Les transferts de compétences en matière d'action sociale, de logement et de formation professionnelle (Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 et décision du Conseil constitutionnel n° 2004-503 DC du 12 août 2004, J.O. du17-08-04)
Clé de voûte d'un chantier commencé à l'automne 2002 avec la réforme de la Constitution (1), la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales va conduire l'Etat à se délester de nombreuses prérogatives en 2005, au profit des collectivités territoriales. Conçue dans l'esprit de « rapprocher la décision du citoyen » et d' « accroître la démocratie locale », celle que Jean-Pierre Raffarin avait lui-même présenté comme la « mère des réformes » aura connu un parcours législatif mouvementé, suscitant l'hostilité jusque dans les rangs de la majorité. Au point d'amener le Premier ministre à faire passer le texte en force, via le recours à l'article 49-3 de la Constitution (2).
L'une des principales craintes, exprimée par les parlementaires de tous bords, était l'absence de réelles garanties financières. Beaucoup ont ainsi été ulcérés du fait que le gouvernement n'ait pas prévu en premier lieu de débattre du volet financier de la réforme et qu'il ait donc envisagé de fixer de nouveaux transferts de compétences aux collectivités locales sans prévoir les moyens dont ces dernières disposeraient pour y faire face. Ils auront sur ce point obtenu gain de cause, la loi sur l'autonomie financière des collectivités territoriales ayant, au final, été adoptée avant celle sur les transferts de compétences.
Les deux textes ont passé sans encombre l'étape du Conseil constitutionnel. Tout juste les sages ont-ils censuré, s'agissant de la loi relative aux libertés et responsabilités locales, une disposition différant le transfert des personnels non enseignants de l'Education nationale dans les départements d'outre-mer.
Les départements assumeront ainsi, au 1er janvier 2005, le rôle de chef de file dans le domaine de l'action sociale. La loi leur confie en outre l'élaboration et la mise en œuvre du schéma d'organisation sociale et médico-sociale (en concertation avec l'Etat et après avis du comité régional de l'organisation sociale et médico-sociale), la création, le financement et la gestion des fonds d'aide aux jeunes en difficulté, ainsi que la définition et la mise en œuvre de l'action sociale en faveur des personnes âgées. Les conseils généraux se voient également conférer le soin de mettre en œuvre, à titre expérimental et de manière volontaire, les mesures ordonnées par le juge dans le cadre de l'assistance éducative.
Plusieurs pans de la gestion du logement social glisseront par ailleurs dans le giron des départements- avec, entre autres, la création dans chacun d'entre eux d'un fonds de solidarité pour le logement - mais aussi dans celui des communes, avec notamment une délégation possible aux maires du contingent préfectoral.
Les régions, quant à elles, auront la haute main sur les aides aux entreprises comme sur toute la formation professionnelle. Elles se verront en effet confier la pleine responsabilité de la formation professionnelle des adultes. Celle des travailleurs sociaux leur sera également transférée, l'Etat conservant toutefois ses compétences en matière de délivrance des diplômes et titres de travail social, ainsi que de contrôle des programmes de formation, de qualification des formateurs et des directeurs d'établissements ainsi que de la qualité des enseignements.
L'Etat et les collectivités n'ont désormais plus que quelques mois pour préparer les transferts de compétences et de personnels. Près de 130 000 fonctionnaires devraient être concernés. Ils auront le choix entre conserver leur statut de fonctionnaires de l'Etat ou intégrer la fonction publique territoriale (voir encadré).
Une circulaire générale d'explication de la loi relative aux libertés et responsabilités locales est attendue, ainsi qu'une multitude de décrets d'application.
A noter : nous ne détaillons, dans ce dossier, que les parties de la loi ayant trait à l'action sociale et médico- sociale, à la protection de l'enfance, à la formation professionnelle et au logement social.
Dans ce numéro :
I - La formation des travailleurs sociaux
A - Les compétences de l'Etat
B - Les compétences des régions
II - Le rôle renforcé du département en matière d'action sociale
A - La coordination de l'action sociale
B - L'élaboration du schéma départemental d'organisation sociale et médico-sociale
C - Le pilotage des fonds d'aide aux jeunes
III - L'action sociale en faveur des personnes âgées
A - Le département, coordonnateur de l'action gérontologique
B - Les comités départementaux des retraités et personnes âgées
IV - L'expérimentation d'une mission élargie des départements en matière d'assistance éducative
A - Le champ de l'expérimentation
B - L'exercice de cette compétence
C - Les modalités de l'expérimentation
D - L'entrée en vigueur de l'expérimentation
E - L'évaluation de l'expérimentation Dans un prochain numéro :
V - Le logement social
VI - Le rôle accru de la région en matière de formation professionnelle
Avec l'acte II de la décentralisation, les régions héritent, à compter du 1er janvier 2005, de la responsabilité de la politique des formations sociales. Un changement fondamental qui suscite des inquiétudes - relatives notamment au possible creusement des inégalités territoriales - chez certains acteurs de la formation dans le secteur (3). L'Etat conservera toutefois son mot à dire tant en termes de création d'établissements de formation que de délivrance de diplômes et titres de travail social ou encore de contenu et de qualité des formations.
Jusqu'à présent, le cadre juridique régissant les formations en travail social était fixé par la loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions. Bien qu'affirmant le principe de la participation des formations sociales au service public de la formation, ce texte prévoyait, par un renvoi au pouvoir réglementaire, une procédure dérogatoire de création des titres et diplômes. La formation sociale s'appuyait ainsi « sur un dispositif particulier fondé sur des formations spécifiques liées aux objectifs de prise en charge de populations fragiles » (Rap. A.N. n° 1435, février 2004, Daubresse, tome I).
Avec la loi du 13 août 2004, le législateur s'est attaché, en modifiant l'article L. 451-1 du code de l'action sociale et des familles, à intégrer davantage les formations sociales dans le droit commun des diplômes et titres à finalité professionnelle délivrés au nom de l'Etat. Des modalités de création des diplômes et titres de travail social ainsi que des établissements semblables à celles en vigueur par ailleurs sont instaurées. Spécificité des formations sociales toutefois, la loi accorde à l'Etat un droit de regard sur leur contenu et leur organisation.
