« Donner un nouveau souffle » à l'agenda dit « de Lisbonne » , le programme de réforme économique de l'Union européenne engagé en 2000 (1). Tel est l'objectif de la nouvelle stratégie de croissance et d'emploi présentée le 2 février par le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, et qui, selon lui, pourrait induire « 3 % de croissance et six millions d'emplois à l'horizon 2010 ».
« La compétitivité de l'Union doit être renforcée et son économie doit être dynamisée », affirme ce programme d'actions à la tonalité fortement libérale, qui souffre de trois défauts majeurs : le déséquilibre entre l'économique et le social, la faiblesse des mesures concrètes et les divisions politiques qu'il engendre. Au Parlement européen, si cette communication a été saluée positivement par les conservateurs du Parti populaire européen (PPE), elle a été commentée avec davantage de nuances par les libéraux et démocrates (dont fait partie l'UDF) et vivement critiquée par l'ensemble de la gauche (PSE, Verts, communistes) (2). Même la notion de lutte contre l'exclusion et la pauvreté, objectif ambitieux de la première stratégie de Lisbonne, disparaît quasiment. Elle n'apparaît plus qu'au détour d'une fiche sur l'adaptation du marché du travail.
Trois axes d'action sont retenus. Il s'agit, en premier lieu, de faire de l'Europe une « zone plus attrayante pour l'investissement et le travail » en complétant le marché unique, en préservant la concurrence (les aides publiques devant être orientées vers les « secteurs à fort potentiel de croissance et les PME » ) et en allégeant les contraintes administratives. Deuxième orientation :favoriser « la connaissance et l'innovation » en accroissant l'effort en matière de recherche et développement. Enfin, il s'agit de « créer des emplois plus nombreux et de meilleure qualité ». La Commission souhaite particulièrement réduire le chômage des jeunes en développant une « Initiative européenne en faveur de la jeunesse », encourager la modernisation des systèmes de protection sociale et améliorer la « capacité d'adaptation des travailleurs et la flexibilité des marchés du travail ». Selon la Commission , les obstacles à la mobilité sur le marché du travail européen doivent être levés, par exemple par la reconnaissance des qualifications et la portabilité de pensions (possibilité de transférer dans un autre pays ses droits à la retraite). En outre, le Fonds social européen (FSE) doit être réformé pour investir dans la formation, l'organisation moderne du travail et la réforme des administrations publiques (de l'emploi).
Pour la mise en œuvre de ces axes d'actions - peu détaillés -, la Commission se repose surtout sur les Etats membres à qui elle adresse certaines recommandations. Pour Bruxelles, il faut ainsi réduire les charges sur les bas salaires, revoir le code du travail, faciliter l'accès des femmes à l'emploi, notamment en augmentant les possibilités de prise en charge des enfants, des parents dépendants ou des personnes handicapées. Il s'agit aussi de limiter les possibilités de retraite anticipée, de diminuer le chômage des jeunes et d'encourager l'apprentissage, et de réduire le travail au noir en permettant une meilleure intégration des travailleurs migrants. Enfin, la Commission suggère de nommer dans chaque Etat membre un « M./Mme Lisbonne » qui serait chargé du suivi de cet « agenda ».
(1) Voir ASH n° 2160 du 31-03-00
(2) Voir également les réactions de la Plate-forme des organisations non gouvernementales sociales, ce numéro, p 36.