une personne handicapée, fabriqué spécialement ou existant sur le marché, destiné à prévenir, compenser, soulager ou neutraliser la déficience, l'incapacité ou le handicap ».
La prestation de compensation prendra notamment en charge les frais incombant à l'assuré lorsque ces aides techniques sont couvertes par l'assurance maladie. Actuellement, les aides techniques sont financées par la sécuritésociale si elles sont inscrites sur la liste des produits et prestations (LPP). Dans le cadre de la prestation de compensation, si l'aide technique se trouve sur cette liste, seule la partie du coût de l'aide non remboursée par l'assurance maladie sera prise en compte par la prestation de compensation. « En revanche, si l'aide ne fait pas partie de la liste, la prestation de compensation prend [ra] en charge l'ensemble du coût de l'aide » (J.O. Sén.[C.R.] n° 88 du 21-10-04). Ce domaine pourrait être très ouvert et concerner notamment des logiciels informatiques et des programmes de développement pédagogiques et d'aideà la décision pour les personnes handicapées mentales jusqu'ici peu concernées par ces formes de compensation.
Au total, l'apparition de la prestation de compensation ne doit pas signifier pour autant un désengagement de l'assurance maladie.
La prestation de compensation pourra également couvrir des besoins liés à l'aménagement du logement et du véhicule de la personne handicapée, ainsi qu'àd'éventuels surcoûts résultant de son transport (CASF, art. L. 245-3, 3° nouveau).
A l'heure actuelle, ces aménagements peuvent faire l'objet de subventions et de prêts par de nombreux financeurs. Les aménagements du véhicule peuvent, par exemple, être pris en charge dans le cadre des sites pour la vie autonome et, pour les personnes qui travaillent, par le biais de l'allocation compensatrice pour frais professionnels et d'une aide de l'Agefiph. Or, relèvent les rapports parlementaires, pour une personneà mobilité réduite, l'acquisition d'un véhicule aménagé est cruciale et représente un coût multiplié par deux en général par rapport à une voiture ordinaire.
Les aides spécifiques ou exceptionnelles, comme celles relatives à l'acquisition ou à l'entretien de produits liés au handicap, entrent également dans le champ de la prestation de compensation (CASF, art. L. 245-3, 4°nouveau).
Enfin, cette prestation pourra prendre en charge l'attribution et l'entretien des aides animalières (CASF, art. L. 245-3, 5° nouveau).
Il est toutefois prévu qu'à compter du 1er janvier 2006, les charges correspondant àun chien guide d'aveugle ou à un chien d'assistance ne seront prises en compte dans le calcul de la prestation que si le chien a été éduqué dans une structure labellisée et par des éducateurs qualifiés selon des modalités définies par décret. Les chiens remis aux personnes handicapées avant cette date sont présumés remplir ces conditions.
Des dispositions pour faciliter notamment l'accès de ces chiens guides aux lieux publics et aux transports sont en outre prévues (voir encadré ci-dessous).
À SUIVRE...
Dans ce numéro :
I - La définition de la compensation
II - La prestation de compensation
A - Les personnes handicapées bénéficiaires de la prestation
B - Les aides couvertes par la prestation
Dans un prochain numéro :
C - La détermination du montant de la prestation
D - La procédure d'attribution de la prestation
E - Le régime de la prestation
F - Le versement de la prestation
La loi du 11 février 2005 donne pour la première fois une définition légale du handicap. Jusque-là, en effet, le législateur ne reconnaissait qu'implicitement la qualité de personne handicapée à travers un droità diverses prestations, l'orientation vers des dispositifs réservés aux personnes handicapées et, surtout, à travers la définition d'un taux d'incapacitépermanente.
La définition proposée s'inspire de la« classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé » établie en 2001 par l'Organisation mondiale de la santé. La loi insère ainsi un nouvel article L. 114 dans le code de l'action sociale et des familles (CASF) selon lequel constitue un handicap« toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santéinvalidant ». Par cette définition, le législateur reconnaît ainsi tous les handicaps.
