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Santé mentale : chronique d'une réalité urbaine ordinaire

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Le plan pour la santé mentale présenté le 4 février par Philippe Douste-Blazy (1) ne répond que partiellement aux besoins, témoigne Pierre Micheletti, médecin de santé publique à la ville de Grenoble (2), qui décrit la situation du secteur dans cette agglomération.

« Grenoble, ville-centre d'une communauté d'agglomération d'environ 500 000 habitants, possède un certain nombre de caractéristiques, au regard des problèmes de psychiatrie, qui se retrouvent dans d'autres villes françaises et auxquels le plan présenté apporte des réponses partielles.

« La psychiatrie de secteur constate depuis plusieurs années une occupation des lits hospitaliers par une proportion croissante de patients présentant soit des psychoses graves, soit des toxicomanies. Une part importante des patients hospitalisés (estimée à 30 %) est sans perspective de pouvoir quitter le milieu hospitalier, car les conditions d'une autonomie sociale (qui nécessiterait un accueil en maison de famille ou appartement relais), ou financière, ne sont pas réunies.

« Les difficultés d'accès au système de psychiatrie publique sont patentes avec des délais d'attente de plusieurs semaines avant une consultation dans les centres médico-psychologiques de secteur et se traduisent en outre par plusieurs centaines d'hospitalisations différées par an au sein des services hospitaliers.

« Par ailleurs, dans le centre hospitalier spécialisé départemental, une dizaine de postes de psychiatres ouverts budgétairement ne sont pas pourvus. Les psychiatres libéraux sont beaucoup plus nombreux sur la ville que les psychiatres du secteur public et leur implantation spatiale est concentrée sur le centre ville. Leur intervention n'est pas prise en charge par le système d'assurance maladie, privant le système de santé de la pleine contribution de ces professionnels.

« Les patients les plus précaires se trouvent en butte à de grandes difficultés de logement et ce d'autant plus qu'il existe sur la ville une forte pression sur le foncier. A ces difficultés, il faut ajouter les réticences des copropriétés et du voisinage à la création d'appartements thérapeutiques.

« Les personnes économiquement les plus défavorisées voient, au bout de six mois d'hospitalisation, leur allocation aux adultes handicapés baisser, ce qui entretient pour elles une instabilité économique constante.

« Par ailleurs, les élus municipaux sont périodiquement confrontés à la nécessité de prendre des mesures d'hospitalisation sous contrainte qui les écartèlent entre la préoccupation de faire face à un danger imminent, pour une personne ou pour son entourage, et le nécessaire respect des libertés individuelles. Les publics les plus précaires se caractérisent en effet fréquemment par une absence de contacts réguliers avec le système de soins, les médecins généralistes en particulier, ainsi que par le peu de liens avec les travailleurs sociaux. Dès lors, en matière de psychiatrie comme de médecine somatique, l'entrée dans le soin de ces populations se fait dans la plupart des cas sur le mode des urgences, l'hospitalisation d'office en constituant une des modalités. Se produisent chaque année sur le territoire de la ville une quarantaine de ces hospitalisations sous contrainte dont la grande majorité sont déclenchées par le système de psychiatrie publique, une faible part par des médecins généralistes, et quasiment aucune par des psychiatres libéraux.

« Ainsi serait-on en droit d'attendre notamment, en complément des mesures annoncées, un certain nombre de décisions qui viseraient à redéfinir la place du secteur libéral et à sécuriser les revenus des personnes les plus précaires présentant des troubles psychiatriques.

« De fait, les inégalités sociales de santé ne sont pas totalement oubliées dans ce plan, en raison du renforcement de la psychiatrie publique. On peut cependant regretter que les mesures proposées nous privent d'une réflexion globale et de propositions visant à positionner de façon plus explicite les rôles des acteurs et des moyens déjà présents sur le terrain. Ainsi en va-t-il, par exemple, de la contribution en matière de prévention et de dépistage que pourraient apporter les services de santé scolaire. Ce sont globalement la coordination des acteurs et la dimension préventive qui restent les maillons faibles des mesures proposées. »

Notes

(1)  Voir ASH n° 2394 du 11-02-05 et les réactions dans ce numéro.

(2)  Contact : Direction de la santé publique et environnementale - 33, rue Chanrion - 38000 Grenoble - Tél. 04 76 03 43 43.

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