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Relations entre directeurs et administrateurs : repenser la gouvernance associative

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Les difficultés que rencontrent les associations gestionnaires ne se résument pas au rapport de force entre le conseil d'administration et le directeur. Il convient, plus largement, de repenser le système formé par les administrateurs, les salariés, les usagers et les pouvoirs publics, estime Alain Jouneau, directeur de l'association Varlin-Pont-Neuf, à Limoges, qui gère notamment un foyer de jeunes travailleurs et un dispositif d'accompagnement à l'insertion professionnelle des titulaires du RMI (1).

« Au fil des débats dans les colonnes des ASH (2), dans les colloques, dans les publications, la question de la place des directeurs dans les associations ayant une forte composante économique, souvent appelées "gestionnaires ", est posée. Administrateurs tantôt omnipotents, tantôt incompétents, dépassant leurs prérogatives, ou alors potiches, instrumentalisés par des directeurs mus par une ambition personnelle et une soif de reconnaissance : ce face-à-face ainsi posé est par trop caricatural. Il aboutit à l'énumération de réponses formatées : congés spéciaux pour les élus associatifs, formation des bénévoles, rémunération des dirigeants bénévoles associatifs... Ce cadre ne permet pas de résoudre les difficultés auxquelles les acteurs du système associatif ont à faire face.

La problématique des associations gestionnaires dépasse celle du rapport de force entre conseil d'administration et directeur salarié. Les acteurs de terrain savent bien les faiblesses de l'association inscrite dans le champ économique : vie démocratique peu formalisée, faiblesse de la projection de projets à moyen terme, pression des tutelles, gestion des ressources humaines approximative, fonctionnement statutaire peu lisible. Il est donc nécessaire de repenser l'ensemble de la gouvernance associative en écartant l'idée que la seule voie possible est le renforcement des conseils d'administration.

Pour aborder cette problématique, il faut s'intéresser aux principales parties prenantes du système ainsi formé que sont les administrateurs, les usagers, les salariés et les pouvoirs publics.

Les usagers des services de l'association sont trop souvent mobilisés sur un plan purement statistique lorsqu'il s'agit de valoriser le poids de l'association et son influence. Ils peuvent être, de façon plutôt ambiguë, assimilés à des adhérents mais l'enjeu n'est pas là. Cette place particulière d'usager-client, contribuant à la définition et à l'évaluation du service et, plus largement, de la structure qui le produit, nécessite un cadre institutionnel précis. Sur ce point, il est tout de même symptomatique qu'il ait fallu attendre que l'administration de tutelle relance ce chantier dans le cadre de la réforme de la loi de 1975 pour que les associations s'en saisissent vraiment. Les perspectives d'évolution sont nombreuses pour peu qu'elles soient sous-tendues par un volontarisme politique. Chaque acte du fonctionnement au quotidien de l'association peut alors être interrogé sous l'angle de la participation de l'usager.

Réajuster la place des pouvoirs publics

Les partenaires publics, qui fournissent l'essentiel des ressources de l'association, doivent également avoir une place qui s'ajuste mieux à la réalité. L'interdépendance entre les politiques publiques et les associations n'est plus à démontrer. Il en résulte un partenariat dont la forme a évolué au fil du temps. Les représentants de l'Etat et des collectivités territoriales ont opté, ces dernières années, pour une posture de retrait des instances associatives. Cela était nécessaire mais, dans le même temps, le fait qu'ils soient devenus des donneurs d'ordre est insatisfaisant. Une bonne gestion des finances publiques ne présuppose pas la généralisation des procédures d'appels d'offres inscrites dans des marchés de prestations de services. C'est d'une co-construction qu'il doit s'agir entre des représentants de l'intérêt général mandatés par les citoyens et un acteur privé collectif qui revendique une capacité d'analyse et de propositions sur son territoire. L'enjeu est de définir, à l'intérieur de l'association, une place pour les partenaires institutionnels, leur permettant d'accéder à l'information, de formuler des avis et d'alimenter l'analyse prospective dont l'association a besoin.

Les salariés, qui sont au cœur de la machine associative, sont politiquement inexistants. Confinés dans un rapport de subordination défini par le code du travail, ils ne sont pas reconnus dans leur singularité. Pire, la dimension militante, parfois évoquée, ne s'incarne vraiment que quand il s'agit de justifier des conditions générales de travail parfois défavorables en comparaison avec le secteur marchand (salaires, horaires de travail...). Cette lecture s'applique particulièrement aux directeurs et aux équipes de direction. Il faut admettre simplement qu'aujourd'hui, les cadres associatifs contribuent non seulement à la mise en œuvre des actions, mais aussi à la réflexion sur la conduite du projet associatif et à la définition des orientations. Ne pas le reconnaître, c'est encourager les dérives que l'on peut constater ici ou là dans le flottement institutionnel actuel. Il faut inventer de nouveaux espaces où les salariés, et plus particulièrement les cadres dirigeants, puissent être entendus en tant que porteurs du projet de l'association.

Loin d'affaiblir les conseils d'administration, cette nouvelle régulation permettrait de repositionner le groupe des dirigeants associatifs bénévoles dans une responsabilité lisible par tous et ainsi de redonner sens à l'engagement de nouveaux bénévoles. Le cadre d'intervention des administrateurs ainsi redessiné serait plus respectueux de leur légitimité et de leur rôle qui est, et doit rester, essentiel dans le fonctionnement de l'association. Des solutions d'organisation institutionnelle sont possibles pour peu qu'une volonté commune se fasse jour et que personne ne campe sur des positions défensives.

C'est le défi qui nous est collectivement lancé. Sachons oser l'expérimentation, l'innovation, en renouant ainsi avec la dynamique des pionniers de la fin du XIXesiècle afin de construire l'association de demain, matrice moderne et active d'une économie non marchande en devenir. »

Alain Jouneau Directeur de l'association Varlin-Pont-Neuf : 32, rue de Fontbonne - 87000 Limoges -Tél. 05 55 31 45 02.

Notes

(1)  Alain Jouneau est également l'auteur d'une recherche- action, intitulée « Le directeur d'association : un capitaine à part dans un drôle de navire », effectuée en 2001 dans le cadre du diplôme des hautes études en pratiques sociales de l'université de Paris III-Sorbonne nouvelle.

(2)  Voir notamment ASH n° 2367 du 9-07-04 et n° 2371 du 3-09-04.

TRIBUNE LIBRE

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