Certes, la donne a changé depuis le dernier congrès de l'Union sociale de l'Habitat (USH), en juin 2003. A l'époque, son président, Michel Delebarre, réclamait que le logement soit déclaré « grande cause nationale ». Depuis, le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale a prévu 500 000 nouveaux logements sociaux d'ici à 2007 (voir ce numéro). Encourageant, estiment les acteurs du secteur, mais pas forcément suffisant au regard des besoins, estimés à 120 000 logements par an par le Conseil économique et social.
Alors que s'est tenu, du 21 au 23 septembre, le congrès 2004 de l'USH, où devait être discutée la convention entre l'Etat et les organismes HLM prévue par le projet Borloo, les associations ont exprimé d'autres réserves. La Fondation Abbé-Pierre et la Fédération des associations pour la promotion et l'insertion par le logement (FAPIL) déplorent ainsi la faible augmentation du nombre de logements réellement sociaux par rapport aux logements intermédiaires. La Fondation Abbé-Pierre aurait souhaité que le dispositif de maintien dans le logement en cas d'impayé de loyer prévoie un recours systématique au Fonds de solidarité pour le logement, afin que l'apurement des dettes, condition fixée pour éviter l'expulsion, ne reste pas une possibilité virtuelle. La FAPIL regrette pour sa part que le dispositif de prévention des expulsions ne concerne toujours pas les expulsions pour trouble de voisinage, « de plus en plus fréquentes » en raison de la « souffrance psychique qui concerne un nombre croissant de personnes ».
Passées ces critiques, reste un problème de fond qui risque de mettre à mal les ambitions du projet Borloo en matière de construction sociale : presque quatre ans après son adoption, les communes concernées par la loi de solidarité pour le renouvellement urbain, qui les oblige à accueillir 20 % de logements sociaux, traînent les pieds pour l'appliquer. Selon la Fondation Abbé-Pierre, qui a réalisé une étude sur le sujet (en cours de finalisation), un tiers d'entre elles se dédouanent de cette contrainte en se contentant de payer la taxe imposée en contrepartie, soit environ 150 € par logement manquant. Malgré des résultats globaux plutôt positifs (19 000 constructions sur 21 000 attendues en 2002-2003), les disparités sont criantes : tandis que certaines communes dépassent leurs objectifs, 30 % en province et 40 % en Ile-de-France des collectivités assujetties à la loi SRU n'ont construit aucun logement social en quatre ans. Les communes qui étaient déjà les plus éloignées du compte, constate la Fondation Abbé- Pierre, sont celles qui ont le moins modifié leurs pratiques. Pourquoi ces réticences ? Patrick Doutreligne, délégué général de la Fondation Abbé-Pierre, réfute l'argument du coût élevé de la construction, puisque les municipalités peuvent aussi procéder par rachat pour se conformer à la loi. Certaines évoquent le problème foncier, dénonce-t-il, alors qu'elles réalisent des programmes privés.
Lors du congrès de l'USH, Patrick Doutreligne a demandé un triplement, voire un quadruplement, du montant de la sanction, seul moyen selon lui de lever les freins idéologiques à la mixité sociale. « Dans le contexte de décentralisation, il reste à jouer sur la corde sensible du budget des communes et des impôts des citoyens », plaide-t-il. Michel Delebarre a d'ailleurs mis le doigt sur l'aspect central de la nouvelle politique du logement : au vu des nouvelles responsabilités locales, a-t-il rappelé, « les collectivités territoriales délégataires auront un rôle important » dans la réalisation des objectifs affichés.
La Fondation Abbé-Pierre souhaiterait que le renforcement de la sanction pour les communes récalcitrantes soit incluse dans le projet de loi pour la cohésion sociale. Mais, selon son cabinet, c'est dans le projet de loi « Habitat pour tous » que Marc-Philippe Daubresse devrait inscrire des « mesures coercitives pour les communes qui ne jouent pas le jeu et des mesures incitatives pour celles qui le jouent ». Promesse a également été faite aux associations de faire figurer dans ce projet de loi une obligation de créer dans les communes un certain nombre de maisons relais (1). L'opposabilité du droit au logement, autre idée force des assises du logement du 1er juillet dernier (2), pourrait également faire l'objet de propositions gouvernementales dans le projet de loi « Habitat pour tous ».
(1) Cette mesure avait initialement été prévue dans le cadre de l'élaboration du plan de cohésion sociale - Voir ASH n° 2364 du 18-06-04.
(2) Voir ASH n° 2367 du 9-07-04.