A noter : un décret doit fixer les modalités d'application du nouvel article L. 451-1 du code de l'action sociale et des familles et, notamment, les sanctions encourues en cas de non-respect de ses prescriptions.
La loi relative aux libertés et responsabilités locales institue la responsabilité de l'Etat dans la création et l'organisation des diplômes et titres de travail social (code de l'action sociale et des familles[CASF], art. L. 451-1, al. 2 modifié). Elle fait pour cela référence aux dispositifs de droit commun en matière de formation par renvoi à l'article L. 335-6 du code de l'éducation, qui dispose que « les diplômes et titres à finalité professionnelle délivrés au nom de l'Etat sont créés par décret et organisés par arrêté des ministres compétents, après avis d'instances consultatives associant les organisations représentatives d'employeurs et de salariés quand elles existent ». S'agissant des formations sociales, la loi précise que les diplômes et titres sont délivrés « dans le respect des orientations définies par le ministre chargé des affaires sociales et après avis du Conseil supérieur du travail social ». Le schéma national des formations, qui était auparavant fixé par le ministre en charge des affaires sociales et qui s'attachait à coordonner les différentes filières de formation des travailleurs sociaux, en lien notamment avec l'enseignement supérieur, est au passage supprimé, au profit d'une programmation définie à l'échelon régional .
Tout en réaffirmant le principe de la participation des établissements dispensant des formations sociales au service public de formation, la loi du 13 août 2004 simplifie la procédure de création de ces structures. Elle substitue à la procédure d'agrément auprès de l'Etat celle de simple déclaration préalable auprès du préfet de région (CASF, art. L. 451-1, al. 3 modifié). Tous les établissements, qu'ils soient publics ou privés, dispensant des formations sociales initiales et continues, sont soumis à cette obligation (4). Ils sont, au-delà, soumis également « aux obligations et interdictions prévues aux 2 et 4 de l'article L. 920-4 du code du travail », à savoir :
l'obligation pour les directeurs de ces établissements de justifier des titres et qualités des personnels d'enseignement et d'encadrement employés et de la relation entre ces titres et qualités et les formations dispensées ;
l'interdiction d'exercer une fonction de direction ou d'administration pour les personnes ayant fait l'objet d'une condamnation pénale pour manquement à la probité, aux bonnes mœurs et à l'honneur. « Ces prescriptions semblent être le minimum que l'Etat puisse exiger en terme de qualité des formations dispensées par ces établissements », estime la rapporteure pour avis au Sénat, Annick Bocandé (Avis Sén. n° 33, octobre 2003, Bocandé).
Malgré l'importance des transferts de compétences opérés en la matière au profit des régions dans le cadre de l'acte II de la décentralisation, l'Etat conserve, en dehors de celles relatives à la création des diplômes et des centres de formation, certaines prérogatives dans le domaine des formations sociales. La loi du 13 août 2004 lui confère en effet la mission de contrôler, dans des conditions fixées par voie réglementaire, « le respect des programmes, la qualification des formateurs et directeurs d'établissement et la qualité des enseignements délivrés par ces établissements pendant la durée des formations » (CASF, art. L. 451-1, al. 4 modifié). Ce contrôle vaut pour l'ensemble des formations sociales, initiales ou continues, et est donc indépendant du statut de la personne suivant la formation (étudiant ou stagiaire de la formation professionnelle). La liste d'aptitude nationale régissant les emplois de directeurs et de formateurs - prévue par la loi de lutte contre les exclusions mais qui n'a jamais été effective, faute de décret d'application - est au passage supprimée.
A noter cependant que sous l'impulsion des parlementaires, il a été décidé que les départements doivent être consultés sur la définition et le contenu des formations. Ils sont les principaux acteurs de l'aide sociale et « connaissent parfaitement les besoins sociaux, ce qui leur [donne] une légitimité pour exprimer leur avis en ce domaine », a justifié le député (UMP) Pascal Clément (Rap. A.N. n° 1435, février 2004, Daubresse, tome I).
En transformant l'article L. 451-1 du code de l'action sociale et des familles, la loi du 13 août n'a pas fait que modifier les compétences de l'Etat en matière de formations sociales mais a également redéfini, sans le bouleverser, le champ de ces formations. Il s'agissait de prendre en compte les évolutions récentes des missions des travailleurs sociaux en mentionnant leur rôle en matière de lutte contre la maltraitance, de prise en charge de la perte d'autonomie ou encore de compensation du handicap et de cohésion sociale. L'article affirme ainsi dorénavant que « les formations sociales contribuent à la qualification et à la promotion des professionnels et des personnels salariés et non salariés engagés dans la lutte contre les exclusions et contre la maltraitance, dans la prévention et la compensation de la perte d'autonomie, des handicaps ou des inadaptations et dans la promotion de la cohésion sociale et du développement social ».
Les régions seront désormais compétentes au 1er janvier 2005 pour définir et mettre en œuvre la politique de formation des travailleurs sociaux (CASF, art. L. 451-2, al. 1 modifié). Elles seront, dans ce cadre, chargées de recenser les besoins en formation sociale au plan régional, mais aussi d'agréer et de financer les établissements dispensant des formations initiales.
Les régions devront recenser, « dans le cadre de l'élaboration des schémas régionaux des formations sociales » et « en association avec les départements », les besoins de formation à prendre en compte pour la conduite de l'action sociale et médico-sociale et indiquer comment elles comptent y répondre (CASF, art. L. 451-2, al. 1 modifié).
Créés par la loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions comme une déclinaison du schéma national des formations sociales, les schémas régionaux ont bien failli être supprimés avec la loi relative aux libertés et responsabilités locales, au profit d'un autre outil, plus global, permettant de recenser les besoins et l'offre de formation. Les parlementaires ont finalement abandonné cette idée. Malgré la disparition du schéma national, « les schémas régionaux gardent toute leur pertinence et apparaissent de facto comme l'outil le mieux adapté pour répondre aux nouvelles responsabilités imparties aux régions », explique ainsi l'ancien député et actuel secrétaire d'Etat au logement, Marc-Philippe Daubresse (Rap. A.N. n° 1435, février 2004, Daubresse, tome I).
L'association des départements au recensement des besoins aura également fait débat. Pour Annick Bocandé, elle est essentielle : « les départements emploient en effet directement près de 60 000 travailleurs sociaux et financent une grande partie des autres établissements qui les emploient ». « Ils doivent donc être les interlocuteurs naturels des régions pour déterminer les besoins- quantitatifs et qualitatifs - de formation en travail social » (Avis Sén. n° 33, octobre 2003, Bocandé).
La région se voit confier, dans le cadre de ses nouvelles compétences, la responsabilité de l'agrément des établissements dispensant des formations sociales initiales. Ces structures étaient auparavant agréées par le ou les représentants des ministres compétents dans la région et, le cas échéant, l'académie de région. Les conditions d'agrément se trouvent donc dorénavant décentralisées même si, rappelons-le, l'Etat conserve un œil sur les établissements dispensant des formations sociales initiales - et continues - à travers la procédure obligatoire de déclaration préalable auprès du préfet de région.
A noter : cet agrément n'est pas une simple faculté ouverte aux établissements qui souhaiteraient être financés par la région. « Il s'agit d'une obligation, et par conséquent, il ne peut exister d'établissement dispensant des formations sociales initiales qui ne soit pas à la fois agréé et financé par la région » (Avis Sén. n° 33, octobre 2003, Bocandé).
Un décret doit fixer les conditions minimales d'agrément, cela afin « d'assurer un plancher d'exigences communes tout en préservant la possibilité d'un agrément en opportunité ». « Ces conditions feront l'objet de concertations avec les régions et les centres de formation en travail social » (Avis Sén. n° 33, octobre 2003, Bocandé).
Signalons que la loi du 13 août 2004 prévoit que les régions peuvent, par voie de convention, déléguer leur compétence d'agrément aux départements qui en font la demande. Il s'agit, selon l'exposé des motifs du projet de texte, de « laisser aux régions les moyens d'organiser au mieux leur collaboration avec les départements, dont la responsabilité en matière d'action sociale est renforcée ».
Avant l'acte II de la décentralisation, c'est à l'Etat qu'il revenait de financer les établissements dispensant des formations sociales. Son aide était constituée d'une subvention couvrant, d'une part, les dépenses liées à l'emploi des formateurs, et d'autre part, celles d'ordre administratif et pédagogique sur la base d'un forfait national par étudiant. De plus, l'Etat versait des subventions d'investissement aux établissements. Ces crédits, destinés à la construction, à la rénovation ou aux gros travaux dans les centres de formation, étaient affectés par les préfets de région.
Avec la loi du 13 août 2004, ce sont les régions qui, dans le cadre d'une convention avec l'Etat, financent les établissements dispensant des formations sociales initiales auxquels elles accordent leur agrément (CASF, art. L. 451-2-1, al. 1 nouveau). L'aide apportée par ces collectivités prend la forme d'une subvention annuelle couvrant les dépenses administratives et celles liées à l'activité pédagogique (CASF, art. L. 451-2-1, al. 2 nouveau). Quant aux dépenses d'investissement, d'entretien et de fonctionnement des locaux, les régions n'ont pas à les assumer entièrement, mais doivent simplement y participer, dans des conditions définies par une délibération du conseil régional.
A noter : les régions sont tenues de financer la formation des étudiants inscrits dans les établissements situés dans leur ressort territorial, quelle que soit leur origine géographique. En effet, « aucune condition de résidence n'est opposable aux étudiants » (CASF, art. L. 451-2-1, al. 3 nouveau).
La loi pose le principe de la gratuité des études dans les établissements dispensant des formations sociales initiales (CASF, art. L. 451-2-1, al. 4 nouveau). Comme c'était déjà le cas, cependant, elle prévoit que des frais restent susceptibles d'être assumés par les étudiants. A commencer par les droits d'inscription, dans la limite d'un montant fixé chaque année par référence au niveau arrêté pour les droits de scolarité dans les instituts universitaires professionnalisés (CASF, art. L. 451-2-1, al. 5 nouveau). Outre ces frais d'inscription, les établissements peuvent prélever des frais de scolarité « correspondant à la rémunération de services aux étudiants ».
Signalons par ailleurs que les établissements sont toujours autorisés à bénéficier de « rémunérations de services, participations des employeurs ou subventions des collectivités publiques » (CASF, art. L. 451-2-1 al. 5 nouveau). Il s'agit, notamment, de permettre de préserver les « dispositifs, mis en place dans un certain nombre de départements, de subvention du conseil général pour la création de places supplémentaires de formation en travail social » (Avis Sén. n° 33, octobre 2003, Bocandé).
Selon la rapporteure au Sénat Annick Bocandé, toutes ces « ressources complémentaires - rémunérations de services, participations des employeurs, subventions des collectivités publiques ou encore frais de scolarité prélevés sur les étudiants - représentent à l'heure actuelle près du quart des budgets des établissements » (Avis Sén. n° 33, octobre 2003, Bocandé).
La loi relative aux libertés et responsabilités locales confie aux régions, à partir du 1er janvier 2005, la responsabilité « d'attribuer des aides aux étudiants en travail social » (CASF, art. L. 451-3, al. 1 modifié). Sont visées au premier chef dans cette formulation les actuelles bourses en travail social mais le législateur, on le voit, n'exclut pas que d'autres formes d'aides - en nature par exemple (logement, restauration...) -soient mises en place par les régions.
La nature, le montant et les conditions d'attribution de ces aides sont fixés par délibération du conseil régional.
Toutefois, compte tenu d'un impératif d'égalité des étudiants, l'Etat conserve le rôle de fixer, par décret, les règles minimales de taux et de barème des aides (CASF, art. L. 451-3, al. 2 modifié). « Les régions pourront toutefois évidemment prévoir des règles plus favorables » (Avis Sén. n° 33, octobre 2003, Bocandé).
La loi du 13 août 2004 investit, à compter du 1er janvier 2005, le département du soin de définir et de mettre en œuvre la « politique d'action sociale » (CASF, art. L. 121-1 modifié). Elle cherche également à simplifier un système complexe marqué par la coexistence d'une multitude d'instances.
Il est vrai que si depuis les lois de décentralisation de 1983, le département a la haute main en matière d'aide sociale légale (aide sociale à l'enfance, protection maternelle et infantile, allocation personnalisée d'autonomie...), ce bloc de compétences a été à de nombreuses reprises entaillé au profit d'exceptions en faveur de l'Etat. L'objectif de la loi du 13 août est donc de clarifier la situation en plaçant le département au cœur de la coordination.
