Actuellement en discussion au Conseil européen, la directive « relative aux services dans le marché intérieur », proposée en janvier par la Commission européenne, mobilise les acteurs de l'action sociale et de la santé tant au niveau européen que français. Ce texte vise en effet à lever les obstacles à la liberté d'établissement et à la libre circulation des services. Sans disposition contraire, le secteur sanitaire et social serait englobé dans cette politique générale de libéralisation du marché. Parallèlement, la Commission européenne, dans l'objectif de produire une communication spécifique sur les services d'intérêt général de santé et sociaux à la mi-2005 - dans le prolongement de son livre blanc sur les services d'intérêt général (1) -, a adressé aux 25 Etats membres un questionnaire sur l'organisation et le fonctionnement de ces services. La France devrait, par la voix de la direction générale de l'action sociale (DGAS), fournir une réponse officielle d'ici au 15 décembre. Avec l'espoir que cette réflexion menée dans le cadre du Comité de protection sociale (2) pèse sur le contenu de la directive.
Le compte à rebours a donc commencé pour le secteur sanitaire et social. Déjà, plusieurs organisations européennes avaient manifesté leurs inquiétudes, le 5 juin, à Bruxelles sur le texte proposé (3). Le Réseau européen de lutte contre la pauvreté (EAPN) a également, le 20 novembre, à l'issue de son assemblée générale annuelle, insisté sur la nécessité de « défendre l'existence de services d'intérêt général de qualité qui permettent à tous d'accéder aux droits fondamentaux et pour lesquels une légitimité spécifique doit être définie ».
En France, le Conseil national de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale s'est saisi de la question lors de sa réunion du 25 novembre. L'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss) a, le 26 novembre, adressé sa contribution au questionnaire sur les services sociaux à la DGAS. Objectif : « parvenir, à l'échelon européen, à mieux connaître (et sécuriser juridiquement) la dimension d'utilité sociale et d'intérêt général des associations de solidarité ». Dans cette note, l'Uniopss préconise d'exclure les services sociaux et de santé du champ d'application de la directive, ou « à tout le moins » d'exempter ces services de certaines dispositions, notamment concernant les régimes d'autorisation, et de déroger pour eux au principe du pays d'origine, selon lequel le prestataire d'un service sera soumis uniquement à la loi du pays dans lequel il est établi.
L'association avait déjà, en septembre, détaillé ses arguments à l'occasion de la diffusion du livre blanc de la Com-mission. La proposition de directive, explique-t-elle, « a pour objectif de supprimer les régimes d'autorisation injustifiés et autres exigences existant au sein des Etats membres imposés aux prestataires de services ». Ce qui signifie que la liberté de prestation pourrait bien prendre le pas sur la réglementation de l'activité du secteur sanitaire et social, notamment régie par la loi du 2 janvier 2002. Or celle-ci est fondée « sur un double objectif de protection des personnes vulnérables accueillies au sein de ces structures et d'utilisation optimale des finances de la protection sociale ». Les usagers de l'action sociale, de surcroît, ne sauraient être confondus avec les consommateurs de biens d'un marché classique. Quant au principe du pays d'origine, comment imaginer qu'il ne conduise pas à un risque de « dumping social », doublé de difficultés de contrôle ? Pour l'Uniopss, il s'agit « d'équilibrer les objectifs de la concurrence et ceux des services d'intérêt général sociaux et de santé » et de faire de ces derniers une composante essentielle de l'Union européenne.
D'autres associations ont d'ores et déjà exprimé ce point de vue. Ainsi, l'Union nationale des associations familiales « fera preuve de la plus grande vigilance face aux évolutions de ce projet de directive qui ignore, en l'état, la spécificité des services qui ne peuvent être traités à l'égal des produits de consommation ». La Conférence permanente des coordinations associatives, elle aussi, demande « la mise en œuvre d'un principe de précaution et d'exclusion à l'égard des services associatifs ». Sollicitée par la Fédération internationale des travailleurs sociaux, l'Association nationale des assistants de service social lance un appel à contribution sur ce sujet auprès des professionnels (4).
(1) Voir ASH n° 2360 du 21-05-04.
(2) Instance consultative placée auprès du Conseil des ministres de l'Union européenne qui est chargée de suivre l'évolution des politiques de protection sociale dans les Etats membres.
(3) Voir ASH n° 2363 du 11-06-04.
(4) A transmettre sur