Recevoir la newsletter

La CJCE refuse à la famille d'un détenu incarcéré dans un autre Etat le bénéfice d'une avance de pension alimentaire

Article réservé aux abonnés

Le 20 janvier, la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) a décidé que l'avance sur pension alimentaire, attribuée par un Etat pour l'enfant dont le père est incarcéré n'avait plus à être versée si ce dernier était transféré dans un autre Etat membre pour finir de purger sa peine. Une décision intéressante dans la mesure où les affaires concernant les conséquences de la détention sur une famille sont rarement portées devant les tribunaux européens. A noter : en France, c'est l'allocation de soutien familial qui peut être attribuée à titre d'avance sur une pension alimentaire impayée.

En l'espèce, un ressortissant allemand résidait habituellement en Autriche où il était travailleur salarié. En 2000, il a été condamné à une peine de prison qu'il a commencé à purger en Autriche. La garde de son fils a été confiée à sa mère, qui a obtenu, comme le permet la loi autrichienne, le versement mensuel par l'Etat d'une avance sur pension alimentaire. Mais le paiement de cette prestation a été interrompu quand l'intéressé a été transféré dans une prison allemande, la condition de domiciliation n'étant alors plus remplie selon les autorités autrichiennes.

Avant de se prononcer sur la légalité de cette mesure, la CJCE rappelle quelques principes du droit communautaire en matière de sécurité sociale : d'une part, les avances sur pension alimentaire « constituent des prestations familiales au sens du règlement n° 1408/71 » et, d'autre part, cette réglementation s'applique aux travailleurs salariés ou non salariés qui sont ou ont été soumis à la législation d'un ou de plusieurs Etats membres. Ces deux conditions sont remplies en l'espèce. En effet, selon la jurisprudence communautaire (1), une personne a la qualité de travailleur « dès lors qu'elle est assurée, ne serait-ce que contre un seul risque, au titre d'une assurance obligatoire ou facultative auprès d'un régime général ou particulier de sécurité sociale [...], et ce indépendamment de l'existence d'une relation de travail ». Un prisonnier travaillant en détention et soumis, de ce fait, à cotisation sociale est donc, selon la Cour, un « travailleur » au sens de la réglementation européenne sur la sécurité sociale.

Mais la cour précise ensuite que les prestations familiales sont dues par l'Etat d'emploi quand la personne est salariée, et par l'Etat de résidence quand elle a cessé toute activité et n'est pas rattachable à un autre cas. En l'espèce, le père détenu ayant cessé d'exercer toute activité professionnelle en Autriche et n'y résidant plus, l'octroi de prestations familiales relève donc de la législation allemande, pays où le « travailleur » réside et purge sa peine. Son enfant n'a donc plus droit à l'avance sur pension alimentaire autrichienne, selon les juges. La Cour légitime ainsi expressément le droit pour un Etat d'imposer une condition d'incarcération sur son sol pour l'octroi de l'avance de pension alimentaire aux membres de la famille. Car, se justifie-t-elle, si certaines dispositions du règlement européen visent à éliminer les discriminations selon la nationalité, elles ne sauraient avoir « pour effet d'interdire les disparités de traitement qui découlent de la disparité des législations nationales relatives aux prestations familiales ».

Une solution qui peut paraître choquante sur le plan de l'équité et qui est étonnante dans la mesure où elle s'inscrit à rebours de l'évolution jurisprudentielle en la matière. La cour n'a d'ailleurs pas suivi les conclusions de l'avocat général qui, soutenu par le service juridique de la Commission européenne, considérait que le refus de l'Etat autrichien d'accorder l'avance de pension alimentaire n'était pas conforme au droit communautaire.

(CJCE, Nils Laurin Effing, 20 janvier 2005, aff. C-302/02)
Notes

(1)  Arrêt Martinez Sala, 12 mai 1998, aff. C-85/96

LE SOCIAL EN TEXTES

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur