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Les trois quarts des détenus souffrent de troubles psychiques, selon une enquête officielle

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« Huit hommes détenus sur dix et plus de sept femmes sur dix présentent au moins un trouble psychiatrique, la grande majorité cumulant plusieurs troubles. » Ce diagnostic regroupe à la fois les troubles anxieux (55 %), les troubles dépressifs (47 %), la dépendance à une substance illicite (38 %) ou à l'alcool (30 %) et les troubles psychotiques qui toucheraient 24 % des détenus. Parmi ces derniers, 8 %seraient atteints de schizophrénie, 3 % d'une schizophrénie associée à des troubles de l'humeur, 8 % d'une autre psychose chronique et 5 % d'une maladie non précisée.

Ces données accablantes sont le résultat de la première étude épidémiologique menée conjointement par la direction générale de la santé (DGS) et l'administration pénitentiaire (1). La forte prévalence des troubles psychiques en prison était un fait connu (2), mais elle n'était pas évaluée à cette hauteur. Les statistiques précédentes estimaient, par exemple, à 8 ou 10% le taux des détenus atteints de psychoses. Les nouveaux chiffres doivent être pris avec précaution, indique la DGS, car la méthode de l'étude - 998 entretiens réalisés dans 23 établissements auprès d'un échantillon représentatif de la population carcérale - aboutit souvent à des résultats plus élevés que l'observation clinique.

Néanmoins, le « diagnostic précis » posé par le binôme de psychiatres enquêteurs les conduit à détecter de 35 à 40 % de troubles dépressifs actuels, une anxiété généralisée chez 31 %des hommes et 25 % des femmes, une névrose traumatique dans respectivement 21 et 37 % des cas, une agoraphobie (17 %) ou une phobie sociale (15 %). Ils ont aussi repéré un risque suicidaire chez 40 % des hommes et 62 % des femmes. Risque jugé élevé dans près d'un cas sur deux.

Ces taux sont ceux relevés en métropole. Globalement, indique l'étude, la prévalence des troubles est inférieure dans les départements d'outre mer (10 % de l'échantillon), sauf pour la dépendance aux drogues qui touche les trois quarts des détenus.

L'enquête porte aussi sur les antécédents judiciaires et personnels des détenus interrogés. Avant l'âge de 18 ans, un quart des hommes et un cinquième des femmes ont été suivis par un juge des enfants et une personne sur cinq a fait l'objet d'une mesure de placement. 42 % ont été séparés d'au moins un de leurs parents pendant plus de six mois, 34 % ont connu le décès d'un proche, 28% ont vécu des maltraitances physiques, psychologiques ou sexuelles. Les enquêteurs soulignent que moins de la moitié des victimes d'abus sexuels dans leur enfance déclarent en avoir parlé.

Avant leur incarcération, plus du tiers des détenus ont déjà consulté un médecin pour un motif d'ordre psychiatrique. 16 % des hommes et 24 % des femmes ont déjà été hospitalisés pour les mêmes raisons.

Au total, les enquêteurs considèrent que, selon les catégories, de 35 à 42 % des détenus sont manifestement ou gravement malades. Plus d'un entretien sur cinq a d'ailleurs débouché sur une procédure de signalement auprès de l'équipe soignante de l'établissement.

Autant de données qui posent question sur le suivi des malades en prison, dont on sait qu'il est dramatiquement insuffisant, sur la détection des troubles en amont du jugement et, plus largement, sur la politique de la psychiatrie en France. Un grand nombre de lits ont été fermés dans les hôpitaux spécialisés, mais sans que les structures de suivi soient créées en conséquence, dénoncent depuis longtemps les spécialistes (3). Résultat :quand ce n'est pas la rue, c'est souvent la prison qui sert d'asile forcé aux malades.

Notes

(1)  Ses résultats ont été rendus publics le 7 décembre, à l'occasion d'un colloque « santé en prison » organisé par la direction générale de la santé.

(2)  Voir notamment ASH n° 2331 du 31-10-03 et n° 2315 du 13-06-03.

(3)  Voir ASH n° 2328 du 10-10-03.

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