La loi sur la sécurité intérieure (1) n'a pas fait diminuer la prostitution, elle l'a rendue plus mobile et a renforcé la clandestinité. Avec tous les inconvénients qui en découlent pour les actions de prévention et d'accompagnement.
Le constat réalisé par l'Amicale du Nid confirme les craintes qu'elle nourrissait dès l'origine. S'appuyant sur les observations de ses établissements et services implantés en région parisienne, à Grenoble, Lyon, Montpellier, Marseille et Toulouse, l'association a étudié les transformations intervenues sur le terrain depuis la loi (2). Sans prétendre donner une vision exhaustive, l'amicale constate que la prostitution des femmes françaises, qui s'exerce par affichettes, téléphone, Internet, dans les bars et les soirées privées, est devenue difficilement repérable. Celle des femmes d'Europe de l'Est est sous l'emprise de proxénètes exigeants, souvent protégés dans leur pays d'origine, tandis que les femmes originaires d'Afrique sont fréquemment sous l'emprise de réseaux mafieux adeptes de pratiques magiques. Quant aux clients et aux « citoyens » d'une façon générale, ils se montrent plus arrogants et violents.
La police intervient de manière très différente selon les villes et les origines ethniques, constate aussi l'association. Les partenaires de la justice, du social et du médical sont, eux, mis en difficulté « par les lois promulguées en cascade ». Plus sensibles à la question qu'auparavant, ils mettent « tout en œuvre pour répondre aux demandes », mais souvent par « le système D ».
Ces constats obligent à modifier les pratiques, note l'association. Le travail de rue est devenu de plus en plus difficile et risque de favoriser le repérage des personnes. L'accueil d'urgence a augmenté, bien que la notion d'urgence ne soit pas la même pour les personnes accueillies, les travailleurs sociaux et la police. L'accompagnement reste toujours aussi important et doit s'adapter aux différences culturelles : autre rapport au temps notamment chez les femmes africaines, ignorance de la loi française, problèmes linguistiques... L'hébergement se heurte au coût élevé des nuitées à l'hôtel, au manque de places en CHRS, aux durées trop courtes de prise en charge. Les associations sont aussi très mobilisées pour suivre les immigrées en situation irrégulière.
Autant d'actions qui nécessitent un développement des partenariats aux plans local, national et européen, indique l'Amicale du Nid, qui insiste aussi sur l'importance de la formation des travailleurs sociaux susceptibles d'intervenir auprès de personnes en situation de prostitution.
(1) Voir ASH n° 2303 du 21-03-03.
(2) Bilan d'un an d'observation des évolutions des publics, des modes de prostitution, des politiques et des pratiques - Disp. à l'Amicale du Nid : 14, rue Victor-Méric - 92110 Clichy - Tél. 01 41 40 95 95 -