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Un accompagnement global des jeunes parents vulnérables

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Le centre parental de l'association Aire de famille accueille des jeunes couples en situation de vulnérabilité psychique et sociale qui s'apprêtent à devenir parents. Afin de leur permettre de vivre ensemble, il propose une prise en charge dans des appartements à bail glissant. Et invite les futurs parents à reprendre confiance en eux.

L'association Aire de famille a choisi d'implanter son centre parental dans un quartier populaire hérissé de tours et de barres de béton au cœur du XIXearrondissement de Paris (1). Dans l'un de ces immeubles, un petit appartement réaménagé fait office de bureau et de lieu d'écoute pour les familles suivies par l'association.

Le centre a ouvert ses portes le 15 mars 2004. Sa directrice, Brigitte Chatoney, a mis plus de huit ans à concrétiser ce projet novateur (voir encadré ci-contre). A la différence des centres maternels, qui prennent en charge les jeunes mères en situation de vulnérabilité, cette structure a pour vocation d'accueillir des couples, afin de laisser toute leur place aux pères (2). « Loin de tout sentiment de défiance, on les reconnaît comme des sujets qui ont leur place auprès de l'enfant, explique Brigitte Chatoney. Notre accompagnement est fondé sur la parentalité. »

L'association entend soutenir ces jeunes parents avant et après la naissance de l'enfant, en théorie jusqu'à l'âge de 3 ans. 13 couples et 9 bébés ou nouveau-nés sont à l'heure actuelle accueillis par Aire de famille. Ils ont été adressés au centre par la cellule Ademie (aide départementale envers les mères isolées avec enfant) de la direction de l'action sociale, enfance et santé (DASES) de la Ville de Paris qui centralise les demandes. Les couples ont été admis, après plusieurs entretiens, en fonction de leur désir d'accompagnement et de construction d'une famille.

Les usagers sont jeunes : leur moyenne d'âge ne dépasse pas 22 ans. Ils sont peu qualifiés, occupent le plus souvent des emplois précaires et disposent de revenus mensuels oscillant entre 500 € et 1 200 €. La plupart d'entre eux ont eu des parcours chaotiques pendant leur enfance ou leur adolescence. Ils ont parfois subi des blessures profondes (maltraitance, placements...). D'après les observations de l'équipe accompagnatrice, les personnes issues de l'immigration sont souvent confrontées à des ruptures familiales liées au poids des traditions culturelles. « Parfois, la jeune femme a été mise à la porte de la famille à cause de la nationalité ou de la religion de son conjoint, précise Brigitte Chatoney. L'une d'elles s'est même bandé le ventre pendant des mois pour dissimuler sa grossesse. » Autant d'histoires personnelles douloureuses qui viennent écorner la capacité des personnes à se projeter dans le rôle inédit de parent. « Ils sont encore dans une problématique adolescente, expli-que Sylvain Menasché, psychologue-psychanalyste qui travaille à mi-temps dans la structure. C'est à nous de les amener à l'autonomie pour qu'ils puissent assumer leur rôle de parents. Nous agissons comme une famille de substitution, en leur transmettant des repères qu'ils n'ont pas eus. »

L'enfant, pris comme un élément central, doit ainsi permettre aux parents de s'ouvrir au monde et de repartir sur des bases plus solides. « Nous les aidons à voir la naissance du bébé comme une période ouvrante, une opportunité », souligne la directrice du centre. L'équipe de l'association (3) se positionne ainsi comme un « tiers » qui favorise les relations entre le monde de la vie privée, celui de la famille en construction, et la société.

