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Quelle exigence de qualification pour les directeurs ?

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Le niveau de qualification des directeurs doit-il varier en fonction de la taille de l'établissement ? Non, répond Marcel Jaeger, directeur général de l'Institut régional du travail social de Montrouge/Neuilly-sur-Marne, qui s'inquiète de l'avant-projet de décret d'application de la loi rénovant l'action sociale et médico-sociale sur le sujet.

« L'article 15 de la loi du 2 janvier 2002, codifié à l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, stipule que les prestations délivrées par les établissements et services concernés par la loi “sont réalisées par des équipes pluridisciplinaires qualifiées”, sous la direction de “professionnels dont le niveau de qualification est fixé par décret”. La réforme du certificat d'aptitude aux fonctions de directeur d'établissement ou de service d'intervention sociale (Cafdes) (1) est intervenue peu après ce texte, mais la question de l'obligation d'un minimum de qualification pour tous les directeurs restait entière, puisqu'il n'a jamais été envisagé de rendre obligatoire l'obtention du Cafdes. Au passage, on ne peut s'empêcher de s'interroger sur la situation d'un secteur qui se pose encore ce type de question, comme s'il n'était toujours pas arrivé à décoller de son amateurisme originel.

Depuis quelques mois, la direction générale de l'action sociale fait circuler un avant-projet de décret. C'est en soi une bonne nouvelle, mais le mode de raisonnement de l'administration appelle aussi de sérieuses réserves. Partant du constat de la grande diversité des situations et de l'hétérogénéité du secteur social et médico-social, le texte se propose de faire varier le niveau de qualification exigible des directeurs en fonction de deux paramètres qui s'emboîtent : d'abord la taille de l'institution dirigée, puis, selon les cas, l'ancienneté des intéressés.

Les instances et personnes consultées pour donner leur avis sur l'avant-projet sont invitées à mettre un même chiffre pour combler les espaces vides dans les deux premiers articles : un diplôme au moins de niveau II sera exigé pour diriger un établissement ou un service dont la capacité est supérieure à... (article 1)  ; un diplôme au moins de niveau III pour une capacité d'accueil inférieure à... (article 2).

C'est encore ce chiffre qui devrait être retenu pour déterminer la durée de l'expérience professionnelle préalable pour les non-titulaires d'une qualification sanitaire, sociale ou médico-sociale : si l'établissement ou le service a une capacité supérieure à..., le directeur devrait non seulement être titulaire d'un diplôme de niveau II, mais justifier en outre de deux ans au moins “d'activités sociales ou éducatives directes auprès de personnes âgées, handicapées, en situation d'exclusion sociale ou d'enfants protégés”. La durée de deux ans (indiquée dans l'avant-projet avec un point d'interrogation) serait réduite à six mois (toujours avec un point d'interrogation) dans le cas de structures plus petites. En fait, il est illusoire d'imaginer que, face à la crise du recrutement dans notre secteur, on puisse exiger de cadres ayant une formation “économique, gestionnaire ou managériale” une ancienneté dans des activités sociales ou éducatives “directes”, si tant est que cet adjectif soit bien définissable. On remarquera enfin que l'accès à la formation préparatoire au Cafdes est possible, depuis 2002, sans aucune condition d'ancienneté pour les titulaires d'un diplôme de niveau I.

L'obstacle de la crise du recrutement

Mais si l'on reste dans la logique discutable de l'avant-projet, quel chiffre choisir pour délimiter la frontière entre petite et grosse structure ? Une réponse avait été donnée pour l'accueil collectif des enfants de moins de 6 ans : 40. En effet, un éducateur de jeunes enfants (diplôme de niveau III) peut diriger une structure dont la capacité est égale ou inférieure à 40 places (2).

Pour une part aussi, nous retrouvons, en arrière- plan, les débats qui ont précédé la création du certificat d'aptitude aux fonctions d'encadrement et de responsable d'unité d'intervention sociale. La branche associative de l'aide à domicile aurait en effet souhaité que ce nouveau titre soit enregistré au niveau II afin de mieux répondre aux besoins de qualification de ses cadres (3). A l'inverse, les titulaires du Cafdes demandent que l'enregistrement de leur diplôme au niveau I entraîne une véritable reconnaissance statutaire et ne conçoivent pas qu'un diplôme de niveau III suffise pour exercer une fonction de direction, que ce soit dans une petite ou dans une grande structure.

Certes, le critère de la taille pour déterminer un niveau de qualification peut être pertinent en termes de poids et de niveau des responsabilités, ce qui est encore autre chose que la charge de travail qui peut être prise en compte dans une grille de classification ou par des primes. Mais là où la capacité d'accueil intervient peu, c'est dans ce qui constitue le cœur du métier de directeur au vu de l'évolution des politiques publiques : concevoir et impulser des projets, animer des équipes, les doter des outils demandés par le législateur, anticiper les évolutions dans le contexte de la rénovation de l'action sociale et médico-sociale. Pour cela, un diplôme au moins de niveau II, en prise avec les réalités professionnelles du secteur, n'est pas de trop, quelle que soit la capacité de l'établissement ou du service.

Les trois autres dispositions de l'avant-projet de décret posent tout autant problème. En premier lieu, un délai de cinq ans est prévu pour que les directeurs en fonction satisfassent aux obligations de qualification, notamment par la voie de la validation des acquis de l'expérience ; avec quelle garantie de financement et quelles conséquences en cas d'échec si rien n'a été prévu dans le contrat de travail initial ?

Lorsque l'organisme gestionnaire a recruté en deçà des conditions requises, il doit se justifier auprès de l'autorité publique amenée à “rendre un avis”, plus dans une logique de tutelle a priori que dans une logique de contrôle a posteriori.

Enfin, le texte prévoit de donner aux usagers et aux familles des garanties supplémentaires d'une nature un peu curieuse : les diplômes, titres ou engagements de formation du directeur seront portés à la connaissance du conseil de la vie sociale ou à tous les usagers dans le cas d'autres formes de participation, annexés au règlement de fonctionnement et affichés dans l'établissement ou le service. Si les compétences ne sont pas toujours visibles, les qualifications, elles, doivent l'être... Cela ouvre un espace sans fin de comparaisons entre des parcours individuels et d'exposition de qualités dont on finira par se demander pourquoi ne pas le généraliser à tous les acteurs du système.

En fait, il est assez paradoxal que chaque réforme de diplôme s'accompagne, depuis quelques années, de l'élaboration d'un référentiel et que la détermination d'un niveau minimal de qualification pour les directeurs se fasse en fonction non de l'objet du travail, mais de la dimension du cadre dans lequel il se déroule. Il serait sans doute plus judicieux de mettre en relation la nature de l'activité et son environnement, les compétences attendues du directeur, leur identification à l'aide du référentiel utilisé pour le Cafdes (cela éviterait d'en refaire un), puis l'offre de formation. C'est plutôt pour cette dernière qu'une régulation serait utile et c'était cela qui était attendu d'un projet de décret. »

Marcel Jaeger Directeur général de l'Institut régional du travail social de Montrouge/Neuilly-sur-Marne : 1, rue du 11-Novembre -92120 Montrouge -Tél. 01 40 92 01 02.

Notes

(1)  Décret n° 2002-401 du 25 mars 2002 - Voir ASH n° 2256 du 29-03-02.

(2)  Décret n° 2000-762 du 1er août 2000 - Voir ASH n° 2177 du 25-08-00.

(3)  Décret n° 2004-615 du 25 mars 2004 - Voir ASH n° 2353 du 2-04-04.

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