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« Un pas en avant, trois en arrière », lors de la deuxième lecture au Sénat de la loi sur le handicap

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 Retour à la case dép art, celle de la loi de 1975 », pour l'Association des paralysés de France (APF). « Un détricotage qui laisse une impression de recul global », pour l'Unapei. « Un pas en avant, trois en arrière », résume la FNATH (L'association des accidentés de la vie). Dans les associations, l'heure est à l'incompréhension et à la colère après le débat au Sénat, en deuxième lecture, du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, conclu le 21 octobre (1).

Accessibilité :une obligation virtuelle ?

Encore soumis à plus de 500 amendements - un nombre énorme à cette étape, signe d'un texte largement improvisé -, le projet sort sérieusement modifié du débat de la Haute Assemblée. Le recul le plus spectaculaire concerne les obligations de mise en accessibilité du cadre bâti et des transports. Au nom du « réalisme », et de la « disproportion entre le coût des travaux et le bénéfice en termes d'accessibilité », les sénateurs (souvent suivis par la ministre) ont décidé de faire sauter toute « obligation inconditionnelle d'accessibilité » pour s'en tenir « au principe bien compris d'aménagements raisonnables ». Ils ont donc réintroduit la possibilité de dérogations économiques, libéré les établissements recevant du public de tout délai pour la mise en accessibilité, exclu la plupart des commerces et bon nombre de logements de toute obligation de ce genre, et supprimé le délai de dix ans pour l'aménagement des transports. Celui-ci avait été introduit par l'Assemblée nationale alors que le Sénat lui-même avait proposé six ans ! Ces mesures rendent le principe d'accessibilité « sans effet », et sont « antinomiques des objectifs de participation et de citoyenneté affirmés » dans le titre même de la loi, dénonce la FNATH. « La loi de 1975 promettait déjà une société rendue rapidement accessible », rappelle amèrement l'APF, qui se demande si les sénateurs ont « cédé à la pression de lobbies plus importants à leurs yeux que toutes les personnes en situation de handicap » et que tous les citoyens susceptibles, un jour ou l'autre, de se trouver avec une déficience motrice.

Autre exemples de « coups de canif » cités par Laurent Coquebert, directeur général de l'Unapei : le retrait de dispositions dotant l'entreprise de travail adapté d'une responsabilité de suivi social et reconnaissant les services d'insertion professionnelle, ou encore la suppression de la désignation d'un « enseignant référent » pour tout enfant scolarisé dans l'Education nationale, « mesure importante qui n'avait pourtant aucune incidence financière ». C'est au contraire un ajout « scandaleux » qui provoque la colère du collectif de 25 associations (2) attentives à encourager l'insertion maximale en milieu scolaire ordinaire. En cas de désaccord sur l'orientation de l'enfant, l'Assemblée avait laissé aux parents « la décision finale ». Le Sénat ajoute : « sauf incompatibilité de leur choix avec la sécurité physique ou psychique de l'enfant ou lorsque ce choix provoque des troubles qui perturbent, de manière avérée, la communauté des élèves ». Ce qui « autorise l'exclusion de l'école », dénoncent les contestataires.

En matière d'emploi, le Sénat a exclu des marchés publics les entreprises ne respectant pas l'obligation d'emploi de salariés handicapés et porté, contre l'avis du gouvernement, à 1 500 fois le SMIC (au lieu de 800) la contribution des entreprises qui se sont soustraites à cette même obligation pendant plus de trois ans, ce dont se réjouit la FNATH. En revanche, il a étalé sur cinq ans, de 2006 à 2010, la montée en charge de la contribution de l'Etat pour le même motif...

Véritable casus belli, rouvert par Nicolas About, « l'incompatibilité supposée entre la fonction de représentation des personnes handicapées et la fonction de gestion d'établissements », comme le dit Laurent Coquebert (3). L'un des amendements du sénateur est finalement passé et impose dans toutes les instances où sont représentées les personnes handicapées « la stricte parité » entre les associations gestionnaires et non-gestionnaires. « C'est une absurdité et une faute à l'égard des militants qui se sont battus depuis 50 ans pour donner des réponses concrètes aux familles. Si les associations ont progressivement obtenu des moyens des pouvoirs publics, ce n'est pas en tant que gestionnaires mais bien en tant que groupes de pression pour les personnes handicapées. Voir cette longue histoire rayée d'un trait de plume est d'autant plus hallucinant que cela est fait au nom de la démocratie et de la liberté d'expression », s'enflamme- t-il. « Que fait-on de la liberté d'association ? » Même réaction de l'Uniopss, qui dénonce un « non-sens » et s'étonne des molles réponses de la ministre, qui ouvre même un groupe de travail sur la question, alors que le Premier ministre en personne avait donné des assurances fermes aux associations devant le congrès de l'Unapei (4). Il n'y a guère que le Collectif des démocrates handicapés pour se réjouir de l'épisode, ce qui ne l'empêche pas d'assassiner le projet de loi comme « anti-démocratique » et « sans budget ».

Les enveloppes déjà fermées de la CNSA

Restent les dispositions précisant le rôle de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et des départements, introduites dans le projet par le gouvernement (5). « Elles pérennisent la prise en charge des soins par l'assurance maladie, réaffirment le rôle de l'Etat, notamment au travers d'une programmation interdépartementale des équipements, et retiennent un statut unique sous forme de GIP pour les maisons départementales du handicap, ce qui va dans le sens de ce qui était demandé par les associations », juge Johan Priou, conseiller technique à l'Uniopss. « Par contre, elles ne prévoient aucune forme de contractualisation entre la CNSA et le département, ce qui est pourtant indispensable si la caisse doit jouer un rôle de pilotage et de régulation. »

L'Uniopss pointe surtout le « paradoxe de la CNSA », d'ailleurs reconnu par Marie-Anne Montchamp elle-même devant la commission des affaires sociales du Sénat. Ses ressources propres sont d'entrée des « enveloppes fermées », or elles devront financer le nouveau droit à compensation, « créé comme un droit individuel, défini à partir des besoins et du projet des personnes concernées ». Au risque de constater un gouffre entre les besoins ainsi exprimés et les crédits distribués...

L'Uniopss regrette aussi que l'occasion ne soit pas saisie de créer d'entrée des maisons départementales de l'autonomie accueillant toutes les personnes présentant des incapacités, en préfiguration de la suppression promise des barrières d'âge. A cet égard, le texte prévoit désormais que le droit à compensation sera étendu aux enfants dans les trois ans. Et que les dispositions retenant des critères d'âge pour la compensation et les frais d'hébergement en établissement seront supprimées dans les cinq ans. La suite du débat à l'Assemblée nationale n'est pas prévue avant janvier.

M.-J. M.

Notes

(1)  Sur l'état du texte après la première lecture à l'Assemblée, voir ASH n° 2364 du 18-06-04. Sur le projet initial, voir ASH n° 2344 du 30-01-04.

(2)  Dont l'AFM et l'APAJH - Voir ASH n° 2362 du 4-06-04.

(3)  Voir sur ce point la prise de position du Conseil national consultatif des personnes handicapées dans les ASH n° 2378 du 22-10-04.

(4)  Voir ASH n° 2360 du 21-05-04.

(5)  Voir ASH n° 2377 du 15-10-04.

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