La Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a, dans un arrêt du 11 novembre 2004, posé des limites au principe de l'application de la double peine à l'égard des ressortissants turcs. Les magistrats avaient à se prononcer sur le cas d'un jeune Turc vivant et travaillant en Allemagne, condamné à plusieurs reprises de 1996 à 2000 pour diverses infractions (coups et blessures, trafic de stupéfiants...). Toxicomane, libéré en 2001 afin de suivre une cure de désintoxication terminée avec succès à l'été 2002, il était sous la menace d'un arrêté d'expulsion immédiate pour « motifs graves tirés de la sécurité et de l'ordre publics ».
Selon la Cour, le droit communautaire s'oppose à cette mesure d'éloignement. Les ressortissants turcs bénéficient en effet d'un certain droit au séjour, reconnu par l'accord d'association signé en 1963 entre la Communauté économique européenne et la Turquie (1), et lié à l'appartenance « au marché régulier de l'emploi » d'un Etat membre. Ce droit ne peut « être limité en raison d'une absence prolongée du marché de l'emploi » (due au séjour en prison), a-t-elle considéré.
La mesure d'éloignement ne peut alors être justifiée que pour des motifs graves et actuels d'ordre public, une notion qui doit être interprétée de manière restrictive tant pour les Turcs que pour les ressortissants de l'Union européenne car elle touche à une liberté fondamentale : « la libre circulation des travailleurs ». La CJCE considère ainsi qu'une juridiction nationale doit prendre en compte « les éléments de fait intervenus après la dernière décision des autorités compétentes pouvant impliquer la disparition ou la diminution non négligeable de la menace actuelle que constituerait, pour l'ordre public, le comportement de la personne concernée ». En l'espèce, l'intéressé avait, en particulier, réussi sa cure de désintoxication
(1) Complété par une décision n° 1/80, du 19 septembre 1980 (article 7, premier alinéa).