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La Commission nationale consultative des gens du voyage renaîtra-t-elle de ses cendres ?

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Les élections sénatoriales passées, verra- t-on enfin nommés les 40 membres de la Commission nationale consultative des gens du voyage, dont le renouvellement est en suspens depuis décembre 2002 ?

Cette instance de concertation et de coordination a décidément connu une existence erratique. Mise en place une première fois en 1992, puis réinstallée en 1995, elle n'avait, dans les deux cas, pas été au-delà de la première réunion. Relancée par un décret de 1999, et placée sous la présidence de Jean Blocquaux, inspecteur général des affaires sociales, elle a cette fois été réunie régulièrement pendant les trois ans de son mandat. Ses deux rapports d'activité, adoptés à l'unanimité, ont connu un certain écho (1). Même si tout n'a pas été parfait, la commission a eu le mérite de fonctionner dans un contexte toujours sensible et d'offrir un lieu de débat entre les représentants des gens du voyage eux-mêmes, les ministères concernés, les élus et les personnalités qualifiées (chacun de ces collèges étant composé de dix membres). « On pouvait s'y exprimer et on était parfois entendu », témoigne Pipo Sarguera, président du Centre culturel gitan, qui s'est battu pour obtenir un agrandissement des aires de stationnement. « C'était intéressant d'écouter à la fois les gens du voyage, les maires, les administrations, et cela a permis de voir des choses avancer », confirme Juliette Bachiri, de l'association Romano Pral. Même écho favorable du côté des élus qui se montraient, plus que dans d'autres instances, assidus aux réunions.

Volonté ou atonie ?

De son propre aveu, la commission a connu six mois de flottement en 2002, pendant la période électorale et avec le changement de majorité. En 2003, le renouvellement tarde, sans que l'on sache si cela résulte d'une décision politique non avouée de mettre l'institution en sommeil ou bien de l'atonie de cabinets ministériels où l'on n'identifie pas toujours un chargé du dossier. François Fillon, alors ministre des Affaires sociales, auquel est rattachée la commission, ne fait en tout cas pas la preuve de sa volonté de la réanimer, c'est le moins que l'on puisse dire. Il ne se manifeste que par une décision discrète. Sur un simple coup de fil de son cabinet, le président Blocquaux, dont le décret de nomination n'est toujours pas annulé, est déchargé de sa mission. Selon l'intéressé, les échanges tendus avec le député (UMP) Christian Estrosi, lors d'une audition sur le projet de loi pour la sécurité intérieure, ne seraient pas étrangers à la décision. Pendant ce temps, le ministre de l'Intérieur de l'époque, Nicolas Sarkozy, fait preuve d'activisme sur la question, à la fois en durcissant les mesures de répression pour le stationnement illégal des voyageurs (2), mais aussi en relançant les schémas départementaux et en recevant personnellement les représentants de certaines associations. En novembre 2003, un décret rattache l'institution - preuve au moins qu'elle n'est pas morte - à la fois au ministre des Affaires sociales et au ministre en charge du logement, tandis que son renouvellement est annoncé comme « imminent »   (3).

Les mois passent. Pressenti pour prendre la présidence de la commission, le sénateur (UDF) Nicolas About rencontre des représentants d'associations de gens du voyage, qui croient comprendre que la commission sera nommée avant la mi-septembre 2004.

Entre-temps, un amendement gouvernemental à la loi sur les libertés et responsabilités locales a accordé un nouveau délai de deux ans aux communes pour l'aménagement d'aires de stationnement (4). La proposition a été faite in extremis, en commission mixte paritaire, c'est-à-dire sans débat public. Il a fallu une protestation de la Ligue des droits de l'Homme pour que les spécialistes du dossier découvrent son existence. Le sénateur (UMP) Pierre Hérisson, vice-président de l'Association des maires de France (AMF), et l'un des deux représentants de celle-ci dans l'ancienne commission, y voit moins une mise en cause de la loi Besson qu'une manœuvre budgétaire, l'Etat devant financer à 70 % la construction et la rénovation des aires d'accueil. En tout cas, l'AMF n'a reçu ni formulé aucune demande écrite pour obtenir ce report, assure-t-il. Quelles que soient ses motivations, « la mesure a été d'autant plus facile à faire passer discrètement qu'il n'y avait pas de commission susceptible de s'en saisir et de protester », souligne Juliette Bachiri.

