Dans un rapport remis à Nicolas Sarkozy et à Jean-Louis Borloo, les économistes Pierre Cahuc et Francis Kramarz jettent les bases d'une « sécurité sociale professionnelle » (1). Celle-ci, expliquent-ils, devrait « garantir un revenu décent et un accompagnement de qualité à tous les demandeurs d'emploi en permettant [leur] reconversion vers les métiers d'avenir ». Le document préconise notamment deux voies pour y parvenir : l'amélioration de la prise en charge des chômeurs et la création d'un contrat de travail unique à durée indéterminée.
Afin d'améliorer l'accompagnement des demandeurs d'emploi les plus fragiles, les auteurs proposent d'abord d'instituer « le principe d'un traitement différencié » pour « cibler les dépenses sur les personnes qui en ont le plus besoin ».
Ils suggèrent en outre d'utiliser les « maisons de l'emploi » prévues par le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale (2) - dont le vote définitif devrait intervenir le 20 décembre - pour créer un « guichet unique » . Le service public de l'emploi se chargerait de l'accueil et de l'évaluation du « profil » des demandeurs d'emploi, tandis que leur accompagnement jusqu'à leur embauche serait confié à des « opérateurs externes », dont la rémunération serait fonction des caractéristiques du chômeur et du résultat obtenu. Ce placement « renforcé » des salariés se substituerait à l'obligation de reclassement des entreprises, qui contribueraient financièrement au dispositif par une taxe sur les licenciements (voir ci-dessous).
Les économistes plaident par ailleurs pour « un engagement mutuel » des chômeurs et de l'Etat, estimant qu'un système d'obligations et de sanctions est « voué à l'échec » si l'Etat ne renforce pas ses prestations. Le service public de l'emploi devrait ainsi « proposer systématiquement des stages ou des emplois à temps partiel dans le secteur non marchand à certaines catégories de chômeurs après une certaine durée de chômage » , tout en s'assurant qu'ils soient « conciliables avec la recherche d'emploi ». Les demandeurs d'emploi ne pourraient les refuser sous peine de voir leurs indemnités de chômage suspendues.
Au-delà, Pierre Cahuc et Francis Kramarz, après avoir pointé les inégalités entraînées par la coexistence du contrat à durée indéterminée et du contrat à durée déterminée (CDD), proposent la création, comme les rapports Virville (3) et Camdessus (4), d'un contrat de travail unique « à durée indéterminée » . Lequel donnerait droit à « une prime en fonction de l'ancienneté en cas de licenciement » (le montant payé inclurait en particulier la composante « précarité » actuellement versée en fin de CDD). Sa rupture donnerait lieu à « une taxe sur les licenciements » qui servirait à réduire les cotisations patronales et à garantir le reclassement des salariés. Une expérience menée sur les jeunes de moins de 25 ans devrait, précisent les auteurs, permettre une « évaluation des défauts et avantages de ce contrat unique ainsi que des modalités possibles d'une transition ».
(1) De la précarité à la mobilité : vers une sécurité sociale professionnelle - Rapport non encore disponible.
(2) Voir ASH n° 2374 du 24-09-04.
(3) Voir ASH n° 2343 du 23-01-04.
(4) Voir ASH n° 2378 du 22-10-04.