La loi tend ainsi à ériger le département en collectivité « chef de file », au sens de l'article 72 de la Constitution, dans le domaine de l'action sociale. Rappelons que par une révision constitutionnelle du 28 mars 2003, la notion de « chef de file » a été consacrée : « Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre. Cependant, lorsque l'exercice d'une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser l'une d'entre elles ou un de leurs groupements à organiser les modalités de leur action commune. »
Elle met également fin au copilotage qui existe actuellement en la matière avec l'Etat. Une modification qui a d'ailleurs été contestée par les parlementaires de l'opposition qui voyaient en cette mesure la négation de la responsabilité régalienne qui incombe à l'Etat de traiter la situation des plus démunis et le moyen pour lui de se dédouaner de sa responsabilité face à la paupérisation en renvoyant la faute sur les exécutifs locaux.
Quoi qu'il en soit, le nouveau rôle du département vise la politique d'action sociale. Par action sociale, c'est l' « ensemble des actions, dispositifs et services qui concourent au développement social et à la lutte contre les exclusions » qui est visé (Avis Sén. n° 33, octobre 2003, Bocandé). C'est-à-dire l'aide sociale légale mais également l'aide sociale extralégale ou facultative (aide au logement, à l'amélioration de l'habitat, accompagnement scolaire...) qui relève de la libre initiative de ses promoteurs. Seules les prestations légales d'aide sociale étaient jusqu'à présent visées par le code de l'action sociale et des familles au titre des attributions des départements. Des attributions qui demeurent à leur charge.
En outre, selon l'un des rapporteurs pour avis au Sénat, Annick Bocandé, il n'est opéré aucun transfert « aux départements [de] la compétence au fond sur ces dispositifs » (Avis Sén. n° 33, octobre 2003, Bocandé ). La loi précise que ces collectivités assurent ce rôle « en tenant compte des compétences confiées par la loi à l'Etat, aux autres collectivités territoriales ainsi qu'aux organismes de sécurité sociale ». Il s'agit pour le département d'intégrer la prise en compte des compétences de ces acteurs dans la politique qu'il définit.
Dans ce cadre, le département est chargé de coordonner l'ensemble des actions qui concourent à cette politique. Il devra également organiser la participation des personnes morales de droit public et privé mentionnées à l'article L. 116-1 du code de l'action sociale et des familles à la définition des orientations en matière d'action sociale et à leur mise en œuvre. Autrement dit sont visés l'Etat, les collectivités territoriales et leurs établissements publics, les organismes de sécurité sociale, les associations et les institutions sociales et médico-sociales.
Ainsi, « le département se voit [...]confier un rôle central puisque c'est à lui seul qu'il revient désormais de définir les orientations et la mise en œuvre de l'action sociale et médico-sociale et d'en coordonner l'ensemble des acteurs » (Avis A.N. n° 1434, février 2004, Tian).
Parallèlement et dans un souci de simplification, la loi supprime les commissions de l'action sociale d'urgence (CASU), instances composées notamment de représentants des services de l'Etat, du conseil général, des communes et des caisses d'allocations familiales, et chargées « d'assurer la coordination des dispositifs susceptibles d'allouer des aides, notamment financières, aux personnes et aux familles rencontrant de graves difficultés » (CASF, art. L. 145-1 supprimé).
Disparaît également le comité départemental de coordination des politiques de prévention et de lutte contre les exclusions qui réunissait le représentant de l'Etat dans le département, le président du conseil général, des représentants des collectivités territoriales ainsi que des administrations et des représentants de diverses instances intéressées (conseil départemental d'insertion, commission de l'action sociale d'urgence, comité départemental de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi...) ( CASF, art. L. 145-2 supprimé ). Selon les rapports parlementaires, sur un échantillon représentatif de quelques départements (Loiret, Bouches-du- Rhône, Seine-Saint-Denis, Haute- Garonne et Lozère), aucun n'aurait mis en place ce comité.
La loi relative aux responsabilités locales abroge enfin les dispositions prévoyant la possibilité pour les collectivités territoriales de conclure des conventions de coordination des interventions en matière de prévention et de lutte contre les exclusions avec les organismes dont relèvent les acteurs de terrain ( CASF, art. L. 145-3 et L. 145-4 supprimés ).
Pour autant, la suppression de ces instances ne doit pas, selon les rapports parlementaires, « être interprétée comme un retour en arrière en matière de concertation : rien n'interdit en effet, dans les départements où de telles structures ont montré leur efficacité, de maintenir une telle architecture ». La loi « mise désormais sur la liberté d'organisation du département pour procéder à la concertation nécessaire à la mise en œuvre de la politique de l'action sociale » (Rap. A.N. n° 1435, tome 1, février 2004, Daubresse).
Dans le même esprit, le conseil général sera, à compter du 1er janvier 2005, compétent pour adopter le schéma départemental d'organisation sociale et médico- sociale. Rappelons que, réformé par la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale (5), cet outil, établi pour 5 ans, sert à apprécier la nature, le niveau et l'évolution des besoins sociaux et médico- sociaux de la population, à dresser le bilan de l'offre sociale et médico-sociale existante et à déterminer les perspectives et les objectifs de développement de cette offre. Il est également chargé de préciser le cadre de la coopération et de la coordination entre les établissements et services sociaux et médico-sociaux et de définir les critères d'évaluation des actions mises en œuvre dans leur cadre (CASF, art. L.312-4 inchangé). Il peut être assorti, sans que cette disposition revête un caractère obligatoire, d'une annexe précisant la programmation pluriannuelle des établissements et services à créer, transformer ou supprimer.
Ce schéma porte sur tout un panel d'établissements et services dont les plus importants concernent l'aide sociale à l'enfance, la prise en charge du handicap, l'accueil et les soins aux personnes âgées, l'accueil et l'hébergement des personnes en difficulté sociale. Autant de secteurs faisant l'objet d'autorisations et de financements qui relèvent tantôt de l'aide sociale départementale, tantôt de l'aide sociale de l'Etat ou concernent la prise en charge des soins par l'assurance maladie. Conséquence : il est actuellement prévu qu'il est élaboré et arrêté conjointement par le représentant de l'Etat dans le département et le président du conseil général. A défaut d'accord, ces derniers arrêtent chacun séparément un schéma pour les établissements et services qui les concernent ou dont les prestations sont prises en charge au titre de leur compétence. Toutefois, si au 3 janvier 2004 ou dans le délai de un an après l'expiration du précédent schéma aucun schéma n'avait été arrêté, le représentant de l'Etat dans le département devait y procéder dans les 3 mois.
