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Un nouveau métier en quête d'identité ?

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La généralisation des postes de travailleurs sociaux en commissariat, inscrite dans les projets du gouvernement, est vue par beaucoup comme un risque de dévoiement professionnel. D'aucuns, au contraire, la considèrent comme une possibilité de partenariat au profit des usagers. Et si c'était plus simplement une nouvelle forme d'intervention sociale, proche de la médiation, dont les règles restent à clarifier ?

Le chef de l'Etat l'a officiellement annoncé le 8 novembre : la présence de travailleurs sociaux dans les commissariats - seulement une vingtaine dans toute la France -devrait être généralisée dans le cadre d'une « politique ambitieuse de prévention ». Le projet, même s'il n'a pas encore été détaillé, est en train de prendre corps. L'Associa-tion des travailleurs sociaux en commissariat et en brigade (ATSCB) (1), constituée en juin 2003 avec le soutien de la délégation interministérielle à la ville (DIV), a été consultée par la Place Beauvau lors de la préparation du projet de loi pour la prévention de la délinquance et de la violence, annoncé pour le premier semestre 2005. « Dans le rapport que nous remettrons prochainement au ministre, nous ferons la proposition de généraliser cette expérience », a précisé le 31 janvier, au cours de l'assemblée générale de l'ATSCB, la sénatrice (Paris, UMP) Marie-Thérèse Hermange, chargée par Dominique de Villepin d'une mission sur la sécurité des mineurs. « Et j'aurai à cœur de la défendre lorsque le projet de loi passera devant le Parlement », a-t-elle ajouté . Selon le ministère de l'Intérieur, un rapport de l'inspection générale de l'administration dresse un bilan élogieux de cette pratique, qui vient d'ailleurs de faire des émules dans deux des quartiers désignés comme pilotes pour la préparation du projet de loi, à Rilleux-la-Pape (Rhône) et à Tourcoing (Nord).

Parallèlement, l'association, présidée par Luc Rudolph - ancien directeur départemental de la sécurité publique et à l'origine du dispositif- planche depuis plus d'un an avec la DIV sur un « cadre de référence » destiné à graver dans le marbre les missions, les règles déontologiques et les conditions d'exercice des travailleurs sociaux en commissariat. « Il est nécessaire de fixer des critères communs à nos postes pour éviter que certaines choses nous échappent et que nous assistions à des dérives sur le terrain, souligne Paule Nicolas, secrétaire de l'association, anciennement en poste au commissariat des Mureaux. Nous voulons fixer une ligne de conduite nationale, tout en permettant assez de souplesse pour qu'elle puisse être déclinée localement. » Ce, en s'inspirant des « bonnes pratiques » développées au sein des expériences nées il y a 15 ans d'initiatives locales et associant le plus souvent la politique de la ville, le conseil général et la commune ou la communauté de communes. La rédaction de cette « charte » est sur le point d'aboutir, le ministère de l'Intérieur ayant souhaité y apporter la dernière main. Les ministères de la Justice, le ministère délégué au logement et à la ville, ainsi que, plus discrètement, l'Association des maires de France, l'Assemblée des départements de France et la direction générale de l'action sociale (DGAS) sont associés au projet.

