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Lutte contre le racisme et l'antisémitisme : les propositions de Jean-Christophe Rufin

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Il figurait parmi les six personnalités de la société civile désignées en juin dernier par Dominique de Villepin pour plancher sur les « nouveaux chantiers » ouverts par le ministère de l'Intérieur (1). Chargé plus spécifiquement du dossier de la lutte contre le racisme et l'antisémitisme, l'écrivain, médecin et actuel président d'Action contre la faim, Jean-Christophe Rufin, a remis son rapport le 19 octobre au ministre.

Après une analyse - d'ores et déjà critiquée par certaines associations - où il tente de dresser le portrait des auteurs d'actes racistes et antisémites d'aujourd'hui, Jean-Christophe Rufin développe toute une série de propositions très diverses, allant de l'amélioration de l'appareil statistique - en insistant notamment sur la nécessité d'évaluer le taux d'élucidation des affaires - à une meilleure écoute et prise en charge des victimes du racisme. « La police [doit-elle] rester la porte d'entrée obligée pour quiconque vient se déclarer victime de racisme ? », demande ainsi l'écrivain. Il se retrouve, sur ce point, dans un domaine où sont également attendues les conclusions du sociologue Azouz Begag, chargé par Dominique de Villepin de travailler sur les thèmes de la discrimination et de l'égalité des chances. Pour Jean-Christophe Rufin, il y a place pour un « guichet départemental », qui ne saurait ni prendre la forme d'un numéro vert, ni être rattaché aux nouvelles commissions pour la promotion de l'égalité des chances et la citoyenneté (voir ci-après). L'écrivain voit ainsi deux formules possibles : « soit la future Haute Autorité de lutte contre les discriminations se dote d'un numéro d'appel et de correspondants départementaux et il lui reviendra d'assurer cette fonction d'accueil et de recours », soit elle reste un organe centralisé, auquel cas, des  «  cellules départementales de lutte contre le racisme et l'antisémitisme composées, autour du préfet et d'un magistrat, de représentants des associations présentes dans le département » pourraient être créées.

Sur le terrain de la prévention, Jean-Christophe Rufin propose notamment d'inclure dans le contrat d'accueil et d'intégration destiné aux primo-arrivants une information sur les lois françaises en matière de lutte contre le racisme et l'antisémitisme, ainsi que des rappels historiques portant notamment sur la Shoah ou encore une information concernant les principaux mythes véhiculés par le négationnisme. Il relaie également la proposition du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples de créer un observatoire du racisme et de l'antisémitisme sur Internet.

L'écrivain souhaite encore ouvrir un débat national sur la question de l'immigration économique. Une question « purement et simplement occultée depuis 30 ans ». Or, cette occultation met selon lui en péril la seule voie d'accès qui reste aujourd'hui officiellement ouverte, à savoir le droit d'asile. La plupart des déboutés restent sur le territoire français et deviennent, aux yeux de la population, « des fraudeurs et des clandestins mais surtout pas des travailleurs, alors qu'un très grand nombre d'entre eux est pourtant d'ores et déjà absorbé dans l'économie française », explique Jean-Christophe Rufin. Pour lui, il serait donc temps de se demander « de qui avons-nous besoin et en quelle quantité ? ». Et donc d'envisager, à terme, l'ouverture d'une filière officielle d'immigration économique. « L'idéal serait de parvenir à l'ouverture [à côté de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides] d'un deuxième guichet auquel pourraient se référer les candidats à l'immigration. » Cela serait une façon d'améliorer l'image collective portée sur les étrangers et « décriminaliserait » l'immigration.

Pour l'écrivain, c'est par ailleurs dans le domaine de la réponse judiciaire que la législation anti-raciste actuelle montre ses limites. Toute injure, diffamation ou incitation à la haine raciale se trouve en effet aujourd'hui placée dans le cadre procédural très particulier de la loi sur la presse de 1881, ce qui aboutit à des résultats paradoxaux : « pour des événements relativement bénins (ce qui ne veut pas dire tolérables), on enclenche une procédure d'une grande lourdeur vu les protections qu'elle garantit, qui aboutit trop souvent à l'abandon des poursuites pour diverses raisons de nullité ». Il suggère en conséquence de sortir les propos publics racistes ou antisémites du cadre de cette loi et plaide pour qu'y soit plutôt consacré un texte spécifique.

Enfin, plus anecdotique, pour bien montrer que « la lutte contre le racisme et l'antisémitisme [...] vise à préserver l'existence [même] de la démocratie », l'écrivain propose de rebaptiser le comité interministériel présidé chaque mois par le Premier ministre « comité interministériel de lutte contre le racisme et l'antisémitisme et de protection de la démocratie ».

Dominique de Villepin s'est d'ores et déjà déclaré sensible à quelques-unes des propositions du rapport Rufin. Il considère ainsi que la question de la révision de la loi de 1881 sur la presse « mérite d'être étudiée ». Concernant l'idée d'un éventuel débat national sur l'immigration économique, le ministre de l'Intérieur indique avoir déjà lancé des travaux sur une « immigration choisie » avec les autres pays européens membres du G5. S'agissant enfin de l'amélioration de l'appareil statistique, le locataire de la Place Beauvau annonce qu'un rapport semestriel ou annuel complétera les actuelles données fournies chaque mois sur les actes de violences et menaces, afin de préciser le taux d'élucidation et l'état des poursuites pénales, « ce qui n'est pas fait aujourd'hui ».

Notes

(1)  Voir ASH n° 2366 du 2-07-04.

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