A compter du 1er janvier 2005, la loi modifie la donne en confiant au conseil général - et non au seul président du conseil général - la responsabilité d'adopter ce schéma (CASF, art. L.312-5 modifié).
C'est donc l'assemblée délibérante du département qui est investie de ce pouvoir. Il était proposé, dans une première mouture du texte, que le président du conseil général adopte seul ce schéma. Puis les parlementaires ont jugé qu'un « document de programmation engageant le département pour plusieurs années » devait relever de la compétence du conseil général et non de son seul président (Rap. Sén. n° 31, tome 1, octobre 2003, Schosteck).
En tout état de cause, le conseil général devra l'adopter après concertation avec le représentant de l'Etat dans le département et, comme auparavant, après avis du comité régional de l'organisation sociale et médico-sociale (CASF, art. L. 312-5 modifié).
Dans le cadre de la concertation, le représentant de l'Etat devra faire connaître au président du conseil général les orientations que le schéma devra prendre en compte pour un certain nombre de structures. Autrement dit, même « s'il lui revient la responsabilité formelle d'arrêter le schéma, le [...] conseil général ne pourra que prendre acte des orientations qui lui seront transmises par le préfet : sa marge de manœuvre pour planifier l'effort de création des places est donc réduite » (Avis. Sén. n° 33, octobre 2003, Bocandé).
Ces orientations concerneront divers établissements et services visés à l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, à savoir :
les établissements et services d'enseignement et d'éducation spéciale (CASF, L.312-1, I, 2°) ;
les établissements et services relevant de la protection judiciaire de la jeunesse (CASF, L.312-1, I, 4°) ;
les centres d'aide par le travail (CASF, art. L. 312-1, I, 5° a) ;
les établissements et services comportant ou non un hébergement pour personnes en difficulté (CASF, art. L. 312-1, I, 8°) ;
les foyers de jeunes travailleurs (CASF, art. L. 312-1, I, 10 °).
Sont également visés les établissements et services mentionnés à l'article L. 162-24-1 du code de la sécurité sociale dont la tarification des prestations, supportées par l'assurance maladie, est fixée par l'autorité compétente de l'Etat. A ce titre, sont notamment concernés les établissements et services relevant de l'article L. 312-1 6° et 7° du code de l'action sociale et des familles, à savoir les structures pour personnes âgées ou handicapées délivrant des prestations de soins. Le représentant de l'Etat devra donc également formuler des orientations à l'égard de ces derniers.
En clair : le schéma devra prendre en compte les orientations qui découlent de la compétence actuelle de l'Etat sur une partie du champ social et médico-social.
Un délai est en outre imparti au représentant de l'Etat pour se manifester : au plus tard 6 mois avant l'expiration du précédent schéma.
La loi du 13 août 2004 modifie les modalités de récupération par le conseil général d'un paiement indu d'allocation du revenu minimum d'insertion (RMI) (CASF, art. L. 262-41 modifié) .Actuellement, tout paiement indu est récupéré par retenue sur le montant des allocations à échoir ou, si le bénéficiaire opte pour cette solution ou s'il n'est plus éligible au RMI, par remboursement de la dette en un ou plusieurs versements. Il est toutefois prévu que si le débiteur se trouve en situation de précarité, la créance peut être remise ou réduite sur décision prise, depuis le 17 août, par le président du conseil général et non plus selon des modalités fixées par voie réglementaire.
Explications : avec la réforme du revenu minimum d'insertion, ces dispositions réglementaires ont d'abord indiqué que le président du conseil général était compétent pour prendre ces décisions. Puis, dans un second temps, cette règle a été abrogée (6) . Dès lors, cette compétence décisionnelle était du ressort de l'assemblée délibérante du département. La loi revient sur cette dernière mesure dans un souci de pragmatisme. « Une telle disposition permet d'accélérer les procédures puisque les décisions ne sont plus dépendantes des sessions du conseil général » (Rap. A.N. n° 1733, juillet 2004, Gest).
Si le représentant de l'Etat doit faire connaître ses orientations dans un certain délai, la loi met parallèlement en place une date butoir avant laquelle le conseil général doit avoir arrêté le schéma. Ainsi, si le schéma n'a pas été adopté dans un délai de 12 mois à compter de la transmission des orientations de l'Etat, il devra l'être par le représentant de l'Etat (CASF, art. L. 312-5 modifié). En faisant courir ce délai à compter de la « transmission des orientations de l'Etat », le législateur a voulu ne pas pénaliser le département en cas d'envoi tardif de ces données par le préfet.
Ce pouvoir de substitution du préfet jouera également pour les schémas venant à terme ultérieurement, si le nouveau schéma n'a pas été arrêté dans le délai de un an suivant la date d'expiration du schéma précédent.
Toujours dans une perspective décentralisatrice, la loi relative aux libertés et responsabilités locales attribue, à compter du 1er janvier 2005, aux seuls départements l'entière responsabilité de la gestion des fonds d'aide aux jeunes en difficulté (FAJ), mettant ainsi fin au copilotage et au cofinancement avec l'Etat (CASF, art. L. 263-15 nouveau). Institués par une loi du 19 décembre 1989, ces fonds ont été rendus obligatoires pour l'ensemble des départements par la loi du 29 juillet 1992 relative au revenu minimum d'insertion (RMI).
Cette décentralisation est à mettre en parallèle avec le transfert aux départements du RMI intervenue début 2004 (7). « La création, en 1989, des fonds visait en effet à compléter, pour les 18-25 ans, le dispositif de lutte contre les exclusions, dont la mesure « pivot » - le revenu minimum d'insertion -n'était accessible qu'à compter de l'âge de 25 ans. » Aussi, ce transfert devrait permettre au département, « dans la mesure où il [a] également [...] la responsabilité du RMI, de disposer de la palette des outils nécessaires à la cohérence du dispositif de prévention et de lutte contre les exclusions » (Avis Sén. n° 33, octobre 2003, Bocandé).