Evaluer les besoins sociaux

Partant du constat que « 60 % des interventions de police sont liées à des demandes sociales » (violences conjugales, actes de primo-délinquance, problèmes liés à l'alcoolisme...), les travailleurs sociaux en commissariat se fixent pour objectif de repérer les difficultés pour faciliter l'orientation des victimes et des personnes mises en cause vers une réponse sociale qui, autrement, n'aurait pas été sollicitée. Ils « s'auto-saisissent » généralement à partir des mains courantes, reçoivent les usagers orientés par les services de police ou venus de leur propre chef. Leur fonction, selon l'ATSCB, consiste à évaluer la nature des besoins des publics, à trouver des solutions de première urgence et à passer le relais aux autres acteurs du réseau social. Le fait de disposer d'un bureau isolé garantit, d'après elle, la confidentialité des échanges et leur indépendance. Même si, dans les faits, les travailleurs sociaux en commissariat, toujours salariés par leur collectivité territoriale d'origine, sont fonctionnellement rattachés à la police. « Le cadre de référence vise à définir la complémentarité des fonctions tout en laissant chacun à sa place, explique le président de l'ATSCB. L'intérêt de la démarche est de traiter les problèmes sociaux dès qu'ils sont révélés et de ne pas les laisser au fond d'un tiroir. Elle permet d'actionner la réponse sociale en temps réel, sans attendre des mois après les faits, quand il est trop tard. »

Cette position est pourtant très loin d'être consensuelle. Aussi louables soient les intentions, les travailleurs sociaux peuvent-ils s'installer au sein de l'institution policière sans dénaturer le sens de leur mission ? Ne se situent-ils pas de fait dans le prolongement de l'action policière ? Et ne renforcent-ils pas les amalgames entre prévention sociale et prévention de la délinquance ? Le Collectif national unitaire contre le projet de loi pour la prévention de la délinquance a déjà dénoncé l'existence - et a fortiori le développement - de ces postes. Jacques Ladsous, membre du Conseil supérieur du travail social (CSTS), est également convaincu que le principe est contraire à l'éthique professionnelle. « Il y a de grands risques de confusion entre la mission et le lieu d'exercice, souligne-t-il . L'usager doit se tourner vers un travailleur social non pas dans un but de plainte, de réparation, de justice, mais pour reconstruire sa personne. Si un travailleur social est sollicité par un commissariat pour rencontrer un usager, il est important qu'il puisse agir en ayant le choix du lieu et du moment de le faire... » Un risque de confusion d'ailleurs entretenu par l'ATSCB, qui a nommé à sa présidence... un ancien représentant du ministère de l'Intérieur.

Conscients de cette ambiguïté, certains départements qui ont choisi de déléguer un assistant social en commissariat ont tenu à poser clairement les conditions de leur participation. C'est le cas du conseil général de Loire-Atlantique, qui met depuis 2000 une assistante sociale à la disposition de l'hôtel de police de Nantes, dans le dispositif du contrat de ville. Une convention si-gnée avec la direction dé-partementale de la sécurité publique définit les principes professionnels auxquels elle est assujettie. Son rôle -accueil, écoute et orientation des victimes - est essentiellement tourné « vers l'aide à la personne ou à sa famille en toute indépendance par rapport aux demandes d'enquêtes judiciaires ou de tout acte de police ». Mêmes précautions à Limoges, où le premier poste a été créé en 1991, dans le cadre du conseil communal de prévention de la délinquance. Il est désormais financé uniquement par le conseil général. « Ce qui est rare, mais c'est pourtant le fonctionnement idéal puisque je dépends exclusivement d'une hiérarchie territoriale, défend France Maurelet-Debord, mise à disposition par le département. Car si un poste de travail social en commissariat présente de l'intérêt, c'est seulement à la condition que la déontologie soit respectée. Même quand un policier pose une main courante sur mon bureau, en m'informant d'un cas difficile, il ne me demande jamais aucun retour d'information. » L'assistante sociale n'a par ailleurs pas souhaité rejoindre l'Association des travailleurs sociaux en commissariat, qu'elle juge trop dépendante du ministère de l'Intérieur.

Qu'ils soient ou non sous la tutelle d'un conseil général, tous les travailleurs sociaux en commissariat affirment ne jamais violer les principes fondamentaux de leur métier. « C'est nous qui avons besoin d'informations sur les usagers, pas les policiers », martèlent-ils à l'envi. Ce qui ne rassure pas pour autant les ardents défenseurs de la déontologie professionnelle. Multiplier les postes ne reviendrait-il pas à démultiplier les risques de dérive, tant les expériences actuelles tiennent aux situations locales et à la personnalité même des intervenants ?Et l'instauration d'un cadre de référence suffira-t-il à contrer les dérapages ? On le voit, tous n'ont pas la même conception du partage d'informations. Entre positionnement éthique, juridique et déontologique, les marges de manœuvre varient...

