La loi « Sarkozy » du 26 novembre 2003 (1) a modifié l'ensemble du régime de la rétention administrative et apporté d'importantes retouches aux règles existant en matière de maintien en zone d'attente (2). Un décret d'application détaille aujourd'hui toute la procédure entourant l'éventuelle prolongation de la période d'enfermement de l'étranger en passe d'être expulsé : requête de l'autorité administrative, tenue de l'audience, décision judiciaire, conditions de recours, etc.
Acteur essentiel des deux procédures, c'est le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel l'intéressé est maintenu en rétention ou en zone d'attente qui décide, passé un certain délai (3), de prolonger ou non l'une ou l'autre des mesures. Il intervient plus précisément sur demande de l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention ou le maintien en zone d'attente. La requête de cette dernière doit être motivée, datée, signée et accompagnée d'un certain nombre de pièces justificatives. Dès sa réception, le greffier avise « aussitôt et par tout moyen » l'autorité requérante, le procureur de la République, l'étranger et son avocat, « s'il en a un », du jour et de l'heure de l'audience fixés par le juge. L'étranger est avisé également de son droit de choisir un avocat et, s'il le demande, le juge lui en fait désigner un d'office. La requête de l'autorité administrative et les pièces qui y sont jointes sont, dès leur arrivée au greffe, mises à la disposition de l'avocat de l'étranger et elles peuvent y être également consultées, avant l'ouverture des débats, par l'intéressé lui-même, « éventuellement assisté par un interprète s'il ne connaît pas suffisamment la langue française ». A l'audience, l'étranger - « sauf s'il ne se présente pas bien que dûment convoqué » - et, « s'il y a lieu », son avocat sont entendus. Le juge peut encore à ce stade nommer un interprète si l'étranger ne maîtrise pas bien la langue française.
Le juge des libertés et de la détention rend sa décision « sans délai », sous la forme d'une ordonnance notifiée sur place aux parties présentes à l'audience, qui en accusent réception. Il leur fait en outre connaître verbalement le délai d'appel et les modalités selon lesquelles cette voie de recours peut être exercée. Il les informe simultanément que, comme le prévoit désormais la loi, l'appel formé par le ministère public peut être déclaré suspensif. Toutes ces notifications sont faites par tout moyen et « dans les meilleurs délais » aux parties qui ne se sont pas présentées ainsi qu'au procureur de la République, qui en accusent réception.
Le juge peut décider, à ce stade, de mettre fin à l'enfermement de l'étranger ou de l'assigner à résidence. Si le procureur de la République ne s'oppose pas à l'exécution immédiate de cette décision, c'est-à-dire si, ne voyant pas d'inconvénient à cette remise en liberté, il n'a pas l'intention de demander à ce que son éventuel appel soit déclaré suspensif, il retourne l'ordonnance au magistrat, en indiquant sa position. Il est alors immédiatement mis fin à la mesure de maintien.
L'ordonnance du juge est susceptible d'appel devant le premier président de la cour d'appel ou son délégué, par l'étranger, le préfet (ou à Paris, le préfet de police) dans les 24 heures de son prononcé. Le ministère public peut également interjeter appel dans ce délai et ce, même s'il avait renoncé auparavant à solliciter la suspension provisoire. Simplement, s'il souhaite que son appel soit déclaré suspensif, il ne dispose que de quatre heures pour faire une demande en ce sens au juge d'appel (4). Dans cette hypothèse et pour les ordonnances notifiées à partir du 1erdécembre 2004, le ministère public devra faire notifier la déclaration d'appel, immédiatement et par tout moyen, à l'autorité administrative, à l'étranger et le cas échéant à son avocat, qui en accuseront réception. Cette notification devra indiquer que ces derniers disposent de deux heures pour transmettre par tout moyen au secrétariat du premier président ou de son délégué des observations sur la demande de déclaration d'appel suspensif. Le président (ou son délégué) ne statuera sur cette demande qu'après que l'étranger ou son conseil aura effectivement été mis à même de transmettre ses observations. La décision du juge d'appel sur le caractère suspensif est portée à la connaissance de l'étranger et de son conseil par le greffe de la cour d'appel et communiquée au procureur de la République. Ce dernier veille à son exécution et en informe l'autorité administrative qui a prononcé la rétention ou le maintien en zone d'attente. Lorsque l'étranger est maintenu à la disposition de la justice, c'est le procureur qui décide des conditions de ce maintien. Il doit en informer « sans délai » l'étranger et l'autorité administrative.
En tout état de cause, le juge d'appel statue sur le fond dans les 48 heures de sa saisine. Son ordonnance est communiquée au ministère public et notifiée à l'étranger (et le cas échéant à son conseil), ainsi qu'à l'autorité qui a prononcé la rétention ou le maintien en zone d'attente, une notification est faite sur place aux parties présentes qui en accusent réception. Le greffier la notifie par tout moyen et dans les meilleurs délais aux autres parties qui en accusent, elles aussi, réception. Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative et au ministère public.
Procédure particulière réservée à la r étention administrative, l'étranger retenu peut, hors des audiences, demander qu'il soit mis fin à son enfermement et saisir à cet effet le juge des libertés et de la détention par simple requête. Celle-ci doit toutefois être motivée, signée par l'étranger ou son représentant et accompagnée de toutes les pièces justificatives. Le juge peut la rejeter sans avoir préalablement convoqué les parties s'il apparaît q u'aucune circonstance nouvelle de fait ou de droit n'est intervenue depuis le placement en rétention administrative ou son renouvellement, ou que les éléments fournis à l'appui de la demande ne permettent manifestement pas de justifier qu'il soit mis fin à la rétention. En outre, indépendamment de tout cela, le juge peut à tout moment, après avoir mis l'autorité administrative à l'origine du placement en mesure de présenter ses observations, décider, de sa propre initiative ou à la demande du ministère public, la mise en liberté de l'étranger lorsque les circonstances de droit ou de fait le justifient. Son ordonnance n'est susceptible d'aucun recours autre qu'un pourvoi en cassation fondé sur un excès de pouvoir ou la violation d'un principe fondamental de la procédure.
(1) Voir ASH n° 2338 du 19-12-03.
(2) Pour mémoire, le placement en rétention administrative vise à maintenir à la disposition de l'administration les étrangers faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, quelle qu'elle soit, dans le cas où cette mesure ne peut être mise en œuvre immédiatement. Quant au maintien en zone d'attente, il peut être décidé à l'encontre d'étrangers interceptés à la frontière, retenus soit parce qu'ils ne sont pas autorisés à entrer sur le territoire français, soit parce qu'ils ont demandé leur admission au titre de l'asile, soit parce qu'ils se trouvent en transit et ne peuvent embarquer vers le pays de destination finale.
(3) 48 heures pour la rétention administrative, 4 jours pour le maintien en zone d'attente.
(4) La loi prévoit dans cette hypothèse que le juge décide sans délai, par ordonnance, s'il y a lieu, au vu des pièces du dossier, de donner à cet appel un effet suspensif. L'intéressé est maintenu à la disposition de la justice jusqu'à ce que l'ordonnance soit rendue et, si elle donne un effet suspensif, jusqu'à ce qu'il soit statué sur le fond.