Concrètement, il sera créé dans chaque département un fonds d'aide aux jeunes placé sous l'autorité du président du conseil général. Ce fonds se substituera à celui ayant le même objet institué dans le département avant le 1er janvier 2005, date d'entrée en vigueur de la loi (CASF, art. L. 263-15, I nouveau).
Le public visé reste toujours le même. Il s'agit des jeunes en difficulté de 18 à 25 ans. Sa mission demeure également inchangée. Il aura compétence pour attribuer des aides destinées à favoriser leur insertion sociale et professionnelle et il pourra, le cas échéant, leur apporter des secours temporaires de nature à faire face à des besoins urgents (CASF, art. L. 263-15, I nouveau). Toutefois, contrairement à ce que prévoyaient les textes antérieurs, il n'est plus précisé que ces aides ont un caractère subsidiaire et qu'elles sont versées pour une durée limitée.
Par ailleurs, il reviendra au règlement intérieur du fonds - et non plus à un décret -, adopté par le conseil général après avis du conseil départemental d'insertion, de déterminer les conditions et les modalités d'attribution des aides, notamment en cas d'urgence, et les conditions de mise en œuvre des mesures d'accompagnement (CASF, art. L. 263-15, II nouveau). Conséquence de cette décentralisation : les comités locaux d'attribution des aides, qui rassemblent aujourd'hui les organismes concernés par l'insertion et les aides aux jeunes en difficulté, disparaissent.
Quant au financement du fonds, il sera désormais assuré par le département ( CASF, art. L. 263-15, I nouveau). L'article L. 263-17 du code de l'action sociale et des familles selon lequel la participation financière du département devait être au moins égale à celle de l'Etat est corrélativement abrogé. Ainsi, le niveau de financement du fonds est donc désormais librement déterminé par le département et repose donc sur le « pari de la responsabilité départementale » (Avis Sén. n° 33, octobre 2003, Bocandé). Par ailleurs, la possibilité pour les autres collectivités territoriales, leurs groupements (nouveau) et les organismes de protection sociale d'y participer est maintenue.
Certaines garanties accordées aux jeunes, par voie réglementaire, sont par ailleurs maintenues (CASF, art. L. 263-15, II nouveau).
Aucune durée minimale de résidence dans le département n'est exigée pour pouvoir bénéficier des aides du fonds.
Conservé également le principe d'un suivi systématique de tout jeune bénéficiaire d'une aide du fonds dans sa démarche d'insertion.
La loi prévoit enfin que les aides sont attribuées sans qu'il soit tenu compte de la participation pouvant être demandée aux personnes tenues à l'obligation alimentaire à l'égard de l'intéressé, « ce qui semble logique compte tenu de la situation des bénéficiaires, souvent en rupture avec leur milieu familial » (Avis Sén. n° 33, octobre 2003, Bocandé) (CASF, art. L. 263-15, III nouveau).
Contrairement à ce qui avait été envisagé par le projet de loi, le département ne pourra finalement pas exercer de recours en récupération. Pour le rapporteur au Sénat à l'époque, Marc-Philippe Daubresse, aujourd'hui secrétaire d'Etat au logement, « l'impact d'une telle disposition [le recours en récupération] a été mesuré, on sait que cette procédure lourde est peu intéressante, étant donné la faiblesse des sommes en jeu. En outre, nous satisferions ainsi une demande des associations d'insertion, qui nous ont alertés sur les effets dissuasifs d'une telle mesure, qui risque de décourager les jeunes de faire appel à ces fonds » (J.O.A.N. [C.R.] n° 24 du 28-02-04). Il est vrai, en outre, que le maintien d'une telle disposition allait plutôt à contre-courant de la tendance, observée ces dernières années, à la suppression de tels mécanismes de récupération.
La loi fixe les modalités des transferts de services occasionnés par les transferts de compétences de l'Etat et décrit les garanties individuelles accordées aux personnels.
En cas de transferts définitifs de compétences
A partir du 1er janvier 2005, les services ou parties de services qui participeront à l'exercice des compétences de l'Etat transférées aux collectivités territoriales ou à leurs groupements seront, eux aussi, transférés (8) . Pour « concilier l'effectivité du transfert des compétences et la nécessaire continuité du service public » (9) , une période de transition est prévue, au cours de laquelle les modalités pratiques de mise à disposition des services devront être déterminées par une ou plusieurs conventions entre l'Etat et la collectivité territoriale concernée (région, département, commune).
Cette convention, qui devra être conclue dans un délai de 3 mois à compter de la publication future du décret approuvant une convention type (10), constatera ainsi la liste des services ou parties de service qui sont, pour l'exercice de leurs missions, mis à disposition de la collectivité (ou du groupement de collectivités) bénéficiaire du transfert de compétences, et les placera, à titre temporaire, sous l'autorité de cette dernière. Si aucune convention n'est passée dans ce délai, la liste des services sera établie par arrêté. Dans l'attente de la signature des conventions ou, à défaut, des arrêtés, et à compter de la date de transfert des compétences, l'autorité de la collectivité territoriale concernée donnera ses instructions aux chefs de services de l'Etat en charge des compétences transférées.
Pendant cette période transitoire, qui prendra fin avec la publication des décrets fixant les transferts définitifs des services entre l'Etat et les collectivités territoriales, les fonctionnaires et les agents non titulaires de l'Etat et de ses établissements publics seront mis de plein droit à disposition, à titre individuel, selon le cas, du président du conseil régional, du président du conseil général, du président de l'organe délibérant du groupement de collectivités territoriales ou du maire, et placés sous son autorité. A noter que les agents non titulaires de l'Etat qui remplissent les conditions pour être titularisés par la voie des concours réservés, institués par la loi du 3 janvier 2001 sur la résorption de l'emploi précaire (11) , conserveront le bénéfice de cette voie de recrutement définitif. Il seront mis à disposition jusqu'au terme de leur contrat et, au plus tard, jusqu'à la date d'entrée en vigueur des décrets de transferts définitifs. Toutefois, ceux reçus aux concours réservés demeureront mis à disposition jusqu'à la date de leur nomination en qualité de fonctionnaire. S'ils sont titularisés dans la fonction publique de l'Etat et affectés à un service transféré à une collectivité territoriale, ils bénéficieront du droit d'option offert à tout fonctionnaire de l'Etat et leur permettant de choisir l'intégration dans un cadre d'emplois de la fonction publique territoriale ou le maintien du statut de fonctionnaire de l'Etat (voir ci-dessous).
