C'est à l'issue d'un débat quelque peu mouvementé que l'Assemblée nationale a mis en musique, dans le cadre d'une proposition de loi votée le 16 décembre à l'initiative des députés UMP Pascal Clément et Gérard Léonard, les principales préconisations présentées en juillet dernier par la mission parlementaire d'information sur le traitement de la récidive (1). Ce texte, qui doit encore être soumis à l'examen des sénateurs, aura en effet donné lieu à un bras de fer entre les partisans et les opposants - au rang desquels le ministre de la Justice, Dominique Perben - de l'instauration de peines d'emprisonnement automatiques en cas de récidive. Au final, c'est une formule de compromis qui a été adoptée. Alors que le droit ne prévoit actuellement aucune limitation quant au nombre de sursis avec mise à l'épreuve pouvant être prononcés - certains multiréitérants cumulant cette mesure - la proposition de loi limite, de manière générale, à deux le nombre des condamnations assorties du sursis avec mise à l'épreuve en cas de récidive de délits identiques ou assimilés. Surtout - et c'est là le cœur de la solution de compromis - il sera impossible de prononcer un tel sursis à l'égard d'un récidiviste déjà condamné pour un crime, un délit de violences volontaires, d'agressions ou d'atteintes sexuelles ou un délit commis avec la circonstance aggravante de violences.
Par ailleurs, souhaitant répondre à l'une des difficultés soulevées par la mission parlementaire, un volet essentiel de ce texte permet à la juridiction de jugement de prononcer, « à titre de mesure de sûreté » (2), le placement sous surveillance électronique mobile des personnes condamnées à une peine d'emprisonnement ferme d'au moins cinq ans pour un crime ou un délit sexuel. Concrètement, ce dispositif s'appuie sur la technologie du GPS. Le condamné portera un émetteur permettant de déterminer, à distance, sa localisation afin « de prévenir la récidive et favoriser sa réinsertion ». Dans ce cadre, une évaluation de la dangerosité des intéressés « tendant à mesurer le risque de la commission d'une nouvelle infraction sexuelle » devra être conduite par le juge de l'application des peines au moins deux ans avant la sortie de prison. Ordonné par le tribunal de l'application des peines après avis d'une commission des mesures de sûreté, ce placement sera prononcé pour au maximum 20 ans (par tranche de trois ans renouvelables) en matière correctionnelle et 30 ans en matière criminelle (par tranche de cinq ans renouvelables).
Dans le même esprit, le texte fait également de ce type de placement sous surveillance électronique mobile l'une des modalités de l'exécution d'un suivi socio-judiciaire. Il prévoit l'incarcération des délinquants récidivistes condamnés pour un délit sexuel ou commis avec violence dès le prononcé de la peine, sauf décision contraire spécialement motivée.
Autre revendication de la mission parlementaire à laquelle la proposition de loi répond : les psychologues titulaires d'un diplôme d'études supérieures spécialisées de psychologie pourront participer au dispositif de l'injonction de soins dans le cadre du suivi socio-judiciaire des délinquants sexuels. Ce qui pourrait remédier en partie à la pénurie des médecins psychiatres, - près de 800 postes seraient vacants dans le secteur public - actuellement seuls responsables du traitement des condamnés sexuels.
Pour garantir la mémoire des faits commis par les personnes déclarées pénalement irresponsables, la proposition de loi modifie par ailleurs le champ d'application du fichier des auteurs d'infractions sexuelles créé par la loi Perben II du 9 mars 2004 (3). Ainsi, devraient figurer dans ce fichier, rebaptisé fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles et des irresponsables pénaux, toutes les décisions de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement prononcées par les juridictions sur le fondement de l'irresponsabilité pénale de l'auteur au moment de la commission des faits. Ce fichier devra entrer en application dans les six mois de la publication de la proposition de loi, une fois votée, est-il encore prévu.
(1) Voir ASH n° 2367 du 9-07-04.
(2) Et non comme une alternative à l'incarcération comme l'est actuellement le placement sous surveillance électronique.
(3) Voir ASH n° 2352 du 26-03-04.