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Des maisons pour bien vieillir au pays

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Depuis une vingtaine d'années, les MARPA permettent aux personnes âgées les plus modestes de continuer à vivre au pays et dans un cadre très proche de la vie à domicile. Mais cette formule, qui privilégie l'accompagnement personnalisé et le maintien de l'autonomie, est confrontée à l'avancée en âge des résidents.

« Ici, ce que j'aime, c'est la liberté, on est comme dans n'importe quelle location », lâche Marie-Thérèse, avant d'aller s'occuper de la petite bibliothèque de prêt qu'elle a dressée dans la salle à manger. Il y a cinq ans, cette ancienne institutrice, alors âgée de 83 ans, et dont le mari était atteint de la maladie de Parkinson, a poussé la porte de la maison d'accueil rural pour personnes âgées (MARPA) de Couture d'Argenson (1), à une soixantaine de kilomètres de Niort. Peu préparée pourtant à quitter aussi brutalement sa maison où elle avait vécu 40 ans, elle a été séduite par le fonctionnement de ces petites unités de vie, créées au milieu des années 80 sous l'impulsion de la Mutualité sociale agricole (MSA).

A l'époque, explique Hervé Marcillat, coordonnateur du réseau à la MSA (2), il s'agit de proposer une solution d'accueil adaptée aux personnes âgées vivant en milieu rural : « Il fallait imaginer un logement social et une forme d'accompagnement accessibles à des personnes âgées qui ont le plus souvent le minimum vieillesse et l'aide personnalisée au logement et ne peuvent pas accéder à des maisons de retraite classiques. » Présentées comme une alternative à l'hébergement assisté, les MARPA cherchent à accompagner les trajectoires de vie de chacun des résidents à travers un cadre et un fonctionnement proches de la vie à domicile. Comme la vingtaine d'autres résidents de la maison d'accueil de Couture d'Ar-genson, Marie-Thérèse a la possibilité de participer à l'élaboration des menus ou à certains petits travaux de cuisine, de choisir de se faire à manger dans son petit appartement, ou encore de laver elle-même son linge plutôt que de le confier à l'équipe de la structure. Les signes de cette autonomie sont partout, comme ces boîtes aux lettres individuelles qui permettent à chacun d'aller chercher son courrier tous les matins ou ce jeu de clés personnel. Une liberté rendue possible par le nombre restreint de résidents accueillis et par la présence d'une équipe de six à huit agents placés sous la houlette d'un responsable de maison. « La polyvalence est une spécialité en soi et la qualité des relations avec les résidents tient à cet accompagnement global et personnalisé. La personne âgée va demander à un membre de l'équipe de l'aider à mettre ses chaussettes le matin, le revoir par exemple à la cuisine pour le petit déjeuner, au moment de la sieste ou encore lors des animations de l'après-midi », explique Hervé Marcillat. Pour les responsables des MARPA, cette proximité de tous les instants constitue le meilleur moyen de respecter les habitudes et les modes de vie des uns et des autres et d'éviter autant que possible la standardisation des services.

Cette attention particulière aux besoins et aux désirs des résidents, permet à l'équipe de repérer leurs capacités afin de maintenir le plus longtemps possible leur autonomie. Agent polyvalent à la MARPA de Couture d'Argenson, Béatrice Robert a quitté son travail d'aide-soignante dans une maison de retraite pour s'impliquer dans cette démarche : « La différence ici, c'est qu'on tient compte de la personne et qu'on n'est pas dans la routine. En dehors des tâches techniques, on essaye de faire en sorte que chacun, malgré son grand âge, ait un projet. Il faut donc chercher à préserver le plus longtemps possible ses acquis et les stimuler au maximum. »

Echanges d'idées dans des groupes de parole, partages de savoir-faire autour d'une recette de cuisine, d'une activité de couture ou de jardinage, organisation de déjeuners à la MARPA avec des enfants des écoles primaires du coin, bénévoles invités à venir donner un coup de main aux résidents pour préparer une fête à l'occasion de l'arrivée du beaujolais nouveau... le maintien des liens sociaux, tant à l'intérieur de la petite unité de vie qu'avec l'environnement local, permet de solliciter en permanence la participation des personnes âgées.

« On a besoin d'une reconnaissance »

Pour certains responsables, à l'instar d'Isabelle Ferret qui dirige depuis 1998 la MARPA de Montracol (Ain) (3), ces rencontres sont aussi l'occasion de faire connaître ces structures aux professionnels et aux élus locaux. Après avoir organisé une session de formation sur la prévention des chutes au sein de la MARPA, la responsable a invité, en avril dernier, le conseil général à se rendre compte par lui-même du travail réalisé à Montracol : « On a besoin d'une reconnaissance. Ce n'est pas parce qu'on est au fin fond de la campagne avec 16 résidents que la qualité et le professionnalisme de cette prise en charge doivent rester ignorés. A l'issue de cette visite, le conseil général a donné son accord pour ouvrir une dizaine de petites unités de vie, dont sept MARPA, d'ici à 2008. »

Comme les autres structures, les MARPA ont dû s'adapter à l'augmentation de la durée de vie des personnes âgées. Avec une moyenne d'âge d'environ 85 ans pour les nouveaux arrivants, elles doivent concilier l'accompagnement de la grande dépendance avec leur principe de non-médicalisation. « On tient au principe d'externalisation de la prise en charge médicale afin de ne pas transformer le lieu de vie en lieu de soins. Il s'agit pour nous de considérer les personnes par rapport à leurs désirs et leurs capacités et non par rapport à leurs difficultés ou leur maladie », souligne Hervé Marcillat.

