Salle presque comble, le 14 février, au Sénat, où plus de 250 personnes ont assisté au colloque du Conseil supérieur du travail social (CSTS) sur « les enjeux du travail social aujourd'hui » (1). Beau-coup de travailleurs sociaux, de représentants des ministères, des services déconcentrés, des associations, de responsables de services sociaux. Mais à peine plus d'une vingtaine d'élus locaux. Elus auxquels était pourtant destinée cette journée organisée, selon les propos introductifs de Brigitte Bouquet, vice-présidente de l'instance, pour « réfléchir sur le sens de l'action en faveur des usagers » dans le cadre de la nouvelle répartition des responsabilités. Et tout en tenant compte de la massification des problèmes sociaux et de la crise démographique du secteur.
Fait notable cependant : cet événement a permis, pour la première fois depuis des années, de faire entendre la parole d'un ministre sur le travail social. Nelly Olin, ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion, présidente du CSTS, a symboliquement ouvert la journée en rappelant « toute la noblesse du travail social, profession méconnue, parfois malmenée par l'opinion, mais qui remplit une œuvre de solidarité indispensable à notre société. » « L'allongement de la durée de vie, les difficultés spécifiques des villes, la persistance de poches de précarité ont exercé des pressions considérables sur les réponses apportées par les métiers du social », a-t-elle précisé. Reconnaissant le rôle du CSTS, elle a également invité « chacun des collèges à prendre toute sa part » à ses travaux.
Nelly Olin a en outre tenté de lever les inquiétudes sur le transfert de charges liées à la régionalisation des formations sociales. Alors que certaines régions disent toujours être en attente des moyens nécessaires, la première délégation de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, destinée à compenser les transferts de charges, a été, selon la ministre, versée le 20 janvier. « Le fonctionnement des centres de formation en travail social et le versement des aides aux étudiants sont donc garantis », a-t-elle ajouté. Le décret en Conseil d'Etat relatif aux compétences de l'Etat et à l'agrément préalable des centres de formation est signé par tous les ministres concernés, a-t-elle indiqué, et le décret simple relatif, notamment, aux conditions d'agrément des établissements par les régions, est en cours de signature.
Autre sujet sensible : le projet de loi sur la prévention de la délinquance. « Je travaille en parfaite collaboration avec Dominique de Villepin, a souligné Nelly Olin. Je peux vous assurer que, s'agissant de cette question, le gouvernement ne travaillera ni contre la profession sociale, ni sans la profession sociale. »
« Dans une société où la question de l'exclusion se pose avec acuité, quelles missions pour le travail social ? », se sont interrogés les participants. De l'avis de tous, ces dernières ne peuvent être limitées à la gestion de la pauvreté ou des dispositifs, mais doivent viser, comme a insisté Véronique Fayet, adjointe au maire de Bordeaux chargée du développement social, « à réduire la misère et ses causes profondes, dans un projet politique global ambitieux, un projet de société ». Et reposer sur une « co-construction » avec les usagers, ainsi que l'a d'ailleurs souligné Jean-Jacques Trégoat, directeur général de l'action sociale, dans son discours de clôture. Mais le travail social, s'il n'est pas « instrumentalisable», doit-il pour autant se résoudre à être une mission « démesurée, avec des moyens dérisoires » ?, comme a demandé Michel Blanchard, directeur d'un centre d'accueil.
Autre thème de débat : la complémentarité entre les « acteurs professionnels et leurs partenaires : travailleurs sociaux, associatifs, élus... » ? Ce qui renvoie aux questions de la mutualisation des pratiques et des moyens, de la façon de construire des projets vecteurs d'intégration, de la coordination, de l'approche territoriale du travail social. Mais aussi de la clarification des missions, sous peine d'assister à « des affrontements entre les intervenants », comme le craint Claude Brévan, déléguée interministérielle à la ville, selon qui les démarches décloisonnées, « mais très peu lisibles », ont jusqu'ici caractérisé les métiers de la politique de la ville. Le partenariat, estime-t-elle par ailleurs, ne doit pas occulter le conflit des enjeux : « On a trop vécu sur l'idée qu'il faut être d'accord sur tout pour travailler ensemble. »
La proximité, la territorialisation du travail social, mais aussi la nécessaire qualification des professionnels, ainsi que le développement de la recherche, étaient au centre de la réflexion sur « le travail social dans la politique de décentralisation ». « Attention à ne pas confondre proximité avec lisibilité et efficacité », a pour sa part averti Christine Garcette, déléguée du comité de liaison et de coordination des services sociaux de la Seine-Saint-Denis. Une question de fond est enfin revenue en filigrane de la journée : à qui appartient-il désormais, à l'Etat ou aux élus, de définir les missions du travail social ? Et quel rôle les professionnels peuvent-ils jouer dans cette définition ?
M. LB.
(1) Des actes du colloque seront publiés. D'ores et déjà, le bureau du CSTS a réalisé une synthèse des travaux de l'instance : 20 ans de contribution pour penser le présent et réfléchir l'avenir - Secrétariat du CSTS/DGAS : 8, avenue de Ségur - 75350 Paris 07 - Tél. 01 40 56 86 89.