A Mantes-la-Jolie par exemple, Colette Lefebvre - dont le poste est mis à disposition par la mairie - revendique une totale indépendance par rapport à l'institution policière et même au conseil général. Quitte à se positionner en électron libre. « La hiérarchie au sein des services sociaux peut être un blocage car il y a trop d'intervenants pour faciliter la rapidité d'un signalement, explique-t-elle. Une procédure de signalement peut mettre 15 jours, alors qu'il me suffit de décrocher mon téléphone pour appeler le procureur. » Mais, dans le même temps, elle s'oppose à la notion de confidentialité défendue par l'Association des travailleurs sociaux en commissariat et en brigade, à laquelle elle a refusé d'adhérer. Pour elle, le secret professionnel doit être partagé entre les différents partenaires, au profit des usagers. « Il m'est déjà arrivé de demander à la police de déloger un mari violent, faute d'avoir pu trouver un foyer d'accueil pour la femme victime et ses enfants », témoigne-t-elle. Très souvent, elle représente une première écoute qui conduit à l'accompagnement social, mais aussi au dépôt d'une plainte.

A l'inverse, Valérie Lelong, vice-présidente de l'ATSCB et éducatrice spécialisée de formation, soutient que seule, comme devrait l'indiquer le cadre de référence, la mise en danger peut justifier une transmission d'information à la justice. Au commissariat de Maubeuge, son poste - financé à 50 % par la politique de la ville et à 50 % par la communauté de communes -a pour mission de s'attaquer à la primo-délinquance en saisissant l'occasion d'un premier passage du mineur dans les services de police pour préparer une mesure éducative avec la famille. « Si un mineur me dit être en danger parce qu'il participe à un trafic de drogues et subit des pressions, il m'appartient d'en référer au procureur qui décidera des suites à donner, illustre-t-elle. Ma position est alors celle de n'importe quel travailleur social en possession de données relevant de la protection de l'enfance. » Pourtant, même ce principe de droit divise, certains professionnels estimant que, au gré des concessions, les frontières peuvent devenir trop ténues entre le travailleur social, la justice et la police. « Il faut être vigilant sur la notion de danger, pointe ainsi France Maurelet-Debord. Le rôle de la police est de conduire des investigations : à elle de prouver qu'un enfant participe ou non à un réseau de trafiquants. En revanche, s'il est hors de chez lui toutes les nuits, il me revient effectivement de le signaler, car il est en danger du fait de la vie qu'il mène. »

C'est la formation de l'intervenant à une profession strictement encadrée par des règles de déontologie, estime l'assistante sociale, qui permettra d'éviter d'écorner les principes fondamentaux. Ce qui n'est pas toujours le cas, des personnels administratifs étant parfois embauchés sur des postes de travailleurs sociaux. Des écarts que l'ATSCB reconnaît, et souhaite limiter. « Il est important que des professionnels soient recrutés, car on ne s'improvise pas travailleur social », a rappelé Luc Rudolph lors de l'assemblée générale de l'association. Quant à l'Association nationale des assistants de service social (ANAS), elle partage le même avis. Effectuer une mission d'accueil et d'évaluation au sein du commissariat, pourquoi pas ?, estime Didier Dubasque, son président, mais à certaines conditions seulement : que le professionnel soit issu d'une formation en travail social, soit soumis à un encadrement externe et bénéficie d'une expérience qui lui permette de s'appuyer sur une véritable méthodologie d'intervention. « Notre rôle est d'écouter la demande des usagers, de la reformuler avec eux, de faire avec eux mais pas sans eux, insiste-t-il. Nous n'avons pas par exemple à juger de la pertinence de la plainte d'un usager, mais nous devons l'informer pour l'aider à éclairer son choix. » Autre condition posée par le président de l'ANAS : que l'intervention sociale ne soit pas effectuée en même temps que celle des équipes de police. « Nous ne sommes pas des pompiers, argumente-t-il. Si le soutien d'urgence permet à une victime d'évaluer ses choix, cela ne peut pas être l'unique réponse. »