Au-delà, la loi pose le principe selon lequel« toute personne handicapée a droit à la solidarité de l'ensemble de la collectivité nationale, qui lui garantit, en vertu de cette obligation, l'accès aux droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens ainsi que le plein exercice sa citoyenneté » (CASF, art. L. 114-1 modifié) . Un principe qui se substitue à la liste, fixée par la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 (6), des droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens mais dont la collectivité nationale garantit plus particulièrement l'accès aux personnes handicapées. Etaient ainsi visés l'accès aux soins, à l'éducation, àla formation et à l'orientation professionnelle, àl'emploi, à la garantie d'un minimum de ressources, àl'intégration sociale... Le projet de loi avait d'abord l'ambition de compléter cette liste, mais les parlementaires ont jugé préférable de fixer un tel principe plutôt que d'énumérer ces droits au risque d'en omettre.
La loi du 11 février 2005 réaffirme également le rôle de l'Etat en tant que garant de l'égalité de traitement des personnes handicapées. A charge pour lui de définir des objectifs pluriannuels d'actions.
Enfin, elle précise que l'action poursuivie pour assurer aux personnes handicapées leur autonomie vise à assurer l'accès de l'enfant, de l'adolescent ou de l'adulte handicapés aux institutions ouvertes à l'ensemble de la population et son maintien dans un cadre ordinaire de travail, de vie et - ce qui est nouveau - de scolarité. Elle insisteégalement sur « l'accompagnement et le soutien des familles et des proches des personnes handicapées » (CASF, art. L. 114-2 modifié) .
Avec cette définition consensuelle, le législateur espère aussi améliorer la connaissance de la population handicapée et accroître la fiabilité du dispositif statistique la concernant, qui souffre aujourd'hui d'insuffisances et d'imperfections. Des dispositions en ce sens sont d'ailleurs prévues par la loi (art. 88) .
La loi du 11 février 2005 élargit d'abord l'autorisation d'accès des chiens accompagnant les personnes titulaires d'une carte d'invalidité à certains lieux (art. 54 de la loi) . Jusque-là, la législation limitait cette autorisation de principe aux seuls lieux ouverts au public et prévoyait qu'un décret fixe, s'il y a lieu, les limitations à cette règle. Ces dernières ne pouvaient être fondées que sur des motifs de sécurité ou de salubrité publiques. Avec la nouvelle loi, cette faculté de limitation par décret est supprimée et l'autorisation d'accès est étendue aux transports ainsi qu'aux lieux permettant une activitéprofessionnelle, formatrice ou éducative.
Par ailleurs, le dispositif adopté interdit de faire acquitter aux personnes handicapées concernées des frais supplémentaires pour l'accès aux services et prestations auxquels elles peuvent prétendre (art. 88 de la loi du 30 juillet 1987 portant diverses mesures d'ordre social, modifié) .
La loi prévoit également que les chiens accompagnant les personnes handicapées, quel que soit le type de handicap, moteur, sensoriel ou mental, et dont les propriétaires justifient de leur éducation sont dispensés du port de la muselière dans les transports, les lieux publics, les locaux ouverts au public ainsi que ceux permettant une activitéprofessionnelle, formatrice ou éducative (art. 53 de la loi ; code rural, art. L. 211-30 nouveau) .L'objectif de la loi est de « rendre inopposables aux chiens accompagnant les personnes handicapées les règlements intérieurs d'établissements ou de compagnies, notamment de transport comme la RATP, imposant le port de la muselière à tout chien. Ce port de muselière provoque en effet chez ces chiens un stress important qui peut perturber gravement leur capacité de guidage ou d'accompagnement » (Rap. A.N. n° 1991, décembre 2004, Chossy) .
Outre les chiens d'aveugles, sont concernés les chienséduqués pour leur capacité de reconnaissance auditive et de communication au bénéfice de leur maître sourd ainsi que les chiens apportant une assistanceà leur maître ayant une invalidité ne lui permettant pas d'accomplir des gestes de la vie courante (ouvrir une porte...).
(1) Voir ASH n° 2250 du 15-02-02 et n° 2268 du 21-06-02.
(2) Voir ASH n° 2253 du 8-03-02.
(3) Voir ASH n° 2268 du 21-06-02.
(4) Pour une présentation générale de cette loi, voir ASH n° 2394 du 11-02-05.
(5) Voir ASH n° 2253 du 8-03-02.
(6) Voir ASH n° 2253 du 8-03-02.