L'accompagnement de ces jeunes couples s'articule autour de trois objectifs principaux : leur procurer un logement durable, les soutenir dans la construction d'une famille et faciliter leur insertion sociale et professionnelle. « La demande explicite est toujours celle du logement, note Brigitte Chatoney. Mais notre mission ne se limite pas à cela. Nous accueillons avant tout des personnes qui ont des difficultés multi-factorielles. »

L'expérience de la vie à deux

Les couples sont dans un premier temps hébergés dans un studio meublé dans une résidence sociale de la Sonacotra, pour une durée de trois à six mois. A l'issue de ce séjour, ils emménagent dans un appartement de deux ou trois pièces à bail glissant (4). Une stabilité bienvenue pour des personnes qui vivaient auparavant chez leurs parents, des amis, dans des foyers de jeunes travailleurs, des centres maternels ou des squats. « La plupart du temps, ces couples vivaient séparément, ajoute Sylvain Menasché. Ils n'ont pas fait l'expérience de la vie à deux. Ils en découvrent donc les surprises et parfois les difficultés. »

L'installation dans l'appartement permet d'élaborer une série de projets d'avenir. Ces objectifs sont consignés dans un « contrat d'accompagnement » conclu peu de temps après l'admission au centre (5). Ce contrat, qui récapitule les attentes réciproques des résidents et de l'équipe, prévoit notamment des temps de rencontre obligatoires. « Il peut s'agir soit de visites à leur domicile, soit au centre, soit à l'occasion d'un déplacement à l'extérieur », détaille Brigitte Chatoney. Au cours de ces rendez-vous, l'accent est mis en premier lieu sur la restauration de la confiance et la préparation à l'arrivée de l'enfant. Des séances d'haptonomie (6) sont notamment proposées aux couples, de manière à associer pleinement le père à la naissance du bébé. « Ils ont tous besoin d'un accompagnement périnatal, indique la directrice du centre. Car ce premier bébé est vécu comme une révolution. »

Ce moment charnière permet ensuite d'envisager une insertion sociale et professionnelle. L'équipe du centre parental soutient par exemple les démarches administratives du couple. « Nous découvrons parfois au bout de six mois que ces personnes ont des amendes impressionnantes de la RATP et de la SNCF, qui peuvent aller jusqu'à 4 000 € pour une seule famille, déplore Brigitte Chatoney. Et c'est la même chose pour les frais bancaires. »

En matière d'accès à l'emploi, l'association in-cite les jeunes à suivre une formation, afin d'obtenir des qualifications (et pour certains quitter le travail au noir), notamment dans le cadre d'un partenariat avec le Centre d'initiative pour l'emploi des jeunes (7). « L'objectif à moyen terme, c'est de nouer des partenariats avec des entreprises, notamment dans le secteur du bâtiment », poursuit la directrice. Parmi les couples accueillis, deux pères sont toujours sans emploi et sans aucun diplôme. « Ils ont une mauvaise image d'eux-mêmes, ajoute-t-elle. Il faut les aider à reconstruire cette estime de soi. » La participation à la vie du quartier est également vivement encouragée. « Une éducatrice peut dans un premier temps les accompagner à la maternité, à une consultation médicale ou dans une administration afin qu'ils puissent s'y rendre de manière autonome par la suite, explique Sylvain Menasché. Nous avons ainsi une fonction de support, d'étayage physique. »

Pour mettre en œuvre cet accompagnement global, l'association a tissé des liens étroits avec une série de partenaires institutionnels ou associatifs (8). En fonction de la demande des couples, le centre parental peut ainsi les orienter vers les institutions les mieux adaptées. Cette complémentarité permet à l'équipe de l'association de ne pas se poser en situation de « toute-puissance » face aux personnes hébergées, et de leur appren-dre à utiliser au mieux les ressources du quartier. D'autant que l'association dispose de financements fragiles. Les ressources du centre se répartissent entre l'Etat, par le biais d'une subvention triennale pour l'insertion (40 %), et le département, au titre de la protection de l'enfance (60 %). La pénurie de logements sociaux limite par ailleurs le développement des actions. Aire de famille recherche ainsi plusieurs studios à louer à des associations dans le XIXe arrondissement afin de ne plus compter seulement sur les studios de la Sonacotra situés dans le XVIIIe arrondissement. Enfin, la grande fragilité financière et professionnelle des familles peut à tout moment mettre en péril l'association, qui prend le risque d'avancer de nombreux frais.