Violence conjugale, détresse psychiatrique, morts violentes, enfants en danger... C'est pourtant le lot quotidien d'Odile Didion, à Dijon, conseillère socio-éducative détachée du centre communal d'action sociale (son poste est financé à 50 % par le département) dans le cadre du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance. Jour et nuit, elle est sollicitée pour apaiser les drames familiaux. Elle-même n'hésite pas à se définir comme un « travailleur social de l'urgence ». « Les clashs familiaux ne se produisent pas qu'entre 9 heures et 18 heures, explique-t-elle. Dans un tiers des cas, j'interviens en même temps que la brigade des mineurs. Alors que le policier part immédiatement sur l'enquête, je commence à travailler sur le devenir de l'enfant. » Le conseil général de la Côte-d'Or, également convaincu, a ouvert en septembre le premier poste de travailleur social en gendarmerie, dans le cadre de son schéma départemental de l'enfance et de la famille. Renaud Houdayer, directeur du centre d'action éducative de Dijon, confirme que le poste d'Odile Didion constitue un pont entre les services de police et les services éducatifs de la protection judiciaire de la jeunesse : « Elle peut, lors de situations civiles d'urgence, des cas de fugues par exemple, nous contacter pour savoir si le mineur est déjà suivi, s'il faut envisager une autre mesure... Dans les situations pénales, la police et les services éducatifs ont souvent besoin de communiquer, tout en conservant une relative discrétion. Nous sommes constamment obligés de travailler dans cette complexité, et passer par une zone de langage commun facilite les choses. » Même si, ajoute-t-il, « il ne faut pas se tromper, on agit toujours de là où l'on se trouve ».

Seulement 50 % des personnes étaient déjà suivies

Compte tenu de leur proximité avec la police, les travailleurs sociaux en commissariat font-ils finalement du travail social stricto sensu ? Eux ne sont pas à court d'arguments pour démontrer qu'ils en sont le chaînon manquant. Isabelle Paineau, qui a occupé pendant quatre ans le poste de travailleur social à l'hôtel de police de Nantes, rapporte que seulement 50 % des personnes qu'elle a accueillies étaient déjà suivies par un service social. « Dans le cas de violences conjugales par exemple, elles viennent de milieux différents et ne fréquentent pas toujours les centres médico-sociaux, explique-t-elle . Paradoxalement, le commissariat est souvent perçu comme un lieu neutre. » Guider les victimes dans leurs choix -quitter le domicile conjugal, modifier le droit de garde des enfants ou éventuellement déposer plainte -constitue, précise-t-elle, une démarche préventive qui peut éviter « la chronicité des événements ». Même avis de la part du conseil général de Loire-Atlantique. « Nous savons que le partenariat est positif, assure Marie-Jeanne Mathé-Piveteau, responsable de la cellule d'appui à la direction générale adjointe de la solidarité. Il permet, en particulier pour les violences conjugales, de nous éveiller à des problématiques habituellement un peu diffuses dans les centres médico-sociaux et de faire le lien avec nos services sociaux. »

A Maubeuge, Valérie Lelong explique aussi que son action est la première étape d'une action éducative. « Les mesures d'assistance éducative arrivent souvent trop tard, commente la vice-présidente de l'ATSCB. Partir d'événements moins importants pour des enfants âgées de 11 à 14 ans - un vol à l'étalage, des dégradations - permet de mobiliser plus tôt et plus facilement un réseau classique d'intervention : rapprocher un jeune d'un éducateur de rue qui l'orientera vers une association sportive, par exemple. » Et son action ne s'arrête pas là : à côté d'instructions souvent douloureuses pour les enfants victimes de violences, l'éducatrice spécialisée facilite l'apaisement et le passage du relais entre les différents services. « En liaison directe avec le service social de l'hôpital ou de l'aide sociale à l'enfance, nous organisons la prise en charge de la victime dans les meilleures conditions possibles », ajoute-t-elle.

