Plus d'un an après l'adoption de la loi sur le surendettement de Jean-Louis Borloo (1), la Confédération syndicale des familles (CSF) (2) ne se montre « pas très optimiste » sur l'efficacité du dispositif, notamment de la procédure de rétablissement personnel (3). Ses dysfonctionnements, selon elle, ne permettent pas aux ménages d'accéder à la « deuxième chance » promise. A moins de l'enrichir d'un certain nombre de mesures que l'organisation vient de proposer - une nouvelle fois après les avoir défendues pendant la rédaction du texte -au ministre de la Cohésion sociale.
Selon les statistiques de la Banque de France, le nombre de dossiers de surendettement atteint un chiffre record :158 920 ont été déposés dans les commissions de surendettement entre janvier et octobre 2004, contre 137 875 pour la même période en 2003. « Près de 190 000 dossiers auront été déposés à la fin de l'année », indique François Edouard, secrétaire général de la CSF. Sur près de 100 000 décisions d'orientation, les commissions ont formulé 18 351 demandes de procédure de rétablissement personnel. Les autres dossiers ont fait l'objet d'une procédure classique d'apurement.
Premier souhait de la confédération : que les critères d'appréciation de la « situation irrémédiablement compromise », condition d'accès à la procédure de rétablissement personnel, soient harmonisés entre les commissions de surendettement et les tribunaux. Les juridictions, de fait, sont d'autant plus réticentes à appliquer la mesure qu'elles sont encombrées et manquent de moyens. « En Haute-Normandie, première région surendettée de France, les rejets oscillent entre 11 et 76 %selon les tribunaux » (4), témoigne Marie-Françoise Delahaye, responsable du groupe « surendettement » de l'association. La CSF réclame aussi la vérification de l'état des créances dès le début de l'instruction du dossier et la suspension des poursuites dès que la commission l'a déclaré recevable, et non plus après le jugement d'ouverture de la procédure.
Autre problème : celui de la rémunération du mandataire chargé de l'état des lieux des créances dans le cadre d'une procédure de rétablissement personnel. « La particularité du système veut que sa rémunération soit perçue sur les ressources des familles, dénonce Emmanuel Rodriguez, secrétaire confédéral chargé du secteur consommation. Cette situation est inacceptable. » Pour y remédier, l'organisation familiale propose la création d'un fonds alimenté par les établissements de crédits, et qui serait destiné à rémunérer les mandataires.
Les inégalités dans le calcul du « reste à vivre » des familles constituent une autre faille. « Il y a autant de modes de calcul que de commissions, pointe Marie-Françoise Delahaye. La loi Borloo a soumis la détermination du "reste à vivre" à l'avis d'une conseillère en économie sociale et familiale, mais beaucoup n'en ont pas. »
La Confédération syndicale des familles relève également les incohérences du plan conventionnel d'apurement des dettes, qui doit désormais s'étaler sur un délai maximal de dix ans. Beaucoup de ménages présentant une faible capacité de remboursement se retrouveront en effet avec un reliquat de dette à cette échéance, et seront de nouveau passibles de poursuites par leurs créanciers. Que faire dans ce cas ?, s'interroge encore la CSF, qui demande que les commissions puissent cumuler deux mesures : le rééchelonnement de la dette et l'effacement partiel pour son reliquat.
La CSF attache enfin une attention particulière aux dettes de loyer, qui prennent une part de plus en plus importante. Elle souhaite que les aides personnelles au logement soient maintenues en cas d'impayé et d'ouverture d'une procédure de rétablissement personnel, et qu'elles soient directement versées au bailleur. Et que le reste à vivre soit, au lieu des revenus déclarés, le critère d'attribution de ces allocations.
De son côté, le comité de pilotage du dispositif, installé en mai dernier par Jean-Louis Borloo, prépare un bilan de son application pour le premier trimestre 2005. Selon son cabinet, il partage d'ores et déjà certains constats de la CSF sur les difficultés de mise en œuvre de la loi Borloo.
M. LB.
(1) Voir ASH n° 2322 du 29-08-03.
(2) CSF : 53, rue Riquet - 75019 Paris - Tél. 01 44 89 86 80.
(3) Voir notre supplément juridique « Le traitement du surendettement : après la loi Borloo du 1er août 2003 » - Groupe Liaisons SA : Service VPC - 187/189, quai de Valmy - 75494 Paris cedex 10 - Tél. 01 41 29 98 73 - 13 €.
(4) Sur les chiffres de cette région, voir notre site Internet