L'absence d'anticipation risque d'entraîner une « souffrance sociale massive », prévient le Dr Jean-Marie Vetel, président du Syndicat national de gérontologie clinique. Dénonçant de nouveau, dans un manifeste clair et argumenté (1), les dysfonctionnements actuels de la prise en charge des personnes âgées et s'inquiétant que l'impact du doublement de la population des plus de 80 ans entre 2004 et 2020 soit mal mesuré, le syndicat préconise 33 mesures d'urgence « pour faire face ».
Rappelant que « les personnes âgées dans leur ensemble se portent bien, de mieux en mieux », et que la plupart aspirent à vieillir à domicile et à y terminer leurs jours, les gériatres dénoncent d'abord l'insuffisance quantitative et qualitative du soutien à domicile. Pour eux, le médecin généraliste devrait être formé et rémunéré comme coordonnateur d'une « équipe soignante et sociale compétente et en effectif suffisant pour assurer la continuité des interventions ». Ce qui suppose la création de 70 000 places en services de soins à domicile (au lieu des 20 000 prévues d'ici à 2008) et la professionnalisation des services d'aide dont les agents, sélectionnés « sur leur empathie pour les personnes âgées », devraient se voir ensuite garantir l'accès à la qualification. Le syndicat demande aussi la création de 5 000 places d'hébergement temporaire et de 10 000 places de jour dans les maisons de retraite de proximité afin de permettre aux familles aidantes de souffler.
Les établissements d'hébergement accueillant des personnes de plus en plus âgées et invalides, le syndicat confirme que le nombre moyen de personnels soignants y est « très, très, très insuffisant ». Il voudrait le voir passer de 0,21 à 0,50 intervenant par lit. Ajouté à la création de 50 000 places dans les établissements médicalisés (dont bon nombre agréés pour l'aide sociale), cela impliquerait la création de 250 000 emplois. Mais c'est « le prix à payer » pour accueillir tous ceux qui doivent l'être et pour éviter les allers et retours avec l'hôpital, « sources de confusion aiguë, d'états régressifs et d'aggravation des pertes fonctionnelles ». Avec du personnel formé, un vrai médecin gériatre coordonnateur disposant du temps nécessaire pour ses missions et une convention passée avec un service de gériatrie hospitalier pouvant servir de référent, les maisons de retraite pourraient accompagner la fin de vie et assurer « des soins palliatifs dignes de ce nom », estiment les gériatres. Une unité au moins des maisons médicalisées devrait également être adaptée à la prise en charge de la maladie d'Alzheimer et des troubles apparentés dont souffrent de 50 à 60 % des résidents.
Reste, pour les mêmes raisons d'évolution de leur public, à transformer les foyers-logements en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Et à former et agréer les familles d'accueil selon des critères nationaux opposables.
Les insuffisances de la prise en charge en amont expliquent « l'anarchie » qui préside à l'envoi des personnes âgées aux urgences hospitalières où, malgré les moyens « déversés », la situation « ne pourra que s'aggraver ». La difficulté à créer des lits de court séjour gériatriques, l'utilisation des soins de suite comme « service de dégagement » ou comme « salle d'attente », le recours abusif aux hébergements en soins de longue durée ajoutent à un fonctionnement hospitalier « ruineux » qui occasionne des « maltraitances et malpratiques qui ne sont ni reconnues ni dénoncées ». Le syndicat formule donc une série de propositions pour organiser une « autre porte d'entrée à l'hôpital » et une véritable filière gériatrique, avec ses rythmes et sa tarification propres .
Autant de mesures qui supposent un énorme effort de formation et le développement de la recherche, avec la création effective de l'institut du vieillissement maintes fois annoncé. Cela coûtera cher ? Il n'est pas indécent de consacrer quelques-uns des gains de productivité à la qualité de vie d'une part croissante de la population, estime le syndicat. Sachant qu'il s'agit simplement de mettre les soins dispensés aux personnes âgées « au même niveau d'efficacité et de compétence » que ceux offerts aux malades moins âgés.
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