On le voit, les travailleurs sociaux en commissariat présentent l'indéniable intérêt de décloisonner les secteurs pour traiter des situations de crise. Mais impossible, pourtant, d'assimiler leur cadre d'intervention aux autres métiers du travail social, ne serait-ce que parce qu'ils ne peuvent nier leur rattachement fonctionnel à la police. Et de là vient sans doute le malaise suscité par leur existence et leur difficulté à se faire accepter dans le paysage social. Ne vaudrait-il pas mieux parler de nouveau mode d'intervention qui s'apparente davantage à de la médiation ? Même si les professionnels - les assistantes sociales de formation notamment -affirment transposer leur méthodologie d'intervention dans le commissariat, l'ATSCB est d'accord sur ce point : « Il est fondamental de parler de nouveau métier. » Et l'intérêt de ce dernier reste subordonné à la qualité de la politique sociale dans lequel il s'inscrit. « L'idée d'une prévention dans ce cadre est positive s'il y a des services derrière pour prendre le relais, une démarche construite. Ce qui n'est pas toujours le cas », relève Didier Dubasque. Au conseil général de Loire-Atlantique, Pascale Charlot, chargée du développement professionnel à la direction générale adjointe de la solidarité, estime de la même manière que ce type d'intervention reste de la médiation : « Pour que l'intervention sociale en commissariat soit efficace, il faut des institutions qui s'engagent. »

Reste pour les travail-leurs sociaux en commissariat à parvenir à définir clairement, et sans ambiguïté, leur identité professionnelle. Et pour cela, l'initiative ne peut en revenir au seul ministère de l'Intérieur. Il est urgent que le ministère en charge des affaires sociales s'investisse également. « Les succès actuels tiennent à la qualité des professionnels en poste, juge Sylvie Moreau, qui a représenté la DGAS aux dernières réunions du groupe de travail de la DIV, avant de devenir adjointe du directeur de la population et des migrations. S'ils devaient se généraliser, il y aurait de nouveaux fondamentaux à inventer, à l'exemple de ce qui a été fait pour la prévention spécialisée. Car il peut y avoir différents métiers dans le travail social, qui peuvent rabattre sur certaines marges, mais pas déroger aux fondamentaux qui sont eux toujours les mêmes. Dans la perspective d'une généralisation, il serait utile que le CSTS soit consulté. » Les membres du bureau de cette instance ont d'eux-mêmes prévu d'aborder la question, en mars prochain. « La façon dont cette action se démarque de celle de la police, mais aussi dont les usagers la repèrent et l'identifient, sont des questions qui méritent d'être posées, insiste Christian Chassériaud, membre du bureau du CSTS. Il est également important de se projeter dans le temps : à côté de la bonne volonté et des valeurs que veulent véhiculer les pionniers, le risque n'est-il pas que cette démarche soit instrumentalisée dans le cadre d'une idéologie sécuritaire ? » On ne peut en effet oublier qu'en commissariat, la demande sociale est traitée à partir d'une intervention de police dans un contexte marqué par des préoccupations liées à la sécurité.

