Recevoir la newsletter

Mariages forcés : « les travailleurs sociaux souvent démunis »

Article réservé aux abonnés

Le travail en réseau avec les intervenants sociaux, ainsi qu'une volonté politique affirmée, sont nécessaires pour lutter contre les mariages forcés, « première source de violence faite aux femmes issues de l'immigration », explique Nicole Roussel, responsable de la commisson « violence » au Mouvement français pour le planning familial (1).
Le MFPF organisait les 4 et 5 novembre un colloque sur les mariages forcés. Pourquoi ce signal d'alerte ?

Il s'agissait d'interpeller les institutions sur la principale violence exercée à l'encontre des jeunes filles issues de l'immigration (2), et d'impulser un travail interdisciplinaire impliquant les acteurs politiques, sociaux et juridiques. Selon une estimation du Haut Conseil à l'intégration, environ 70 000 adolescentes âgées de 10 à 18 ans sont mariées de force ou risquent de l'être. Ces chiffres n'évaluent pas le nombre de garçons concernés, bien qu'ils soient aussi victimes, à une moindre échelle. Ces pratiques, qui favorisent les relations sexuelles non consenties, entraînent des dépressions, des grossesses non désirées, des violences physiques, souvent liées à des séquestrations, et psychologiques. Quand les jeunes filles s'y soustraient, se posent de surcroît des problèmes de rupture familiale, de détresse affective et sociale.

Les intervenants sociaux sont-ils suffisamment sensibilisés ?

Quand les victimes arrivent à parler, les travailleurs sociaux se sentent souvent démunis et ne savent pas à quels moyens recourir. Sans parler de ceux qui cautionnent la pratique en la renvoyant à un problème culturel !C'est pourquoi nous mettons en place des réseaux associatifs et institutionnels avec les assistants sociaux, les acteurs de la lutte pour le droit des femmes et de la santé, le conseil général, la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, les missions locales, l'Education nationale... Un premier réseau a été monté dans l'Hérault il y a quatre ans et nous commençons le même travail dans le Vaucluse, le Loir-et-Cher, la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur. Tout signal d'alerte, des absences à l'école par exemple, doit pouvoir déclencher une parole et une aide.

N'y a-t-il pas une crainte de stigmatiser les familles ?

C'est en effet le premier obstacle que les travailleurs sociaux nous opposent. Mais la lutte contre les mariages forcés existe aussi dans les pays d'origine. Il y a surtout un travail d'éducation à mener avec les familles en souffrance. Car ce sujet est pour partie lié au problème de l'intégration : confrontées à une situation sociale difficile, la discrimination dans le logement et l'emploi, certaines familles ont tendance à se replier sur leur identité. Notre premier travail est d'essayer de modifier les regards, comme nous l'avons fait pour les mutilations sexuelles. Avant d'en arriver à traîner les personnes devant les tribunaux, nous avons expliqué la loi, les conséquences de tels actes. Il faut aussi essayer d'entendre ce que les familles ont à dire pour avancer. Nous allons aussi démarrer une formation sur les mariages forcés pour les travailleurs sociaux, visant à en expliquer la problématique et à informer sur les recours possibles.

Quels sont les moyens d'action ?

La priorité est de mettre les victimes à l'abri. Mais nous sommes confrontés à un manque criant de places d'hébergement. En outre, l'accueil en CHRS peut être assez traumatisant pour ces jeunes filles. C'est pourquoi nous avons créé il y a un an, à Montpellier, un réseau de familles d'accueil provisoire bénévoles. Le recours juridique est difficile car les jeunes filles ne veulent pas porter plainte contre leur famille. En revanche, il est possible d'intervenir au moment de la transcription dans l'état civil français du mariage contracté à l'étranger. Il serait dans ce sens souhaitable que les consulats soient alertés et sensibilisés. Le Planning familial essaie d'agir à tous les niveaux : faire en sorte que des partenariats se nouent sur le terrain, réclamer les moyens nécessaires à leur fonctionnement. Nous demandons aussi une volonté politique (3) pour, à la fois, diffuser une information générale et ciblée et prendre des mesures législatives comme le relèvement de l'âge légal du mariage des filles de 15 à 18 ans. Nous demandons aussi que la France dénonce ses conventions bilatérales avec l'Algérie et le Maroc, qui reconnaissent un statut des femmes contraire à la législation française et à la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Propos recueillis par Maryannick Le Bris

Notes

(1)  MFPF : 4, square Saint-Irénée - 75011 Paris - Tél. 01 48 07 29 10.

(2)  Voir ASH n° 2242 du 21-12-01. Le MFPF a pris cette initiative au moment où, de son côté, le Collectif national pour le droit des femmes organise une manifestation nationale le 27 novembre contre la violence faite aux femmes. Le Secours populaire français lance quant à lui une campagne de sensibilisation de l'opinion publique sur le sujet.

(3)  Nicole Ameline a instauré un groupe de travail sur les violences envers les femmes issues de l'immigration. Voir ASH n° 2363 du 11-06-04.

Questions à

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur