Aujourd'hui, les activités de service représentent près des deux tiers des emplois de l'Union européenne à 25 et autant du PIB européen. Or les échanges « transfrontières » de services ne participent que pour 20 % aux échanges dans le marché intérieur en raison des freins à leur libre circulation. Ce texte vise à lever ces obstacles et à garantir des services de qualité. Nous l'approuvons donc sur le principe, dès lors qu'il contribue à un progrès partagé. Encore faut-il que sa rédaction soit précisée afin qu'il s'articule davantage avec les textes communautaires existants et que son champ d'application soit clarifié.
Les services de santé ne peuvent pas être comparés à ceux fournis par un prestataire à un consommateur pour lesquels les prix sont fixés selon la loi de l'offre et de la demande. Ce ne sont pas des services marchands comme les autres et il nous semble pertinent de les exclure définitivement.
Nous nous sommes ralliés à la position défendue par Jean-Michel Bloch-Lainé, président de l'Uniopss, qui demande cette intégration. La jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes tend à considérer que la plupart des activités humaines revêtent une dimension économique et doivent être soumises aux règles de la concurrence. Elle estime que seules les missions régaliennes de l'Etat relèvent de la sphère non économique. Si l'on n'y prend pas garde, le secteur sanitaire et social non lucratif risque de basculer dans l'économique ou de se voir cantonné dans le secteur caritatif. Le seul moyen de le protéger, c'est de l'inclure dans le champ de la directive. Demander son exclusion serait dangereux. De plus, nous ne serions pas suivis par les autres Etats membres, notamment par ceux du nord de l'Europe qui ont une organisation sanitaire et sociale différente avec des services marchands.
C'est là la subtilité du raisonnement. Nous disons que les services associatifs sanitaires et sociaux doivent rester dans la directive, à condition qu'on les identifie comme des services d'intérêt général. Nous proposons que cette dimension leur soit reconnue en fonction d'un faisceau d'indices : universalité, égalité d'accès, contrôle démocratique de l'activité... Si cette méthode, déjà utilisée en France, était adoptée au niveau européen, on serait assuré de l'effectivité des autorisations préalables et du contrôle de l'Etat d'accueil lorsque des personnes viendraient développer des services sanitaires ou sociaux sur son sol.
Nous avons demandé à être associés à la réflexion. Il faut parvenir à définir ces services en fonction de leur intérêt général et pas en fonction de leur caractère économique ou non.
J'ai reçu une très bonne écoute de la députée (UDF) Anne-Marie Comparini, qui doit présenter, le 2 février, à l'Assemblée nationale, lors d'une séance de la délégation pour l'Union européenne, son rapport d'information sur la proposition de directive sur les services dans le marché intérieur. Je viens également de rencontrer Christian Jacob, ministre des Petites et moyennes entreprises, du Commerce et de l'Artisanat. Il paraît décidé à défendre notre modèle social français au niveau européen et semble en phase avec notre approche.
Propos recueillis par Isabelle Sarazin
(1) « Proposition de directive du Parlement européen et du conseil relative aux services dans le marché intérieur » - Adopté avec 182 voix pour, 18 contre et une abstention -
(2) Sur les inquiétudes du secteur social face à la réalisation du marché intérieur de l'Union européenne, voir ASH n° 2385 du 10-12-04.