« Un gâchis »

L'ancien président Jean Blocquaux regrette le « gâchis du travail de longue haleine qui avait été réalisé pour crédibiliser la commission », la voir reconnue par les 17 ministères ou secrétariats d'Etat qui interviennent sur le dossier, les amener à la consulter chaque fois qu'une mesure est susceptible d'avoir des conséquences sur les gens du voyage. Même si des habitudes de contacts officieux ont subsisté entre certains fonctionnaires, des ministères très concernés comme l'Intérieur ou l'Equipement demandent aujourd'hui le retour de cette indispensable instance de concertation interministérielle et de « discussion aussi ouverte et aussi large que possible ».

La plupart des associations de gens du voyage le réclament aussi. « Nous avons tellement de problèmes et plus de lieu où les faire remonter, regrette ainsi Frédéric Bone, président de l'Association nationale des gens du voyage catholiques. On peut toujours envoyer des courriers dans les ministères, mais il n'y a plus de débat. » Un écho contraire, celui de Christian D'Hont, délégué de l'Association sociale nationale et internationale tzigane, qui préfère pour sa part « frapper à la porte de chaque ministère et rencontrer en direct les interlocuteurs », quitte à constater aussitôt qu' « on nous reçoit, on nous écoute, mais quand il s'agit de nous aider à démarrer des projets, il n'y a plus personne ».

Avant la fin de l'année...

Alors renaîtra ? renaîtra pas ? Si la direction générale de l'action sociale refuse de communiquer sur la question, le cabinet de Nelly Olin, ministre déléguée à la lutte contre la précarité et l'exclusion, et celui de Marc-Philippe Daubresse, secrétaire d'Etat au logement, confirment que « le travail est en cours ». Avec l'objectif « d'aboutir avant la fin de l'année ». La liste des associations appelées à représenter les gens du voyage serait prête, ce qui n'est sans doute pas le plus facile. Les ministres la reverront en visant « la représentativité la plus objective et la plus complète possible ». Ne manqueraient encore que les représentants de quelques associations d'élus. Maintenant que les municipales, les cantonales, les sénatoriales sont passées, et qu'il n'y aura plus d'élection avant 2007, ce dossier, certes peu populaire, sera-t-il débloqué ? D'autant que rien ne devrait empêcher de nommer 34 ou 38 membres en réservant les places des retardataires, que le président pressenti vient d'être réélu sénateur et que le secrétariat général de la commission est resté en place pendant la suspension des travaux...

Pour sa part, le sénateur-maire Pierre Hérissson espère une prochaine reprise, avec un recentrage sur le dossier prioritaire de la création des aires d'accueil, qu'il voudrait voir suivi de six mois en six mois au plus près des réalités du terrain. « Avec un discours ferme auprès des élus : plus vite les schémas départementaux seront mis en œuvre, plus vite la loi Sarkozy pourra s'appliquer et permettre aux maires de prendre des mesures en cas de stationnement illicite. Car il faut faire les choses dans cet ordre et pas l'inverse. » Lui qui voit les terrains installés dans son département de Haute-Savoie désertés, voudrait aussi faire passer un « message fort » aux gens du voyage pour qu'ils respectent les installations et acceptent de payer l'eau et l'électricité. Ce qui suppose, là encore, un lieu pour les rencontrer. Quitte à ce que les débats soient parfois animés.

M.-J.M.

Notes

(1)  Voir ASH n° 2243 du 28-12-01 et n° 2295 du 24-01-03.

(2)  Voir ASH n° 2303 du 21-03-03.

(3)  Voir ASH n° 2336 du 5-12-03.

(4)  Voir ASH n° 2370 du 27-08-04.

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