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La CNCDH dénonce les conditions « inacceptables » d'incarcération des détenus étrangers

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Si «  la situation sociale dramatique  » à l'intérieur des prisons (indigence, illettrisme, rupture des liens familiaux) n'est pas propre aux étrangers détenus, elle «  les frappe d'autant plus qu'elle se cumule avec des discriminations multiples, notamment de par l'obstacle de la langue  », affirme la Commission consultative des droits de l'Homme (CNCDH) dans une étude adoptée le 18 novembre (1). Quelques mois seulement après avoir dressé un constat sévère de la condition pénitentiaire (2), l'instance récidive donc en dénonçant plus spécifiquement les «  conditions de détention particulièrement inacceptables  » des détenus étrangers dans les prisons françaises et les insuffisances du dispositif de réinsertion.

Alors qu'il avait connu «  une baisse constante » depuis 1994 , le nombre d'étrangers en prison « a augmenté de 10 % en 2003, soit un rythme plus élevé que la hausse de la population carcérale », indique la commission. Au 1er janvier 2004, ils représentaient ainsi 22,2 % des détenus (13 123 personnes), avec des pics à 30 %, voire à 50 %, dans certains établissements. Malgré tout, ils «  restent largement oubliés dans les débats et études sur la prison dans la société française », déplore la CNCDH, qui estime urgent « que soient réalisées des études statistiques approfondies sur les causes de [leur] sur-représentation  ». «  Cette connaissance approfondie doit permettre de combattre le préjugé répandu et entretenu d'une population étrangère plus délinquante que la population nationale  », explique-t-elle.

Des conditions de vie particulièrement difficiles

Mais surtout, la commission critique très vivement les conditions de vie des étrangers en prison. Au premier rang des difficultés que rencontre cette population, figure «  l'obstacle de la langue  ». «  En pratique, le recours aux interprètes en prison est très rare, car aucun budget n'est alloué  », déplore l'instance. «  Ni les entretiens qui ont lieu entre le détenu arrivant et les divers interlocuteurs de l'établissement pénitentiaire, ni les entretiens avec les personnels des services pénitentiaires d'insertion et de probation [SPIP], médicaux ou du service médico-psychologique régional ne sont considérés comme des nécessités absolues » débouchant sur le recours à un interprète. Aussi la commission demande-t-elle que l'interprétariat soit assuré et « des fonds suffisants prévus à cet effet », que « l'effort d'alphabétisation et d'enseignement du français [soit] accru » et que les documents d'information remis aux détenus soient traduits en plusieurs langues.

La CNCDH rappelle par ailleurs «  aux pouvoirs publics la nécessité de proposer à tous les détenus - et notamment aux détenus étrangers -une offre de travail suffisante à la fois en quantité, pour garantir un minimum de ressources, et en qualité, pour inscrire le travail dans une démarche à la fois qualifiante et pédagogique préparant à la réinsertion  ». Sur ce point, les étrangers sont en effet particulièrement défavorisés, estime la commission : «  pour la plus grande part, ils sont indigents et n'ont que la ressource de travailler au service général ou de dépendre du bon vouloir de leurs codétenus, moyennant compensations de toutes sortes, y compris les plus inavouables  ».

Pour favoriser le maintien des liens familiaux, la CNCDH demande qu'un droit de visite soit accordé aux familles des étrangers détenus, y compris ceux en situation irrégulière ainsi que la généralisation de l'accès au téléphone dans l'ensemble des prisons. Par ailleurs, l'instance estime que «  le regroupement avec des co-détenus de même nationalité, origine ou confession ne peut résulter que du choix individuel du détenu et en aucun cas de raisons de gestion de la population carcérale » (pratique du tri ethnique). Au-delà, elle demande que les détenus étrangers puissent accéder aux dispositifs de lutte contre les discriminations (CODAC, le numéro 114...).

Un dispositif de réinsertion et d'accès au droit insuffisant

Pour la commission, les structures chargées de la réinsertion sociale - en particulier les SPIP - et de l'assistance aux détenus «  sont souvent démunies face à la complexité du droit des étrangers et de leur situation individuelle ou familiale ». En effet, souligne l'étude, «  la situation d'indigence d'une part importante de cette population se combine souvent avec une situation d'irrégularité administrative qui les prive d'un accès aux droits sociaux et au droit au travail à leur sortie ». Les SPIP «  se trouvent donc bien souvent dans l'incapacité de mettre en œuvre pour ce public une aide à la réinsertion à la sortie de prison, ou même de permettre leur accès à la formation, au travail ou à un suivi psychologique pendant la détention ». En outre, des problèmes d'articulation entre les dispositifs d'accès au droit -encore trop peu développés -, les SPIP et les autres intervenants extérieurs aboutissent «  parfois à des difficultés pratiques quant à la circulation de l'information, le suivi ou l'analyse des situations individuelles et des démarches à entreprendre », relève la commission. Qui réclame donc la poursuite de la généralisation des dispositifs d'accès au droit spécifiques aux étrangers détenus, en concertation avec les SPIP et les services préfectoraux chargés des étrangers.

S.V.

Notes

(1)  Etude sur les étrangers détenus - Disponible sur commission-droits-homme. fr.

(2)  Voir ASH n° 2352 du 26-03-04.

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