Le Parlement a définitivement adopté le 10 février une loi « portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés ». Un texte présenté par le gouvernement comme poursuivant « l'objectif moral de témoigner aux rapatriés la reconnaissance de la Nation pour l'œuvre accomplie dans les anciennes possessions d'outre-mer » mais aussi « l'objectif financier de corriger des situations inéquitables nées de la succession des différentes lois d'indemnisation en faveur des rapatriés et de prolonger l'effort de solidarité envers les harkis ».
Ces derniers peuvent, à cet égard, opter dorénavant, au choix, pour :
le maintien de l'allocation de reconnaissance, dont le taux annuel est augmenté au 1er janvier 2005 pour s'élever à 2 800 € ;
le maintien de l'allocation de reconnaissance au taux en vigueur au 1er janvier 2004 (soit 1 830 €) et le versement d'un capital de 20 000 € ;
le versement, en lieu et place de l'allocation de reconnaissance, d'un capital de 30 000 €, l'allocation de reconnaissance étant, dans ce cas, servie au taux en vigueur au 1er janvier 2004 jusqu'au paiement de ce capital.
Le capital versé dans le cadre de ces deux dernières options est insaisissable et n'est pas soumis à imposition.
A titre conservatoire, dans l'attente de l'exercice du droit d'option, l'allocation de reconnaissance est versée au taux en vigueur au 1er janvier 2004. La loi renvoie à un décret le soin de définir, entre autres, le délai imparti pour exercer l'option ainsi que « l'échéancier des versements prenant en compte l'âge des bénéficiaires ». Selon le sénateur (UMP) des Yvelines, Alain Gournac, l'intention du gouvernement serait de prévoir un versement plus rapide pour les bénéficiaires les plus âgés (1).
Afin de - selon les mots du ministre délégué aux anciens combattants, Hamlaoui Mekachera - « répondre à une attente forte des familles », un dispositif particulier est par ailleurs mis en place pour les orphelins de harkis. Plus précisément, les personnes dont le père, ancien supplétif de l'armée française ou assimilé, ainsi que son conjoint ou ex-conjoint sont décédés à la date d'entrée en vigueur de la loi bénéficient désormais d'une allocation forfaitaire de 20 000 € à répartir, à parts égales, entre les enfants issus de leur union, s'ils possèdent la nationalité française et s'ils ont fixé leur domicile en France ou dans un Etat de l'Union européenne au 1er janvier 2004. Une allocation similaire est versée, sous réserve des mêmes conditions, aux personnes reconnues pupilles de la Nation, orphelines de père et mère, dont l'un des parents a servi en qualité de harki ou de membre d'une formation supplétive. Elle est répartie en parts égales entre les enfants issus d'une même union.
Selon les estimations du sénateur (UMP) des Yvelines, Alain Gournac, les mesures en faveur des orphelins devraient concerner 2 500 personnes.
Autre domaine dans lequel le législateur a voulu faire un geste en faveur des harkis : le logement. Le délai pendant lequel cette population peut demander à bénéficier du dispositif spécifique d'aides au logement prévu par la loi du 11 juin 1994 (2) est ainsi prorogé de cinq ans. La définition des logements locatifs sociaux retenue pour l'application de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation - relatif au quota de 20 % de logements sociaux- est, en outre, élargie aux lotissements construits en faveur des harkis (3). Le ministre en charge des rapatriés est par ailleurs autorisé à accorder, de manière dérogatoire, le bénéfice des aides au logement et de l'allocation de reconnaissance à certains anciens harkis (4), bien qu'ils ne remplissent pas les conditions normalement requises. L'idée étant de pouvoir faire un geste en faveur par exemple des personnes qui, par ignorance ou parce qu'ils ont gagné la France tardivement, n'ont pas accompli leur demande de reconnaissance de nationalité française dans les délais.
La loi prévoit encore que des « aides complémentaires » - dont les montants et les modalités d'attribution seront définis par décret - peuvent être versées aux enfants de harkis titulaires de bourses de l'Education nationale.
Elle proclame par ailleurs l'interdiction de toute injure ou diffamation commise envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur qualité vraie ou supposée de harki, d'ancien membre des formations supplétives ou assimilés. De tels propos pouvaient déjà être réprimés auparavant et, du reste, le texte ne prévoit pas de sanction spécifique, précisant simplement que le respect de ce principe est assuré par l'Etat « dans le cadre des lois en vigueur ». Dans l'esprit des députés qui sont à l'origine de la disposition, cette « réaffirmation solennelle » vise simplement à attirer l'attention des citoyens et de l'institution judiciaire sur les injures dont ces personnes peuvent être victimes. La loi proscrit de la même manière « toute apologie des crimes commis contre les harkis et les membres des formations supplétives après les accords d'Evian ».
Enfin, la loi met en place un dispositif visant à restituer aux rapatriés les sommes qui leur ont été prélevées dans le cadre de précédentes lois d'indemnisation (5) et prévoit le versement d'une indemnité forfaitaire aux Français salariés du secteur privé s'étant exilés pour échapper à des condamnations en relation avec les événements de la guerre d'Algérie et n'ayant pu, de ce fait, cotiser à un régime de retraite.
(1) Rap. Sén. n° 104, Gournac, décembre 2004.
(2) Pour mémoire, il se décline sous trois formes : une aide à l'acquisition de la résidence principale d'un montant forfaitaire de 12 196 €, une aide à l'amélioration de la résidence principale et un secours exceptionnel destiné à permettre la résorption d'un surendettement consécutif à un achat immobilier réalisé avant le 1er janvier 1994. Ces aides ont bénéficié jusqu'à présent à un peu plus de 7 000 personnes.
(3) Selon le sénateur (UMP) Nicolas About, cette disposition devrait avoir un impact significatif essentiellement dans les quelques communes où est concentrée la communauté harka. Ces villes, a-t-il justifié au cours des débats, « rencontrent de grandes difficultés économiques du fait de la taxe qu'elles doivent verser » si elles ne respectent pas le seuil de 20 % exigé par la loi, taxe « qui les rend insusceptibles de consacrer des moyens financiers au soutien de ces populations » (J.O. [Sén.] n° 120 du 17 décembre 2004).
(4) Sont visés les anciens harkis et membres des formations supplétives ayant servi en Algérie et leurs veuves, rapatriés, âgés de 60 ans et plus, qui peuvent justifier d'un domicile continu en France ou dans un autre Etat de l'Union européenne depuis le 10 janvier 1973 et qui ont acquis la nationalité française avant le 1er janvier 1995.
(5) Cette disposition vise à remédier à des situations inéquitables concernant des rapatriés d'Algérie, du Maroc et de Tunisie, qui n'ont pas bénéficié des dispositions successives prévoyant l'effacement des dettes de réinstallation. Environ 90 000 personnes seraient concernées.