Quelques jours avant la réunion de la commission des compte de la sécurité sociale (voir ci-dessus), la Cour des comptes a confirmé, dans son rapport rendu public le 16 septembre (1), le déficit aggravé du régime général de la sécurité sociale pour l'année 2003, qui s'est élevé à 11,7 milliards d'euros, contre 3,8 milliards en 2002. L'année 2003 a été marquée par « la relative modération » des dépenses des branches famille (+ 3,8 %) et retraite (+ 3,5 %), qui restent excédentaires, et par la forte croissance des dépenses d'assurance maladie (+ 6,3 %), à l'exclusion des indemnités journalières versées au titre de la maternité et des rentes d'accidents du travail. L'assurance maladie est ainsi déficitaire de 11,9 milliards d'euros (contre 6,1 en 2002).
L'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM), initialement fixé à 123,52 milliards d'euros, a été dépassé, atteignant 124,76 milliards d'euros. Même si « ce dépassement est trois fois inférieur à celui de 2002 [3,9 milliards] » et est le plus faible depuis 1997 (2), souligne la cour, « il n'en reste pas moins que l'évolution des dépenses a été très forte ». Elles sont effectivement passées de 116,7 milliards d'euros en 2002 à 124,76 milliards en 2003 (+ 6,9 %).
Parmi celles-ci, « les dépenses de soins de ville ont à nouveau augmenté nettement plus que celles des établissements et notamment des hôpitaux » (+ 7,5 %), indique le rapport. Sur ce dernier point, il constate tout particulièrement que les dépenses de l'enveloppe médico-sociale ont été inférieures de 40 millions d'euros à l'objectif. Et que la « sous-enveloppe handicapés » dégage un crédit de 120 millions d'euros. A l'inverse, la « sous-enveloppe personnes âgées » a connu un dépassement de 90 millions d'euros. Forte de ces constats, la Haute Juridiction insiste sur « la nécessité d'une révision en profondeur des conditions dans lesquelles la loi de financement est établie et présentée au Parlement ». Réforme prévue dans le cadre de la loi du 13 août relative à l'assurance maladie qui devrait permettre d'inscrire les dépenses et les recettes de l'assurance maladie dans une logique pluriannuelle. Pour cela, une loi organique doit être présentée cet automne au Parlement.
Première source de dépenses pour l'assurance maladie, les affections longue durée (ALD) représentent « 40 % des dépenses de prestations en nature dispensées en ville, alors qu'elles ne concernent que 12 % de la population affiliée au régime général », précise la Cour, qui note une augmentation du nombre annuel de personnes admises en ALD. Le montant des dépenses remboursé est ici « près de neuf fois plus élevé » pour ces personnes que pour les autres assurés (6 623 € contre 741 € en 2002).
En outre, les magistrats constatent que les frais de transport pris en charge par l'assurance maladie - transports sanitaires (74 % en 2003) et non sanitaires (26 %) - sont très élevés. Relevant que plus de 90 %des dépenses de transport sont exonérées du ticket modérateur, ils suggèrent le renforcement de la qualité des prescriptions ainsi que leur contrôle.
Enfin, sont également visées les indemnités journalières versées en cas d'arrêt de travail. Entre 1999 et 2003, elles ont augmenté de près de 40 %, avec une forte accélération en 2002 (+ 13 %) et un ralentissement en 2003 (+ 6 %) (3). Ce sont celles de trois mois et plus, représentant 7 % des arrêts, qui pèsent le plus en termes de dépenses, soit 60 % (4). Le rapport relève que leur progression semble « être liée à l'arrivée à l'âge de 55 ans des générations nombreuses de l'après-guerre ».
S'agissant de la branche famille, même si elle demeure excédentaire en 2003, la cour note toutefois une régression (+ 426 millions d'euros contre +1 029 en 2002). Les dépenses se sont élevées à 47,1 milliards d'euros, soit une augmentation de 4,2 % par rapport à 2002. Ce résultat s'explique par une moindre progression des prestations d'entretien (allocations familiales, allocation de rentrée scolaire...) en raison, d'une part, d'une relative baisse du nombre d'enfants y ouvrant droit et, d'autre part, de la baisse du nombre de ménages éligibles pour celles de ces prestations soumises à conditions de ressources. En outre, les aides à la garde d'enfants de moins de 6 ans n'ont progressé que de 2,68 % par rapport à 2002 (contre 5,6 % en 2002 par rapport à 2001) et les aides au logement n'ont connu qu'une légère hausse de 1,19 % en 2003 (5). En revanche, les aides aux personnes handicapées ont connu une progression soutenue. Ainsi, l'allocation aux adultes handicapés et son complément ont représenté une dépense totale de 4 577 millions d'euros, soit une progression de 3,3 % due essentiellement à l'augmentation du nombre de bénéficiaires (+ 2,2 %). Et les dépenses relatives à l'allocation d'éducation spéciale se sont élevées en 2003 à 468 millions d'euros (au lieu de 388 en 2002), soit une progression de 20,8 % (contre 10,9 % en 2002).
Tout comme la branche famille, le solde excédentaire de la branche vieillesse s'amenuise, atteignant 616,4 millions d'euros en 2003, contre 1 659 en 2002.
Selon la Cour des comptes, si la hausse de la demande de soins, le comportement des prescripteurs et des assurés et l'absence de mesures de régulation des dépenses « recèlent une potentialité importante d'économies », ils ne sont pas les seuls facteurs pouvant expliquer le déficit de la sécurité sociale. L'insuffisance des outils de suivi et de pilotage des réseaux, le manque d'organisation de ces derniers ainsi que les dépenses de gestion des régimes - représentant 10 milliards d'euros - « empêchent à l'évidence une utilisation optimale des moyens », conclut-elle .
(1) La sécurité sociale - Septembre 2004 - N°4473 - Journal officiel : 26 rue Desaix - 75727 Paris cedex 15 - 14,40 € - Disponible sur
(2) L'ONDAM initial est lui aussi en augmentation puisqu'en 2002, il était de 112,8 milliards d'euros.
(3) Cette évolution est légèrement plus rapide que celle de l'ensemble des soins de ville, dont les indemnités journalières représentent 11,9 % en 2003.
(4) Les indemnités de moins de huit jours qui représentent près de 40 % du nombre des arrêts, ne totalisent que 3,4 % des indemnités journalières. Celles de huit jours à moins d'un mois (40 % des arrêts) sont à l'origine de 17 % des dépenses et celles de un à trois mois (12 % des arrêts), en entraînent 22 %.
(5) La faible augmentation des aides au logement peut s'expliquer par une légère diminution du nombre des bénéficiaires (- 1,3 %) et par la tardive revalorisation des barèmes (celle-ci n'a eu lieu qu'au second trimestre 2004, avec effet rétroactif au 1er juillet 2003).