D'où la nécessité d'une coordination gérontologique efficace avec un réseau local offrant les ressources d'un service de soins infirmiers à domicile (SSIAD), d'un hôpital assurant des consultations spécialisées, d'infirmières ou encore de kinésithérapeutes. Un virage qui, de l'aveu de certains responsables, n'est pas toujours simple à négocier. Com-ment accompagner par exemple l'arrivée de personnes dépendantes, alors « qu'il y a une pénurie de professionnels de santé et que beaucoup de MARPA ne reçoivent la visite d'une infirmière qu'une fois par jour, voire une fois tous les deux jours ? », s'interroge Isabelle Ferret. Pour la responsable de Montracol, une des solutions consiste à renforcer encore cette pratique du « prendre soin » inhérente aux MARPA pour éviter d'être inutilement dans le soin. Depuis 2003, une aide médico-psychologique a ainsi été recrutée au sein de son établissement afin d'apporter un soutien supplémentaire aux résidents qui en ont le plus besoin.

Reste que cet engagement à accompagner le plus longtemps possible les personnes âgées confronte davantage les professionnels aux difficultés de la fin de vie des résidents. La possibilité, comme l'affirme Hervé Marcillat, « de mourir de plus en plus à la MARPA », ne peut être envisagée qu'en concertation avec la famille et l'ensemble des intervenants concernés. « En plus du résident bien sûr, qui doit se sentir en sécurité chez nous, quatre piliers sont indispensables pour que je décide d'accompagner une personne en fin de vie : le médecin, qui doit être d'accord et nous faire confiance, les infirmières, mon équipe et la famille. »

L'équipe doit aussi se préparer à des prises en charge souvent très éprouvantes, à l'exemple de celle de cet homme de 87 ans qui avait choisi de ne pas être sous dialyse malgré un grave problème rénal et dont l'état s'est peu à peu dégradé. Face à ce type de situation, il peut être plus difficile d'allier l'indispensable recul du professionnel à l'idée de proximité défendue par ces structures. « C'est vrai que la distance peut être mise à mal avec le temps. Au bout de six ans, je m'aperçois que je dois parfois m'éloigner et savoir déléguer pendant quelques jours, parce qu'une situation me renvoie au décès d'un de mes proches », confie Isabelle Ferret. Il est également important, poursuit la responsable, de ne pas vouloir banaliser ces étapes douloureuses et tourner la page trop rapidement.

L'équipe de Montracol a ainsi institué un rituel, désormais immuable, pour « prendre le temps de fermer une porte et pouvoir mieux accueillir le résident suivant ». Les télévisions s'éteignent et toute diffusion de musique est interrompue dans la maison jusqu'à l'enterrement, tandis qu'une veillée est organisée avec ceux qui le désirent pour parler de la personne disparue. Ces soirées sont aussi l'occasion de rassurer les personnes âgées en leur montrant que l'équipe les entoure jusqu'au bout.

Dans ce contexte, les réunions revêtent une importance particulière pour les professionnels. A la MARPA de Couture d'Argenson, les rencontres bimensuelles ne sont pas seulement l'occasion d'examiner des aspects purement techniques, de se consacrer aux projets de vie des personnes ou d'aborder des thèmes de façon assez libre, comme l'animation ou même la sexualité des résidents, mais elles constituent aussi des moments privilégiés pour « vider son sac » et se libérer des tensions accumulées. « Nous travaillons avec des personnes âgées qui ont souvent terriblement peur de la mort et sont parfois difficiles à vivre. Lors des réunions, les personnes de l'équipe ont le droit de tout dire, de pleurer, de s'énerver contre une collègue ou contre un résident, parce que tout le monde sait que ça restera entre nous », précise Philippe Bénard, directeur de la MARPA de Couture d'Argenson, qui espère avoir bientôt les moyens de faire venir un psychologue pour aider les intervenants à gérer le stress lors de ces réunions. Des moments de « décompression » indispensables pour pouvoir maintenir cette philosophie des maison d'accueil rural pour personnes âgées, que Béatrice Robert résume à sa manière : « Ici, ils ne cherchent pas du style dans la salle à manger ou ailleurs, mais du vrai, de l'authenticité dans les relations avec le personnel. Tout ce qui fait qu'ils ont l'impression de continuer la vie qu'ils avaient avant. »

Henri Cormier

UNE FORMULE EN PLEIN DÉVELOPPEMENT

Il existe 116 petites unités de vie auxquelles la Mutualité sociale agricole a donné le label MARPA (structure à but non lucratif, principes conformes au fonctionnement d'une petite unité de vie, garantie d'une vie s'apparentant à celle à domicile, possibilité d'accompagnement de chaque trajectoire de vie, etc.). D'une capacité d'accueil n'excédant pas 24 personnes et non habilitées à l'aide sociale (à quelques rares exceptions près), les MARPA proposent des logements privatifs de 30 à 46 m2, ainsi que des prestations (dont une partie est optionnelle) pour des tarifs mensuels compris entre 1 000 et 1 200 €. La formule, qui fait son chemin au vu de la cinquantaine de projets actuellement en cours de bouclage, pourrait évoluer vers des structures innovantes destinées à d'autres publics. C'est notamment le cas à Couture d'Argenson, où le responsable s'est inspiré des principes de la MARPA pour lancer « Marpahvie », une petite unité afin d'accueillir les personnes handicapées mentales vieillissantes, qui ne peuvent évoluer dans le milieu totalement ouvert des MARPA.

Notes

(1)  MARPA Couture d'Argenson : Place de l'Eglise - 79110 Couture d'Argenson - Tél. 05 49 27 53 95.

(2)  Fédération nationale des MARPA : Les Mercuriales - 40, rue Jean-Jaurès - 93547 Bagnolet cedex - Tél. 01 41 63 86 95.

(3)  MARPA de Montracol - Le Village - Route de Montcet - 01310 Montracol - Tél. 04 74 24 38 85.

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