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« La maltraitance des personnes âgées reste difficile à approcher »

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Peut-on espérer réduire la maltraitance des personnes âgées, s'interroge le professeur Robert Hugonot, gérontologue et président du réseau d'écoute Alma France (1). Réagissant à la récente étude de la DREES sur le sujet, il souligne la fragilité des témoignages, mais aussi le silence trop fréquent des victimes.
Comment avez-vous réagi à l'enquête de la DREES ?

Je suis surpris qu'une telle enquête (2) ait porté sur un très petit nombre de dossiers de plaintes, en ignorant les 40 000 dossiers ouverts et les 20 000 dossiers réellement retenus pour faits de maltraitance par ALMA France. Une analyse faite à partir d'un trop petit échantillon est toujours sujette à caution.

Je ne doute pas que les entretiens menés par ailleurs par des sociologues aient été bien conduits, mais notre travail nous a appris la fragilité des témoignages, la difficulté à évaluer leur fiabilité. Nous avons ainsi des exemples de familles qui dénoncent des maltraitances en institution parce qu'au fond elles s'en veulent d'y avoir placé leur proche. C'est une façon de se dédouaner : le coupable, ce n'est pas moi, c'est l'autre. Une des règles éthiques que nous nous sommes fixées, c'est de ne pas accepter de dénonciation, de signalement ou de plainte non corroborés par un autre témoignage. Sauf exception, bien sûr.

L'enquête souligne justement la difficulté des personnes maltraitées à se faire entendre...

Avec raison. Ce qui caractérise avant tout la maltraitance, c'est le silence. Les victimes sont muettes. Et cela, qu'elles vivent en établissement ou à domicile, et qu'il s'agisse de personnes âgées, de personnes handicapées, de femmes, d'enfants... Regardez les journaux : quand les problèmes émergent, les violences se sont parfois exercées depuis cinq, dix, vingt ans... Surtout en famille. C'est plus facile de savoir ce qui se passe dans une institution qu'au domicile où personne ne va voir. On a peu de chances d'être alertés des maltraitances familiales et quand on les connaît, c'est parfois trop tard. Avec notre réseau, nous avons déterré un phénomène dont personne ne parlait. Nous l'approchons mieux, mais je ne suis pas sûr qu'on puisse le mesurer vraiment. D'ailleurs, notre action est-elle efficace ? Pouvons-nous espérer réduire les maltraitances ? On n'en sait rien. Du moins avons-nous une certaine idée de la prévention à mettre en place...

Vous avez pourtant acquis une expérience reconnue...

Reconnue en tout cas à l'étranger ! Nous avons développé un réseau que beaucoup de pays nous envient. Nous continuons d'ailleurs à l'étendre avec des antennes à la Martinique et à la Réunion et nous commençons à implanter un second réseau à l'écoute des personnes handicapées. Nous sommes aussi sollicités pour aider à mettre en place des centres d'écoute à Bruxelles, à Milan, au Mexique...

Alors qu'il n'y avait rien, en 1995, quand nous avons commencé, nous sommes désormais à la tête de la plus grande enquête épidémiologique permanente au monde et nous en sommes fiers. Toutes les informations sont recueillies sur des dossiers unifiés. Dans les congrès internationaux, d'autres pays arrivent avec des analyses portant sur 300 ou 400 cas, même les Etats-Unis, où les « Abuse centers » fonctionnent chacun avec son propre système. C'est aussi pourquoi nous tenons à garder la classification internationale des types de maltraitances. Cela permet de comparer, d'échanger, d'avoir une vision plus globale du phénomène.

Quelle méthode diffusez-vous ?

Notre système est reproductible car il n'est pas coûteux. Pour des raisons financières, nous l'avons mis en place surtout avec des bénévoles écoutants, qui viennent d'ailleurs souvent du milieu sanitaire ou social, ou qui sont juristes... Nous leur donnons une formation initiale de trois jours, puis une formation continue chaque année, qui s'ajoute à leur propre expérience. Les centres les plus importants ont recruté un coordonnateur permanent, à temps plein ou partiel, souvent grâce à un financement du conseil général. Nous nous adossons aussi au système institutionnel légal : chaque antenne a un comité de pilotage réunissant les représentants des professionnels et des autorités de tutelle, Etat, département, sécurité sociale... Cela permet, en cas de besoin, de saisir rapidement les interlocuteurs compétents : les services hospitaliers ou d'aide à domicile, le procureur pour les situations très graves. La méthode, c'est de créer un réseau de proximité qui rapproche appelants, écoutants, professionnels de terrain et pouvoirs publics.

Propos recueillis par Marie-Jo Maerel

Notes

(1)  Alma France : BP 1526 - 38025 Grenoble cedex - Tél. 04 76 84 20 40 .

(2)  Voir ASH n° 2392 du 28-01-05.

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