Les trois organisations ont connu des difficultés en 2003. Les associations de base qui les constituent ont poussé à un rapprochement qui s'est transformé, chemin faisant, en une fusion, sous la présidence de Michel Mombrun. Mais les trois entités avaient une histoire commune. Etudes tsiganes a été créée en 1949, par des intellectuels réagissant à l'internement des Tsiganes en France de 1939 à 1946 et au statut très discriminant qui leur était imposé, depuis 1912, avec le fichage dans le « carnet anthropométrique ». Le centre d'étude et de recherche pour la promotion de l'identité et de la culture tsiganes qu'ils ont animé continue de publier la revue des « Etudes tsiganes» et constitue toujours un centre de ressources unique en son genre. A côté de cela, ces intellectuels ont poussé à la mise en réseau des associations d'action qui existaient sur le terrain, souvent à l'échelon départemental, ce qui a abouti en 1960 à la création d'une fédération, devenue l'Union nationale des institutions sociales d'action pour les Tsiganes (Unisat) en 1984. Une scission est intervenue en 1992, qui a conduit à la création de l'Union nationale pour l'action auprès des gens du voyage (Unagev) par les associations de Bretagne et des Pays-de-la-Loire. Les divergences qui ont provoqué la scission, sur la place à réserver aux voyageurs eux-mêmes dans les associations, sur l'action par, pour, avec ou à côté d'eux, continuent de faire débat, mais au sein de chaque organisation. Je pense que nous allons trouver un bon équilibre...
En France, le terme générique de Tsiganes recouvre des groupes divers comme les Gitans, les Manouches, les Sinti, les Yénishes et les Roms. Certains continuent à voyager, d'autres pas. Le terme de « gens du voyage » est une catégorie administrative qui englobe aussi les forains et les travailleurs qui se déplacent de chantier en chantier et qui sont soumis au même régime du « carnet de circulation ».
Nos associations veulent construire les conditions pour que les voyageurs accèdent, par eux-mêmes, à une vie citoyenne, libre et digne. Cet objectif s'inscrit dans le cadre des valeurs républicaines communes de liberté, d'égalité et de fraternité. Nous nous référons aussi à la laïcité, ce qui est fondamental dans ce milieu où les associations confessionnelles se développent.
Nous avons identifié six axes d'action majeurs : la citoyenneté, l'habitat et le mode de vie, la liberté de voyager et le droit à la mobilité, l'éducation et les cultures, le travail et l'activité économique, la santé et la solidarité. Nous affirmons, par exemple, que la caravane est un logement, ce qui n'a l'air de rien mais dont on peut tirer beaucoup de conséquences : elle fournit une domiciliation valable, doit permettre de toucher l'allocation logement, etc.
Sur ces valeurs et ces objectifs, quatre autres organisations de voyageurs sont prêtes à se retrouver. Elles pourraient nous rejoindre lors de la première assemblée générale, dans le courant de 2005.
Nous l'avons encore écrit aux ministres concernés le 14 octobre dernier. C'est un lieu d'échanges important (2) qui doit, par exemple, permettre d'insister sur la mise en œuvre de la loi Besson sur les schémas départementaux et l'aménagement des aires d'accueil. Seules 10 % des places prévues ont été réalisées, ce qui crée des problèmes aux communes qui ont honoré leurs obligations légales. C'est pourtant la clé de la plupart des réponses aux autres difficultés, de scolarisation, d'emploi, de santé... Les Tsiganes et les gens du voyage doivent aussi être intégrés, avec leur mode de vie, dans l'ensemble des politiques publiques sur les territoires où ils vivent. Certains ont des points d'attache permanents, où ils retournent après les vendanges ou les récoltes depuis 30 ou 50 ans, mais où ils ne sont pas pris en compte. Nous voulons également faire entendre notre voix au plan européen. Dans l'Union à 25, les Tsiganes sont la minorité ethnique et culturelle la plus importante. C'est une question d'actualité brûlante.
Propos recueillis par Marie-Jo Maerel
(1) Fnasat-gens du voyage : 59, rue de l'Ourcq - 75019 Paris - Tél. 01 40 35 00 04.
(2) Voir ASH n° 2375 du 1-10-04.