Dans les 2 ans suivant la publication des décrets de transfert définitif des services, les fonctionnaires de l'Etat mis à disposition pourront opter soit pour le statut de fonctionnaire territorial, soit pour le maintien de leur statut. Dans ce dernier cas, ils seront placés, sans limitation de durée, en position de détachement auprès de la collectivité territoriale. Ils pourront toutefois, à tout moment, demander à être intégrés dans la fonction publique territoriale (FPT). Le rapporteur de la loi au Sénat, Jean-Pierre Schosteck, a cependant précisé que, passé le délai de 2 ans pour exercer le droit d'option, la collectivité territoriale sera « libre des suites à donner à cette demande » (Rap. Sén. n° 31, Schosteck, octobre 2003) . Les fonctionnaires de l'Etat ayant opté pour le statut de fonctionnaire territorial seront intégrés dans un cadre d'emplois de la FPT dans les conditions prévues par les dispositions statutaires applicables à ces derniers. Et les services effectifs accomplis par les intéressés dans leur corps d'origine seront assimilés à des services accomplis dans ce cadre d'emplois. Les fonctionnaires qui, à l'expiration du délai de 2 ans, n'auront pas fait usage de leur droit d'option seront placés en position de détachement sans limitation de durée.
Les agents non titulaires de droit public de l'Etat et de ses établissements publics (12) se verront, quant à eux, reconnaître, à la date d'entrée en vigueur des décrets fixant les partitions définitives des services, la qualité d'agent non titulaire de droit public de la fonction publique territoriale. Ils conserveront, à titre individuel, le bénéfice des stipulations de leur contrat et les services qu'ils auront antérieurement accomplis en qualité d'agent non titulaires de l'Etat seront assimilés à des services accomplis dans la collectivité territoriale. Pour ceux dont le contrat arriverait à échéance pendant la période de mise à disposition mais avant la publication des décrets de partition, les collectivités territoriales pourront, par dérogation aux procédures de recrutement et de nomination prévues par le statut de la FPT, les recruter en tant qu'agents non titulaires.
L'ensemble de ces règles, qui seront précisées par décret, sont applicables aux fonctionnaires et aux agents non titulaires de l'Etat mis à disposition du département dans le cadre de la décentralisation du revenu minimum d'insertion, effective depuis le 1er janvier 2004 (13) .
Enfin, les fonctionnaires de l'Etat ayant opté pour le statut de fonctionnaire territorial et appartenant à la catégorie active (14) conserveront, à titre personnel, le bénéfice des avantages qui en découlent, à la condition d'exercer dans la collectivité d'accueil des fonctions de même nature que celles qu'ils exerçaient antérieurement pour l'Etat.
En cas d'expérimentation ou de délégation de compétences
Pour les services qui participent à l'exercice des compétences faisant l'objet d'une expérimentation ou d'une délégation de compétences, c'est le principe de la mise à disposition de plein droit, à titre individuel, des personnels (fonctionnaires et agents non titulaires de l'Etat) auprès de la collectivité territoriale concernée qui s'appliquera.
Une convention Etat-collectivité territoriale devra être également conclue, selon les mêmes modalités que pour un transfert de services.
La loi laisse enfin la possibilité au président du conseil général de confier, par convention, tout ou partie de la gestion du fonds départemental à une ou plusieurs communes ou à un ou plusieurs établissements publics de coopération intercommunale. Semble ici visée la gestion de l'instruction des demandes ou de l'attribution des aides. Jusqu'à présent, le code de l'action sociale et des familles ouvrait la possibilité de créer des fonds locaux d'aide aux jeunes sur le territoire du département par convention entre l'Etat, le département et une ou plusieurs communes. Ceux-ci disparaissent donc en tant que tels (CASF, art. L. 263-16 nouveau).
En outre, le président du conseil général pourra également confier par convention la gestion financière et comptable du fonds, sous sa responsabilité et sous son contrôle, à un organisme de sécurité sociale, une association ou un groupement d'intérêt public (CASF, art. L.263-16 nouveau). A la différence du droit actuel, tous les organismes de sécurité sociale, en particulier les caisses de mutualité sociale agricole, pourront donc bénéficier de cette délégation alors que, jusqu'à présent, les textes réglementaires évoquaient seulement les caisses d'allocations familiales.
A noter toutefois que la notion d'organisme de sécurité sociale est plus restrictive que celle de « protection sociale » évoquée dans le cadre de la participation au financement du fonds (voir ci-dessus). Concrètement, une mutuelle pourra, par exemple, participer au financement du fonds mais non s'en voir déléguer la gestion financière.
Dans la continuité des dispositions confirmant le département dans son rôle en matière d'action sociale, la loi du 13 août 2004 lui accorde, à compter du 1er janvier 2005, une compétence générale dans la conduite et la coordination de l'action sociale en faveur des personnes âgées. Une position qui s'explique par la place occupée aujourd'hui par cette collectivité qui dispose déjà d'une compétence de droit commun en matière d'aide sociale aux personnes âgées et qui gère l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) (CASF, art. L. 113-2 nouveau).
La loi affirme ainsi que le département « définit et met en œuvre l'action sociale en faveur des personnes âgées ». Ce dernier détermine, pour ce faire, des secteurs géographiques d'intervention et les modalités d'information du public.
Il doit également coordonner, dans le cadre du schéma départemental d'organisation sociale et médico-sociale - la loi lui en ayant confié, rappelons-le, l'élaboration -, les actions menées par les différents intervenants.
Toujours dans cet esprit, et afin de répondre à un besoin mis en évidence par la Cour des comptes dans un rapport de 2003 consacré à la sécurité sociale (15), le législateur attribue au département le soin de veiller à la répartition des rôles des différents intervenants de la coordination gérontologique. En sa qualité de « chef de file », le département devra donc veiller à la cohérence des actions respectives des centres locaux d'information et de coordination, des équipes médico-sociales de l'APA versée aux personnes âgées vivant à leur domicile et des établissements et services sociaux et médico- sociaux qui accueillent des personnes âgées ou qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l'insertion sociale.
