Les parlementaires ont adopté définitivement, le 20 décembre, la loi de programmation pour la cohésion sociale. Ce texte devrait s'appliquer « de façon efficace dès le début 2005 », selon le ministre délégué aux relations du travail, Gérard Larcher, qui s'est engagé, au nom du gouvernement, « à ce que les plus importants [décrets] soient pris dans un délai de deux mois » à compter de sa promulgation. Tour d'horizon de ces principales dispositions, sous réserve de la décision du Conseil constitutionnel qui a été saisi le 21 décembre par l'opposition.
Comme prévu, les parlementaires ont peu amendé le volet « emploi » du projet de loi initial (1). Pour mémoire, il s'agit de rénover l'effort collectif en faveur des demandeurs d'emploi, de favoriser l'insertion des jeunes, notamment en relançant la formation en apprentissage, d'inscrire les contrats aidés des secteurs marchand et non marchand dans une architecture plus simple et de développer l'insertion par l'activité économique ainsi que les aides aux chômeurs créateurs d'entreprise. Quelques amendements sont toutefois venus enrichir le texte. Ainsi, la loi étend finalement aux chômeurs percevant l'allocation de parent isolé (API) le bénéfice du nouveau « contrat d'avenir », dont le texte initial réservait l'accès aux titulaires du revenu minimum d'insertion (RMI) et de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) depuis au moins six mois. Toujours dans le secteur non marchand, il est précisé que le contrat d'accompagnement dans l'emploi - qui remplace les contrats emploi-solidarité et les contrats emploi consolidé - ne peut être conclu pour une durée inférieure à six mois et doit porter sur des « emplois visant à satisfaire des besoins collectifs non satisfaits ». Le champ d'application du contrat d'insertion-revenu minimum d'activité, qui est recentré sur le secteur marchand, est lui aussi étendu : jusqu'à présent réservé aux seuls allocataires du RMI, il sera dorénavant ouvert aux titulaires de l'ASS, mais aussi, à l'initiative des parlementaires, aux personnes percevant l'API. Il pourra par ailleurs être à temps partiel.
Certaines des dispositions du projet de loi sur le soutien aux jeunes en difficulté ont également été légèrement révisées. Ainsi, au final, la loi indique que les jeunes âgés de 16 à 25 ans (au lieu de 24) révolus et « confrontés à un risque d'exclusion professionnelle » peuvent bénéficier d'un « accompagnement personnalisé », organisé par l'Etat via des référents au sein des missions locales et des permanences d'accueil, d'information et d'orientation. C'est également le cas des jeunes peu qualifiés qui bénéficient d'un contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS), lesquels auront également droit à une allocation de l'Etat « pendant les périodes où ils ne perçoivent ni une rémunération au titre d'un emploi ou d'un stage, ni une autre allocation ». Les parlementaires ont par ailleurs voté l'essentiel des dispositions du projet de loi en faveur de l'apprentissage, et notamment celle instituant un crédit d'impôt au profit des entreprises qui embauchent des apprentis (1 600 € par apprenti et 2 200 € lorsqu'il s'agit d'un jeune sans qualification). Plusieurs amendements ont toutefois été adoptés. Il a été ainsi décidé que si le contrat d'apprentissage peut être conclu pour une durée inférieure à un an sa durée doit toutefois être d'au moins six mois, en particulier lorsqu'une partie de la formation a été acquise par la validation des acquis de l'expérience. Autre nouveauté : la durée du contrat pourra dorénavant être portée à quatre ans lorsque la qualité de travailleur handicapé est reconnue à l'apprenti.
Les obligations et les sanctions à l'encontre des chômeurs ont, elles aussi, subies des modifications. Ainsi, la condition de recherche d'emploi, à laquelle est subordonnée la perception du revenu de remplacement, impliquera finalement l'accomplissement d' « actes positifs et répétés en vue de retrouver un emploi, de créer ou de reprendre une entreprise ». Le texte définitif prévoit également que l'allocation chômage pourra à l'avenir être suspendue ou réduite et non plus seulement supprimée. Cela, toutefois, à l'issue d'une procédure contradictoire au cours de laquelle l'allocataire aura le droit d'être entendu et assisté.
Les parlementaires ont enfin voté le volet « licenciement économique », intégré par lettre rectificative au projet de loi suite à l'échec des négociations interprofessionnelles sur les restructurations (2).