Maryannick Le Bris

LA NAISSANCE DES PREMIERS POSTES

L'initiative de Luc Rudolph - alors directeur départemental de la sécurité publique - est née en 1987 de ce constat : « plus de la moitié des interventions de police n'ont pas de caractère pénal mais révèlent des problèmes sociaux qui ne sont pas traités ». Après un démarrage difficile à Chartres (Eure-et-Loir), en 1989, en raison de l'hostilité des travailleurs sociaux, un premier poste de travailleur social permanent en commissariat est créé à Limoges (Haute-Vienne), suivi de deux autres à Maubeuge (Nord) et à Mantes-la-Jolie (Yvelines). Après la publication du rapport Lienemann sur l'aide aux victimes en mars 1999, le Conseil de sécurité intérieure décide un mois plus tard de généraliser ces expériences. Une circulaire du ministère de l'Intérieur du 17 octobre 2000 préconise de les pérenniser et de les financer sur des crédits de la politique de la ville et des collectivités locales.

COMMENT PÉRENNISER LES FINANCEMENTS ?

Les partenaires impliqués dans le groupe de travail qui réfléchit au sein de la délégation interministérielle à la ville (DIV) sur le cadre de référence de cette intervention sociale planchent également sur les moyens de dégager des financements pérennes pour les postes actuels et à venir. Pour l'heure, les postes reposent sur des cofinancements entre la politique de la ville et les communes ou les communautés de communes, ou encore les départements. Ce qui rend les postes particulièrement précaires. « L'idéal serait de mobiliser des crédits de droit commun, de solliciter davantage les collectivités locales et d'autres aides de l'Etat », explique Eric Lenoir, chargé du dossier à la DIV. Le ministère de l'Intérieur envisage dans cet objectif d'établir une convention-cadre entre les institutions concernées. L'idée de lancer des appels à projets sur trois ans, prioritairement sur les quartiers pilotes pour le plan d'actions contre la délinquance, est également à l'étude. Reste que beaucoup de départements voient mal comment ils pourraient mettre du personnel à disposition - comme certains le font - alors qu'ils sont confrontés à une pénurie de personnel qualifié. Et qu'ils sont déjà fortement mobilisés par la phase II de la décentralisation.

NICOLE CHAMBRON : « UNE NOUVELLE FAÇON DE PENSER LA PRÉVENTION »

« Pourquoi une idée aussi saugrenue a-t-elle émergé avec tant de persévérance ? » C'est la question que Nicole Chambron, sociologue, directrice du Centre européen de recherche et de formation, notamment auteure, en 1997, d'une étude pour l'Institut des hautes études de la sécurité intérieure et la délégation interministérielle à la ville sur les relations entre la police et les travailleurs sociaux, s'est attachée à traiter devant l'assemblée générale de l'Association des travailleurs sociaux en commissariat et en brigade, le 31 janvier dernier. « Les conditions de naissance du travail social en commissariat correspondent à une tendance de fond », estime-t-elle, à un moment où « la conception de la sécurité passe de l'ordre public à la sécurité intérieure et où la sécurité locale territoriale se développe ». Autre élément de ce contexte : l'essor de la politique de la ville dont les « points clés » sont la territorialité et le partenariat, « avec l'idée maintenant admise qu'aucun problème social ne peut être réglé par une seule institution ». Dans le même temps, l'aide aux victimes est pleinement reconnue. « Tout concorde pour que cette fonction passe d'un statut expérimental à un statut de service public dans le cadre d'une politique de sécurité intérieure territorialisée », affirme la sociologue. Et toute sa valeur ajoutée, selon elle, est de se situer au milieu de la « relation faits-auteurs-victimes », au centre « de ce cercle imparfait de tous les acteurs présents sur un territoire ». Nicole Chambron en est convaincue, « le travail social en commissariat et en brigade a un rôle à jouer dans cette nouvelle façon de penser la prévention de la délinquance ». Il est, selon elle, devenu « un des modes de production du partenariat », une « réponse intéressante et incontournable qui doit être complétée par d'autres ».

Notes

(1)  ATSCB : 11, rue de Strasbourg - 59300 Valenciennes - Contact : Valérie Lelong - Tél. 06 76 72 92 53.

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