Par ailleurs, la loi confère aux départements la responsabilité des centres locaux d'information et de coordination (CLIC), créés en 2000 à titre expérimental et légalisés par la loi du 20 juillet 2001 relative à l'APA (16). Par là, il s'agit encore de trouver une réponse aux critiques formulées par la Cour des comptes dans ce même rapport. De fait, « le bilan de la coordination gérontologique montre un développement inégal sur le territoire, une grande place laissée aux initiatives expérimentales[...], une implication croissante, notamment sur le plan financier, des conseils généraux venant compléter voire suppléer l'action de l'Etat » (Avis Sén. n° 33, octobre 2003, Bocandé). L'ambition est donc de « relancer le processus de développement de ces centres qui est aujourd'hui quasiment interrompu » et de « parvenir à terme à un véritable maillage du territoire national » par ces centres, a expliqué la rapporteure pour avis au Sénat, Annick Bocandé au cours des débats (J.O. Sén. [C.R.] n° 96 du 6-11-03).
Pour mémoire, ces structures - il en existait 404 fin décembre 2003 (17) - ont un rôle d'information du public, de coordination de l'action gérontologique et peuvent participer, aux côtés des départements, à la mise en œuvre du plan d'aide des bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie. La loi du 2 janvier 2002 les classe dans la nomenclature des établissements et services sociaux et médico-sociaux dans le cadre de l'article L. 312-1, I, 11 ° du code de l'action sociale et des familles (CASF, art. L. 313-3, a) modifié).
Ainsi, le département mettra en œuvre ses compétences en s'appuyant notamment sur ces centres. Ces derniers étant autorisés par le président du conseil général, en leur qualité d'établissement ou de service social et médico-social.
Des dispositions transitoires sont toutefois introduites. Ainsi, les centres qui, au 1er janvier 2005, auront fait l'objet d'une décision conjointe de labellisation du représentant de l'Etat dans le département et du président du conseil général seront réputés autorisés, indique la loi. Une convention entre le représentant de l'Etat dans le département, le président du conseil général et l'organisme gestionnaire de chaque centre local d'information et de coordination devra acter les modalités de poursuite de l'activité en tenant compte des financements transférés par l'Etat aux départements organisés par la loi du 13 août.
En outre, dans un souci de souplesse, la loi relative aux libertés et responsabilités locales prévoit une formule permettant de fédérer les différents intervenants et de laisser aux départements une certaine latitude pour choisir les partenaires les mieux à même d'améliorer la prise en charge des personnes âgées. Ainsi, le département pourra signer des conventions avec l'Etat, les organismes de sécurité sociale - comme il peut déjà le faire aujourd'hui - ou avec tout autre intervenant en faveur des personnes âgées pour assurer la coordination de l'action gérontologique. Pour la rapporteure pour avis au Sénat, Annick Bocandé, il s'agit également d' « éviter que les expérimentations actuellement en cours, et avec succès, par exemple, [celle de] la Mutualité sociale agricole, ne soient interrompues après le vote » de la loi (J.O. Sén. [C.R.]n° 96 du 6-11-03).
La loi donne, par ailleurs, une base légale aux comités départementaux des retraités et personnes âgées (CASF, art. L. 149-1 nouveau ). Des instances qui reposaient jusque-là sur un décret du 4 août 1982 selon lequel elles constituent « un lieu de dialogue, d'information et de réflexion au sein duquel des représentants des retraités et des personnes âgées participent à l'élaboration et à l'application des mesures de toute nature les concernant, en concertation avec les professionnels et les principaux organismes chargés de mettre en œuvre les actions en leur faveur au sein du département ».
Ces « comités départementaux », à vocation consultative, seront désormais placés auprès des seuls présidents de conseils généraux et non plus présidés par le préfet, en cohérence avec l'affirmation de la compétence du département dans la conduite et la coordination de l'action en faveur des personnes âgées. Leur composition et leurs modalités de fonctionnement seront fixées par délibération du conseil général mais ils devront comprendre, en tout état de cause, des représentants des associations et organisations représentatives, sur le plan local, des retraités et personnes âgées. Les membres du comité seront nommés par arrêté du président du conseil général.
Quant à leur rôle, la loi ne le précise pas mais l'exposé des motifs du projet de loi indiquait qu'ils pourraient être invités à participer aux travaux sur le schéma départemental d'organisation sociale et médico-sociale que le président du conseil général est chargé d'élaborer et à ceux concernant les établissements et services qui accueillent des personnes âgées ou leur apportent à domicile une assistance.
La loi du 13 août 2004 étend, à titre expérimental et à compter du 1er janvier 2005, les compétences des départements pour la mise en œuvre des mesures d'assistance éducative décidées par l'autorité judiciaire dans le cadre des articles 375 et suivants du code civil. Ce dispositif repose sur le volontariat des collectivités.
A l'origine de cette disposition : un constat dressé par la commission d'enquête du Sénat en 2002 sur la délinquance des mineurs (18) et par la Cour des comptes en 2003 (19), qui relevaient le rôle complémentaire en matière de protection de l'enfance des départements et de l'autorité judiciaire mais aussi leurs relations parfois conflictuelles.
Ainsi, les services de l'aide sociale à l'enfance se voyaient reprocher une saisine trop systématique de l'autorité judiciaire « afin de se défausser des cas lourds et d'éviter le plus possible le recours aux mesures d'assistance éducative en milieu ouvert » (Rap. Sén. n° 31, tome 1, octobre 2003, Schosteck). De même, la tendance de la justice à recourir aux procédures de l'assistance éducative à l'égard des mineurs délinquants était également dénoncée. Ce phénomène de « judiciarisation » de la protection de l'enfance préoccupe les responsables des départements pour lesquels « il est moins le reflet d'une évolution des situations des familles en difficulté que d'une dérive des pratiques professionnelles » (Rap. Sén. n° 31, tome 1, octobre 2003, Schosteck). Rappelons, en effet, que ces mineurs délinquants ne relèvent pas des dispositions relatives à l'assistance éducative mais de l'ordonnance du 2 février 1945 en vertu de laquelle le juge peut prendre des mesure « éducatives » de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation qui sont sensiblement l