Les objectifs chiffrés fixés en matière de logement dans le projet de loi initial n'ont pas été revus par les parlementaires. Il s'agit toujours de rattraper les retards dans le logement locatif social (3), de mobiliser le parc privé et de renforcer l'accueil et l'hébergement d'urgence. De même, les différentes mesures prévues pour prévenir les expulsions locatives ou encore pour lutter contre l'habitat indigne n'ont pas connues de modification majeure. Plusieurs amendements importants ont tout de même été votés. C'est ainsi qu'il a été décidé d'abroger purement et simplement l'article 40 de la loi de lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998, portant création de l'aide à la médiation locative ( AML). Cette mesure, qui a provoqué l'indignation des associations (voir ce numéro), est une conséquence de l'élargissement des missions des fonds de solidarité pour le logement au champ couvert par l'AML (4). Toujours au chapitre des nouveautés, le texte prévoit encore qu'un représentant désigné par des associations agréées ayant entre autres objets l'insertion par le logement des personnes défavorisées et agissant sur le territoire de la commune aura désormais une voix consultative au sein des commissions d'attribution des logements locatifs sociaux.
Un volet supplémentaire consacré au surendettement a été ajouté au texte initial à l'initiative des sénateurs. C'est ainsi que le reste à vivre laissé aux ménages après le remboursement de leurs dettes intégrera dorénavant, dans la limite d'un plafond qui sera fixé par décret, le montant des dépenses de logement, de scolarité et de nourriture. En outre, les personnes surendettées n'auront plus à payer les frais de leur inscription au fichier de la Banque de France. Enfin, pour sécuriser le paiement des loyers et des charges locatives aux bailleurs privés et publics, la nouvelle loi donne au remboursement des créances locatives la priorité sur celui des prêts et crédits à la consommation lors des procédures d'apurement des dettes menées par les commissions de surendettement.
Les grandes lignes du volet consacré à la promotion de l'égalité des chances ont été conservées : mise en place de dispositifs spécifiques pour l'éducation des enfants dans les quartiers défavorisés, augmentation du montant de la dotation de solidarité urbaine, promotion de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, création de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, base législative donnée au contrat d'accueil et d'intégration... Quelques amendements sont venus malgré tout enrichir le texte. Ainsi, la loi ne parle finalement pas d' « équipes de réussite éducative » mais de « dispositifs de réussite éducative », dont la mission sera de « mener des actions d'accompagnement au profit des élèves du premier et du second degré et de leurs familles, dans les domaines éducatif, périscolaire, culturel, social ou sanitaire ».
Les contours de la nouvelle Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations - qui doit se substituer à l'Office des migrations internationales et fusionner avec l'assocation « service social d'aide aux émigrants » - ont par ailleurs été légèrement redessinés. La loi indique ainsi notamment, au final, que l'agence met en œuvre, pour l'exercice de ses missions, « une action sociale spécialisée en direction des personnes immigrées » et qu'elle peut associer entre autres à ses missions, par voie de convention, les organismes de droit privé à but non lucratif spécialisés dans l'aide aux migrants. Le texte définitif précise par ailleurs, s'agissant de l'accueil offert aux personnes immigrées, que tout étranger admis pour la première fois au séjour en France en vue d'une installation durable doit se voir proposer, dans une langue qu'il comprend, de conclure individuellement un contrat d'accueil et d'intégration. En outre, si l'intéressé doit suivre une formation linguistique, celle-ci sera sanctionnée par une « validation des acquis ».
Notons enfin que sous l'impulsion du gouvernement, les parlementaires ont décidé de porter la déduction fiscale accordée aux personnes qui font un don aux associations caritatives ou humanitaires (telles que les Restos du cœur) de 66 % à 75 % du montant du don et de relever la déduction maximale de 414 € à 470 €. Ils ont également voté pour un relèvement du taux de réduction d'impôt accordée aux particuliers qui font des dons aux autres associations de 60 % à 66 %. Etant entendu que toutes ces mesures seront applicables pour les dons faits à partir du 1er janvier 2005.
Nous reviendrons plus en détail sur la loi de programmation pour la cohésion sociale dans un prochain numéro.
(1) Voir ASH n° 2374 du 24-09-04.
(2) Voir ASH n° 2378 du 22-10-04.
(3) Signalons à ce propos que l'Etat et l'Union sociale pour l'habitat, qui regroupe les organismes HLM, ont signé le 21 décembre une convention confiant à ces derniers la construction de 390 000 logements sociaux entre 2005 et 2009, sur les 500 000 prévus par la loi de programmation.
(4) Voir ASH n° 2384 du 3-12-04.