Des réunions bi-hebdomadaires (l'une consacrée à la situation des familles, l'autre à dimension institutionnelle) permettent à l'équipe de renforcer sa cohésion pour affronter les situations difficiles. « Il nous arrive parfois de ressentir un sentiment d'échec vis-à-vis d'une famille que nous avons pourtant convenablement accompagnée », confie le psychologue.

L'association ne manque pas cependant de nouveaux projets. La mise en place d'une crèche familiale d'une trentaine de berceaux permettrait ainsi d'offrir un mode de garde aux jeunes mères afin qu'elles puissent entreprendre une recherche d'emploi. Un groupe de parole réunissant les mères et leurs enfants dans les locaux du centre social de la caisse d'allocations familiales est par ailleurs sur le point de démarrer. Autre projet en cours : la création d'une « Maison verte », lieu d'accueil ouvert sur l'extérieur pour parents et enfants imaginé par Françoise Dolto. « Nous avons commencé comme un centre parental mais notre structure n'est pas figée, assure Brigitte Chatoney. Nous allons continuer sur notre lancée. »

Florence Pagneux

DU CENTRE MATERNEL AU CENTRE PARENTAL

Avant de diriger le centre parental de l'association Aire de famille, Brigitte Chatoney a été chef de service dans un centre maternel situé dans le XIIIearrondissement de Paris. Avec d'anciennes résidentes du centre, elle a créé l'association Couleur d'arc-en-ciel, qui se voulait un espace de solidarité et d'entraide entre femmes. Une structure qui lui a permis de nouer des contacts et des partenariats utiles à la mise en place du futur centre parental. Si l'association Aire de famille est née en 1997, ce n'est qu'en 2004 que le centre a effectivement ouvert ses portes. « C'était un pari, et cela apparaît aujourd'hui comme une évidence, affirme Brigitte Chatoney. La mise à disposition d'un logement pérenne par l'intermédiaire d'un bail glissant est un vrai investissement pour l'avenir. » Car les centres maternels n'hébergent plus les femmes après les 3 ans de l'enfant. Pour autant, ces structures « conservent toute leur utilité auprès des femmes isolées et de leurs enfants. Les deux types de soutien ont leur raison d'être », estime la directrice du centre.

Notes

(1)  Association Aire de famille : 53, rue Riquet - 75019 Paris - Tél. 01 40 38 11 08.

(2)  Voir ASH n° 2213 du 4-05-01.

(3)  L'équipe du centre se compose d'une directrice, d'une éducatrice de jeunes enfants, de deux éducateurs spécialisés, d'une assistante sociale, de deux psychologues à mi-temps, d'un comptable à quart temps et d'une secrétaire à trois quarts temps.

(4)  Loué d'abord par l'association, le bail sera mis ensuite au nom des occupants. L'association travaille en partenariat avec l'OPAC et la société 3F, dont 90 % du patrimoine est situé dans le XIXe arrondissement de Paris.

(5)  Un « contrat de séjour », plus solennel, est également conclu entre la directrice du centre et la famille. Un exemplaire de ce contrat est envoyé à l'Ademie. Le contrat d'accompagnement est quant à lui strictement interne à l'association, afin de préserver l'intimité des personnes.

(6)  L'accompagnement haptonomique vise à renforcer les liens entre l'enfant à naître et ses deux parents dès le quatrième mois de grossesse, notamment grâce à des contacts « psychotactiles ».

(7)  Le Centre d'initiative pour l'emploi des jeunes est un département de la « Sauvegarde de l'adolescence » de Paris, qui propose des formations pour les jeunes de 16 à 26 ans (www.ciej.net).

(8)  Service social de la mairie, centre d'action sociale, DASS, ANPE, mission locale, dispensaires, protection maternelle et infantile (PMI), caisse d'allocations familiales (CAF), sécurité sociale, Planning familial, maternité, juge aux affaires familiales, juge des enfants, Union départementale des associations familiales (UDAF), associations de quartier...

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