« Force est de constater qu'entre les textes et la réalité persiste un décalage très net, malgré les prises de position fermes en faveur d'une amélioration des conditions de détention des mineurs émises dans différents rapports parlementaires. » Dans une étude rendue publique le 20 décembre, la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) dresse un tableau sombre des conditions de détention des mineurs (1).
Premier constat : l'absence d' « étanchéité » entre les « quartiers mineurs » et les autres, observée dans de nombreux établissements, en particulier pour les jeunes filles, et l'état dégradé de certains locaux, « qu'il s'agisse des cellules ou des locaux à usage collectif, en particulier les douches ». Aussi la CNCDH demande-t-elle l'application stricte de la loi sur la séparation des mineurs et des majeurs, ainsi que sur l'encellulement individuel. Si elle considère à cet égard comme positive la création d'établissements spécialisés pour mineurs, elle s'interroge néanmoins sur le risque d'inflation carcérale qui pourrait s'ensuivre. D'où son souhait que le gouvernement tienne compte, dans la création de ces établissements, « des capacités d'accueil des centres éducatifs fermés », pour, au final , « ne pas accroître le nombre de places destinées aux mineurs en détention » . Elle déplore par ailleurs que les mineurs condamnés aient, dans de nombreux endroits, à cohabiter en maison d'arrêt avec les mineurs prévenus. Ce qui les privent de « l'objectif de réinsertion sociale » qui existe en centre de détention.
Rappelant les phénomènes récurrents de violence en prison, favorisés par des conditions de sécurité insuffisantes, les sages préconisent une « limitation de la taille des unités accueillant les mineurs incarcérés » et une formation adéquate du personnel de surveillance, y compris dans le risque suicidaire . 40 % des détenus suivis en psychiatrie étant des mineurs, elle recommande que toute incarcération soit accompagnée d'un entretien avec un médecin psychiatre dès l'arrivée du jeune.
Trop de mesures de contraintes et de sécurité, souligne la CNCDH, « dans des conditions s'apparentant à l'isolement », peuvent de surcroît compromettre la santé mentale ou physique des mineurs incarcérés. Elle souhaite que les garanties qui leur sont accordées dans le cadre de poursuites disciplinaires soient intégrées dans une loi, et qu'elles prévoient l'assistance obligatoire d'un avocat. « L'accès aux activités des jeunes ne doit pas être retiré ou restreint en fonction de considérations tenant à la gestion de l'ordre interne, ajoute-t-elle. Le traitement réservé aux mineurs détenus doit coïncider avec leurs besoins éducatifs et sociaux. »
Concernant l'utilisation des menottes en cas d'extraction du cadre carcéral, « la CNCDH recommande à l'administration pénitentiaire de veiller au respect scrupuleux de l'article 803 du code de procédure pénale », selon lequel ces entraves doivent être justifiées par la dangerosité de la personne. Citant certaines pratiques comme la mise à nu ou l'utilisation de matraques, voire même de gaz lacrymogènes, elle préconise des consignes claires excluant tout usage de la force, ainsi que l'augmentation des effectifs de surveillants pour éviter « un état de tension et d'épuisement chez les personnels ».
Autre sujet d'inquiétude : l'isolement de la famille, qui peut conduire le mineur « à perdre davantage ses repères ». Or « force est de constater que les moyens humains des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) sont dérisoires au regard des nécessités, un agent suivant en moyenne plus d'une centaine de personnes. » Pour l'instance, il est donc urgent d'améliorer les conditions matérielles des visites et d'augmenter sensiblement les effectifs des SPIP. Elle préconise aussi une aide financière pour les familles qui ne peuvent matériellement se rendre au parloir et le développement des sorties sous escorte d'éducateurs pour éviter les ruptures familiales.
La hausse du taux de scolarisation en prison (92 % des 3 321 entrants en 2003) ne s'est pas accompagnée d'un renforcement de la lutte contre l'illettrisme, déplore par ailleurs la CNCDH : moins de la moitié des mineurs en difficulté avec la lecture suit un cours d'alphabétisation. La commission exhorte en conséquence l 'Education nationale à s'engager plus fortement dans la mise en œuvre de ses missions en prison. Elle préconise également une continuité du suivi éducatif par une « coordination permanente » entre les SPIP et les services de la protection judiciaire de la jeunesse.
Rappelant qu'en 1999 une soixantaine d'enfants étaient incarcérés avec leur mère, la CNCDH plaide pour leur prise en charge par des structures collectives extérieures, pour favoriser leur développement physique et mental. Elle déplore enfin « qu'aucun dispositif ne soit organisé pour préserver la relation parentale une fois que l'enfant, passé l'âge de 18 mois, se trouve séparé de sa mère ».
(1) Etude et propositions sur les mineurs en milieu carcéral. Disponible sur le site