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Hébergement d'urgence : « réaffirmer la responsabilité de l'Etat »

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L'hébergement d'urgence, qui bénéficie pourtant d'un effort financier croissant de l'Etat (+ 86 % depuis 1998), reste une réponse insatisfaisante sur le plan quantitatif, mais aussi qualitatif, puisqu'elle peine à s'inscrire dans une logique globale d'insertion. Faute de pilotage et de cohérence, le dispositif, régi par des statuts juridiques et financiers divers, génère un gaspillage tant social que financier que seule une plus grande responsabilisation de l'Etat permettrait de corriger. C'est cette approche, notamment défendue lors des travaux préparatoires à la conférence nationale de lutte contre l'exclusion (1), que le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées a choisi de privilégier dans son Xe rapport annuel, remis à Jacques Chirac le 9 décembre (2).

Pour clarifier les missions de l'hébergement d'urgence, l'instance présidée par Xavier Emmanuelli, par ailleurs président du SAMU Social de Paris, récuse au préalable toute distinction, opérée par l'administration, entre l'hébergement d'urgence et l'hébergement d'insertion. Et propose cette définition du dispositif : «  assurer à toute personne en détresse, dans l'urgence, un hébergement et une aide à l'insertion ».

Partant de ce principe, elle passe au crible un dispositif encore en cours de structuration malgré la « veille sociale » instaurée en 1998 par la loi de lutte contre les exclusions. Selon une enquête de l'observatoire de la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (FNARS) réalisée en 2003,46 % des demandes d'hébergement formulées par l'intermédiaire du 115 se sont soldées par une réponse négative. L'absence d'instances de coordination, le manque d'implication de l'Etat rend le pilotage du dispositif balbutiant et inégalitaire. Généralement, il n'y a pas « de gestion cohérente et organisée de l'ensemble des admissions du dispositif, en particulier pour gérer le passage d'une structure à une autre, du premier niveau "inconditionnel et de courte durée" au deuxième, sélectif et de longue durée ». Les outils de programmation que sont les schémas de l'accueil, de l'hébergement et de l'insertion sont peu réactifs et ne prévoient pas les moyens d'assurer une sortie vers le logement de droit commun.

Un manque de lisibilité

Pas étonnant, dans ce contexte, que le dispositif ne remplisse pas ses objectifs, malgré un net accroissement de ses capacités (90 000 places permanentes en novembre 2004 selon le ministère délégué à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion). Une augmentation essentiellement due à un recours accru à la ligne budgétaire d'urgence qui « fragilise les dispositifs » et à du bricolage incitant les structures à dissocier le coût du logement de celui du social, notamment en mobilisant l'aide personnalisée au logement, dans l'objectif « d'alléger les budgets sociaux de l'Etat ». Ce qui conduit à un manque de lisibilité, mais pas seulement. Car au final, le développement de l'hébergement hôtelier (17 000 places) et de l'hébergement non conventionné (d'une capacité représentant 70 %de celle des CHRS) ne permet pas de prise en charge sociale, ni de tenir compte de la diversité des profils : les demandeurs d'asile notamment, mais aussi les jeunes majeurs, qui représentent un quart des appels du 115. Dans beaucoup de structures, « l'insuffisance de personnel conduit à une prestation qui ne peut guère aller au-delà de la simple mise à l'abri » . Et le rapport de dénoncer ce paradoxe : « Les moyens les plus importants sont consacrés aux personnes qui sont les plus proches de l'insertion tandis que celles dont les besoins sont les plus lourds doivent se contenter du service minimum : hébergement de courte durée, locaux de qualité parfois très insuffisante et précaires, ratios de personnel et surtout de personnel social faibles, etc. » Plus grave : les CHRS durcissent les critères de sélection pour augmenter les chances de sorties des personnes hébergées et ainsi fluidifier l'accueil. Et lorsque la durée des séjours s'allonge faute de logement trouvé, indépendamment des efforts et des démarches du résident, l'équipe sociale est contrainte à un « travail perturbé, frustré et dévoyé de son sens » .

Unifier le statut des structures

Comment sortir de l'impasse ? Face aux freins locaux à la construction de logements sociaux et à la délégation du contingent préfectoral aux maires, qui « menace de blocage total la sortie du dispositif d'hébergement vers le logement social », le Haut Comité réitère sa demande de créer un droit au logement opposable. Et propose de réaffirmer clairement la responsabilité de l'Etat de « garantir, par tout moyen approprié, que toute personne à la rue se voie proposer un hébergement social, c'est-à-dire à la fois un toit et un accompagnement en vue d'accéder à une insertion ». Dans la perspective où le droit au logement pourrait être délégué aux agglomérations, comme il l'a proposé, le comité préconise aussi cette délégation pour l'hébergement.

L'instance formule également des propositions pour donner aux préfets les moyens de piloter le dispositif. Chaque département devrait, d'après elle, être doté d'un tableau de bord, selon un « cadre-type » qui permettrait une consolidation des données au niveau national. Elle suggère de généraliser les instances de coordination départementale, sous la houlette des préfets, et d'unifier le statut de tous les centres d'hébergement, qu'ils soient conventionnés (CHRS) ou non, et de renforcer leurs moyens. Elle souhaite aussi que le logement temporaire (une partie des résidences sociales et des logements en sous-location) soit intégré au dispositif d'urgence départemental et que l'accès à l'aide au logement temporaire (ALT) soit développé.

Le Haut Comité lance aussi des pistes pour mettre fin «  au blocage de l'accès au logement durable » et améliorer la prise en compte des critères de priorité dans l'attribution des logements sociaux. Parmi elles : la signature d'un « un accord national entre l'Etat, l'Association des maires de France, la FNARS et l'Union sociale pour l'habitat » et l'installation d'une commission unique à l'échelle de l'agglomération rassemblant notamment l'Etat, les bailleurs et les associations en amont de la commission d'attribution propre à chaque organisme HLM (sur les dysfonctionnements des commissions d'attribution, voir ce numéro).

L'instance propose aussi de faciliter la production de logements locatifs sociaux et de structures d'hébergement, lorsque le contexte local le justifie, en instaurant un classement « urgence sociale » prononcé par le préfet. Celui-ci entraînerait une compétence de l'Etat dans la délivrance du permis de construire.

M. LB.

Notes

(1)  Voir ASH N° 2367 du 9-07-04.

(2)  L'hébergement d'urgence : un devoir d'assistance à personne en danger - Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées : 38, rue Liancourt - 75014 Paris - Tél. 01 40 81 15 78.

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