Parce que « la réponse publique » dans le secteur de la psychiatrie « n'est pas adaptée » et que « l'offre de soins psychiatriques est inégale sur l'ensemble du territoire et souffre de cloisonnement », Philippe Douste-Blazy a présenté, le 4 février, les grandes orientations de son plan « psychiatrie et santé mentale », qu'il entend encore soumettre à la concertation avant d'aboutir à un programme d'actions. Près de un milliard d'euros pour 2005-2008 sont annoncés à cette fin.
Le ministre des Solidarités, de la Santé et de la Famille souhaite, en premier lieu, « réinvestir dans les murs de l'hôpital psychiatrique ». A cet effet, il veut renforcer l'hospitalisation complète et confirme le moratoire sur la fermeture de lits en psychiatrie. Au-delà des quelque 300 millions d'euros d'aides prévus dans le cadre du plan « hôpital 2007 », le locataire de la rue de Ségur désire lancer un programme massif d'investissements pour la psychiatrie sur six ans, de 2005 à 2010 : 750 millions d'euros d'aides seront dégagés afin de générer plus de 1,5 milliard d'euros d'investissements supplémentaires, promet le ministre.
Concernant la prise en charge des enfants et des adolescents, et pour rattraper le retard constaté en pédopsychiatrie, Philippe Douste-Blazy souhaite créer des lits dans les dix départements qui en sont dépourvus. 11 millions d'euros y seraient consacrés et feraient l'objet d'une évaluation précise de leur utilisation.
Au chapitre des moyens humains, Philippe Douste-Blazy entend dégager d'ici à 2008 près de 140 millions d'euros afin de créer 2 500 postes médicaux et non-médicaux. Il préconise également l'amélioration de la formation des infirmiers et des infirmières à la psychiatrie.
Surtout, le ministre des Solidarités veut développer l'offre sociale et médico-sociale. Point également abordé par la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées à l'occasion d'une visite de terrain le 4 février. Il s'agit, dans ce cadre, de créer, entre 2005 et 2007, à partir d'une enveloppe de 86 millions d'euros, 1 900 places dans les services d'accompagnement à domicile (28 millions d'euros) (1). Selon Marie-Anne Montchamp, ces places devraient se répartir ainsi : 400 dédiées en 2005 aux personnes handicapées psychiques (6 millions d'euros) sur les places prévues dans le cadre du programme pluriannuel de création de places pour personnes handicapées (2) et 1 500 places supplémentaires en 2006 et 2007 par rapport à ce programme. La secrétaire d'Etat ambitionne également de mieux former les personnels d'accompagnement à la spécificité du handicap psychique afin de donner « aux services les moyens humains leur permettant de fonctionner dans les conditions optimales ». Le plan « métiers » prévu par la loi pour l'égalité des droits et des chances, pour la participation et la citoyenneté des personnes handicapées (voir ce numéro) devrait ainsi préciser les qualifications nécessaires, les formations adaptées et les possibilités d'acquisition des diplômes par la validation des acquis de l'expérience. Les crédits dégagés devraient également permettre de créer, pour la santé mentale, 1 000 places d'hébergement dans les établissements médico-sociaux (38 millions d'euros) : 400 dès 2005 et 600 nouvelles places en 2006 et 2007. La secrétaire d'Etat aux personnes handicapées étudie par ailleurs la possibilité de créer des foyers destinés aux personnes handicapées psychiques. Un groupe de travail sur le logement de ces publics doit également réfléchir aux solutions d'hébergement envisageables, par exemple dans « les appartements associatifs et les maisons-relais-pensions de famille ». Dernier pan de ce volet médico-social : l'instauration de 300 lieux d'entraide « permettant, en accueil de jour, de tisser ou de maintenir un lien social par l'intermédiaire de rencontres et d'activités culturelles, de loisirs ou sportives » (20 millions d'euros financés, dès 2005, par la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie).
Au-delà, le plan préconise de prendre en compte les besoins spécifiques des personnes handicapées psychiques lors de la mise en œuvre des nouvelles dispositions sur les centres d'aide par le travail prévues par la réforme de la loi sur le handicap (voir ce numéro). Il suggère d'améliorer la formation des professionnels, en particulier des travailleurs sociaux. L'idée d'intégrer dans leur cursus une formation orientée vers le fonctionnement psychique est ainsi évoquée. Des améliorations législatives sont également proposées, tel l'élargissement des compétences des commissions départementales des hospitalisations psychiatriques.
A ces grands axes, Philippe Douste-Blazy a accolé un programme spécifique concernant les détenus. A ce titre, le ministre a décidé d'engager, avec le ministère de la Justice, un programme de création de cinq unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA ) sur les 19 prévues à très long terme. Rappelons que le principe de leur existence a été posé par la loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice. L'objectif est ainsi de les rendre opérationnelles en 2008 et de couvrir 60 % de la population carcérale.
Un autre programme spécifique concerne l'amélioration de la prise en charge de la dépression et la lutte contre le suicide. Une campagne médiatique en direction du grand public devrait être menée pour expliquer aux Français la différence qui existe entre « la déprime » et la dépression. Pour lutter contre le suicide, une évaluation de la stratégie nationale d'actions face au suicide pour 2000-2005 (3) sera réalisée cette année en vue d'envisager sa poursuite ou les inflexions nécessaires. Dès à présent, un effort de repérage de la dépression chez les jeunes sera conduit dans les établissements scolaires.
(1) Ces services d'accompagnement - accompagnement à la vie sociale et accompagnement médico-social pour adultes handicapés - devraient prochainement avoir un support juridique avec la parution d'un décret.
(2) Voir ASH n° 2344 du 30-01-04.
(3) Voir ASH n° 2181 du 22-09-00.